Qui a peur du grand méchant casseur ?
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Une bonne partie de ces « insurrectionnels », comme on les appelle au collectif Tant qu’il y aura des bouilles (1), ne sont pas des nouveaux venus. Bien au contraire. Tout simplement, parce que les émeutes sur la ZAD sont quotidiennes depuis le premier septembre ! Oui, vous avez bien lu : quotidiennes ! Chaque matin, à l’arrivée des machines, les barricades et les tranchées attendaient systématiquement les gardes mobiles escortant ingénieurs et bûcherons. Certains des zadistes n’avaient rien d’autre dans les mains que des cailloux ou des bâtons, d’autres parfois des cocktails Molotov. En face, le feu d’artifice commençait en général vers 8 heures : brouillard épais de gaz lacrymogènes, explosions de bombes assourdissantes, tirs de flash-ball, souvent tendus et à courte distance, occasionnant de nombreuses blessures depuis deux mois parmi les insurgés, violents et non-violents. Moi-même, j’ai essuyé un tir de flash-ball à deux reprises, alors que j’essayais de parlementer sans le moindre projectile dans les mains et à visage découvert. La violence était permanente de part et d’autre depuis deux mois, mais était-ce vraiment la même violence ?
Ce que répondent mes compagnons de lutte les plus radicaux, c’est que la violence qu’ils emploient est parfaitement légitime, et même nécessaire, dès lors que le pouvoir refuse obstinément le dialogue et poursuit son entreprise de destruction irréversible. Il n’y avait pas d’émeutes durant la pause estivale. On entendait les oiseaux chanter dans la douceur matinale et l’air frais de la zone humide. L’ambiance était paisible, solidaire, joyeuse. La violence n’est finalement intervenue que quand le pouvoir aveugle et sourd, y compris à l’égard de nos grévistes de la faim, a choisi d’utiliser la force en déployant d’immenses moyens militaires. C’est le conseil général et la préfecture qui ont déclaré la guerre au Testet, pas les occupants. Une guerre à la vie, à la nature, à la jeunesse qui s’est rebellée diversement, selon les convictions de chacun et, pour les plus radicaux d’entre nous, c’est vrai, avec des moyens importants, mais sans comparaison possible avec l’attirail démesuré des robocops que le pouvoir a placé comme des pions en face de nous en croyant nous intimider et nous chasser.
Car il s’agit bien de résistance. Résistance à un pouvoir violent, autoritaire, arrogant et coupé de la réalité, pour lequel nous sommes que des chiffres, au même titre que la nature. Un pouvoir bien souvent corrompu, multipliant les conflits d’intérêts et les copinages opportuns. Un pouvoir qui refuse le dialogue et feint de ne rien entendre. Un pouvoir qui ne nous laisse pas le choix : nous soumettre ou résister.
La seule différence entre les émeutes du 25 octobre, durant lesquelles Rémi a perdu la vie, et les précédentes, c’est uniquement le nombre de belligérants. Nous avons mis le paquet en termes de communication tous azimuts et avons préparé ce rendez-vous de longue date. Parmi les insurgés, les plus radicaux ont fait de même : forums anarchistes et révolutionnaires, listes d’infos, presse libertaire, etc. Il était donc prévisible que nous soyons beaucoup plus nombreux : pas loin de 7 000 participants au lieu de 1 000 d’habitude, du côté des spectateurs des prises de paroles, 200 et même plus au lieu d’une cinquantaine d’habitude du côté des plus « énervés ». Oui, ce jour-là, nous avons eu des renforts et il était, par conséquent, certain qu’en laissant sur place son dispositif militaire, à deux jets de pierre du rassemblement, le pouvoir allait provoquer des affrontements. Ce qui s’est passé était parfaitement prévisible. Les innombrables blessures annonçaient la mort prochaine de l’un d’entre nous. Rémi a été celui-là.
N’écoutez pas les violons qui font diversion. Méfiez-vous des larmes de crocodiles. Ne croyez pas les loups qui hurlent « au loup ! ». Ce ne sont pas les émeutiers qui ont tué Rémi, mais le pouvoir criminel qui détruit, frappe, expulse, affame et assassine. Le seul et unique casseur, c’est le pouvoir en place et personne d’autre.
YANNIS YOULOUNTAS
(1) Le collectif Tant qu’il y aura des bouilles a été fondé en octobre 2013 à la Métairie Neuve, sur la ZAD du Testet et occupe celle-ci en pratiquant radicalement la désobéissance civile et la démocratie directe.
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