Journal mural : la folle journée à nantes du 22 février
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Local
Thèmes : 22 févrierZad
Lieux : Nantes
Nous sommes des participantEs de cette manifestation comme de son processus d’organisation en assemblée. Nous n’acceptons pas que les mots prémâchés des médias nous volent la mémoire de cette journée. Nous ne succomberons pas aux pressions, chantages et envolées dramatiques de politiciens qui veulent nous diviser et nous voir disparaître. A nous d’écrire notre histoire.
Voici un récit de cette journée.
Espérons que milles autres recouvrent les murs de la métropole nantaise.
Ce 22 février, la journée commence fort tôt pour pas mal d’entre nous : pour ceux et celles venues de partout dans une soixantaine de bus, pour les tracteurs qui convergent lentement vers la ville.
Dès midi, des cantines accueillent les premières arrivées pont Morand. Depuis la veille la préfecture met en place des grilles anti-émeutes partout autour du centre-ville qu’elle a choisit d’interdire aux anti-aéroports. L’hélico survole.
Des nantais nous témoignent qu’il leur est interdit de rentrer chez eux. Il y a des contrôles et fouilles un peu partout. Au coin d ‘ une rue, une personne se fait piquer la binette avec laquelle elle est venue défiler.
13H. C’est l’heure du rendez vous. Les tracteurs venus en 5 convois immenses se garent square Daviais, après avoir fait un tour sur le périph’ et devant l’aéroport de Nantes Atlantique. Ils sont trop nombreux pour suivre la manif : 520 tracteurs, une file de plus de 3,5 kilomètres, c’est une mobilisation paysanne sans précédent dans cette lutte.
On peut lire « tracteur vigilant » sur pas mal d’entre eux : c’est le signe qu’ils sont prêts à revenir sur la ZAD pour empêcher des travaux, pour défendre les maisons et les champs.
Face à la préfecture, les personnes affluent. Un groupe vient par l’Erdre sur un radeau affublé d’une banderole « résistance et sabordage ! », il dispose des drapeaux sur flotteurs au beau milieu du cours d’eau. Une personne grimpe dans un arbre, sous le nez de la pref et commence à y construire une cabane, chantier qui se poursuivra pendant quelques heures. On voit arriver des chars : une salamandre de 15m, un tracto-triton géant, une énorme marionette… Et encore des tracteurs et puis de très nombreux masques d’animaux, marquants le refus de la destruction des espèces et des « mesures de compensation ». On se délecte des centaines de panneaux faits main avec des slogans aussi drôles qu’imaginatifs. Une immense banderole dénonce les « GPII » : les grands projets inutiles et imposés et certainEs tournent désespérément pour trouver un endroit ou poser leur banderole. Rares sont les manifs rassemblant autant de monde et autant d’initiatives si créatives et variées.
Une prise de parole rapide annonce que même si le préfet a l’air d’avoir peur de nous, « ça ne va pas nous empêcher de manifester », et c’est le départ.
Nous sommes des dizaines de milliers, c’est la plus grosse manif anti aéroport à ce jour et personne dans la ville ne peut ignorer sa présence. Et ça fait du bruit : batukada, groupe de rap, fanfare, techno et musique traditionnelle, prises de paroles…
Au square Daviais une centaine de tracteurs redémarrent et s’improvisent un parcours à l’ouest et au nord de la zone que le préfet nous a interdite.
Côté piéton, tout au long du défilé, pas mal de monde s’emploie à donner une autre couleur à la ville : du marqueur à l’extincteur rempli de peinture, en passant par les oeufs de couleurs, affiches, sprays et pochoirs. La mairie, un tribunal, un commissariat, des caméras de vidéosurveillance, les grilles anti-émeute et les flics qui les accompagnent sont ainsi redécorés. Rue de Strasbourg, entre 2 échafaudages, une banderole géante se déploie, en solidarité avec la lutte « no TAV » du Val de Suza, en solidarité avec Chiara, Matteo, Claudio et Niccolo incarcérés suite à une attaque du mouvement contre le chantier de ligne TGV Lyon-Turin.
Sans surprise, le commerce Vinci immobilier focalise la colère et ne survit pas au passage de la manif. Au fil du défilé, l’enseigne se fait peindre, puis ouvrir, puis repeindre, puis casser, puis vider de son mobilier. Elle servira à la fin de la journée de décor pour photo de manifestantEs en famille avec panneaux et caliquots.
Plus loin, des machines d’un chantier Vinci sont incendiées. Face aux flammes, les réactions sont diverses : certainEs désapprouvent et on entend aussi des « bien fait pour eux ! »
Les trains sont bloqués par des chaussures balancées sur les caténaires pour dénoncer le rôle de la SNCF dans la construction de la ligne LGV en Val Suza.
Le cortège continue, et ne s’arrête pas square Daviais, comme pouvait s’y attendre la préfecture. Tracteurs en tête, direction : l’île Baulieu ! Sur le pont, les flics n’insistent pas face à notre détermination et libèrent le passage. À ce moment, la queue du cortège n’a toujours pas décollé de la pref. Au milieu, des gens s’arrêtent devant les grilles anti émeutes qui bloquent les 50 otages (parcours initialement prévu) et frappent sur ces grilles. Rapidement, on en vient aux projectiles divers contre lacrymos et canons à eau. La manif s’immobilise l’espace d’un instant, léger flottement face au dispositif policier, vapeurs de lacrymos et interrogations diverses.
Quelques paysans prennent leur courage à deux main afin d’aller chercher les tracteurs garés face aux grilles, entre caillasses et lacrymos. Le cortège se divise spontanément en deux, une partie passe face aux grilles, l’autre emprunte une rue adjacente.
Entre commerce et square Daviais cohabitent une ambiance de guérilla urbaine et un joyeux rassemblement festif : bars, bouffes, concerts, prises de paroles…
Différents groupes affirment, chacun à leur manière, leur détermination. Des paysanNEs qui creusent une mare, aux cagoulés qui jettent des pavés en passant par les clowns qui miment des mouvements d’avion devant les lignes de CRS. Il y a entre nous des débats, parce que les affrontements se poursuivent à quelques centaines de mètres, ce qui nourrit de passionnantes discussions, ponctuées par les détonations de grenades assourdissantes…
Côté affrontements, plusieurs routes sont prises par des barricades. À quelques dizaines de mètres de celleux qui dépavent ou lancent des projectiles sur les flics, des centaines de personnes regardent, discutent, applaudissent ou crient, reculent lorsqu’il y a trop de gaz et reviennent aussitôt. Des vitrines et du mobilier sont pétés. À 18H, la fin du rassemblement est annoncée, les derniers tracteurs plient bagage, les installations diverses sont démontées. Les flics avancent, repoussant les quelques milliers de personnes qui trainent la patte pour dégager la place.
Ce que nous voulons dire de cette journée, c’est que tout ce qui s’est produit pendant cette manifestation n’a pas été consensuel. Cette manif peut soulever des malaises ou désaccords autant qu’un enthousiasme débordant. Pour autant, nous n’avons senti à aucun moment une foule paniquée ou divisée, mais bel et bien un mouvement commun. Un mouvement fait de diverses manières, diverses pratiques, diverses croyances, où la colère prend des formes variées, où les débats ne cessent jamais, où les idées se confrontent et se façonnent.
Une telle démonstration de force n’a évidemment rien pour plaire au gouvernement ni à la préfecture, qui mènent la guerre sur le terrain de l’information, agitant l’épouvantail des « violents casseurs » et de « l’ultra gauche », cherchant à fracturer le mouvement, à attiser la peur. Ce n’est pas la première fois dans notre histoire. Cela ne nous a jamais empêchéEs de rebondir et de nous renforcer.
La chape de plomb que le pouvoir essaie de faire tomber ne nous fera pas oublier la force de cette journée, la joie et la colère partagées, l’expression de la diversité du mouvement, la présence de tant de monde, le fourmillement des initiatives, qui ont rendu ce moment tellement vivant et intense.
Ce compte-rendu me parait super intéressant et clair.
Par contre, à mon avis, il manque une place plus importante aux blessures et mutilations faites par les flics ce jour là. Il y a pas mal d’articles à ce sujet là, mais il me semble qu’il faudrait en parler à chaque coup.
Voici une version plus longue et développée du texte « la folle journée du 22 février », proposé par ailleurs sur le site zad.nadir.org en journal mural. Le texte complet ci-dessous est disponible en brochure photocopiable (voir pièce jointe folle22.pdf – plus haut dans l’article).
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22 février – Contre-feu face à la dévastation médiatique.
Récit et analyse collective de la manifestation anti-aéroport
Nous sommes des voix anonymes de cette manifestation. Nous n’accepterons pas que les mots pré-mâchés des médias nous volent la mémoire de cette journée. Nous ne succomberons pas aux pressions et aux mensonges de politiciens qui veulent juste nous diviser et rêvent de nous voir disparaître. A nous d’écrire notre histoire. Voici une collecte de récits et ressentis de cette journée. On vous appelle à les diffuser et à faire de même.
La manifestation commence pour certain dès 7h du matin par des convois de tracteurs qui arrivent par les voies rapides ou les départementales. Le cortège parti de Vannes compte 150 tracteurs, celui de Rennes pas moins de 80. Ceux qui sont partis de là-bas invitent ceux qui les croisent en sens inverse sur la 4 voies à écouter radio bouchon, une radio pirate qui diffuse des émissions sur l’histoire des luttes paysannes. Tous les paysans ont mis la plaque d’immatriculation de Jean marc Ayrault sur leur véhicule. Depuis la zad, pas mal de gens sont partis avec les tracteurs. Dans les villages, au passage des convois, de nombreux riverains sont sur le pas de leur porte et applaudissent.
Au final, 5 convois se rejoignent sur le périph’ nantais et viennent se positionner directement square Davier, au point d’arrivée de la manifestation. On dénombre 520 tracteurs, l’équivalent d’un cortège de 3,5km, on va dire 4 avec les remorques. On peut lire sur pas mal d’entre eux « tracteurs vigilants », le signe qu’ils sont prêt à venir sur la zad ou à entrer en action à coté de chez eux en cas de besoin, pour empêcher des travaux, défendre les champs et les maisons. Une trentaine de tracteurs rejoint le Pont Morand point de départ de la manifestation.
Là-bas, dès 12h des cantines collectives accueillent les comités locaux arrivés de partout dans une soixantaines de bus. Pas mal de monde est logé chez des Nantais-e-s ou dans les villages alentours. Dès la veille, le local de Vinci était déjà recouvert d’une inscription et on voyait des personnes arpenter les rues de la ville avec des sac à dos et panneaux pour la manifestation.
Vers 12h30 un groupe débarque en radeau fait main, le long de l’Erdre, avec une banderole « résistance et sabordage ». Tout au long de leur dérive, ils disposent au milieu de l’eau des drapeaux anti-aéroport sur flotteur.
Pendant ce temps, quelqu’un fabrique une cabane dans un arbre à 30 mètres de la Préfecture, rappelant celles qui ont marqué la résistance dans la forêt de Rohanne en novembre 2012, sur la zad.. Depuis la veille, la préfecture met en place des grilles anti-émeutes partout autour du centre-ville, qu’elle a choisit, au dernier moment, de rendre inaccessible aux anti-aéroports. Une prise de parole initiale annonce que même si le
Préfet a l’air d’avoir peur de nous, « ça ne va pas nous empêcher de manifester ». Des nantais nous témoignent qu’il leur est interdit de rentrer chez eux. Il y a des contrôles un peu partout. Au coin d’une rue, une personne se fait piquer la binette avec laquelle elle est venue défiler.
A 13h15, au début, on a peu peur : on a l’impression de ne pas être aussi nombreux que prévu. Et puis assez vite, ça converge de partout. Il y a un afflux massif. La manif se révèle immense, avec pas mal de gens qui n’étaient sûrement jamais venus montrer, dans la rue, leur refus de l’aéroport. Jusqu’à 14h30, la queue de manif n’a pas fini de partir de Pont Morand et la tête de manif est déjà au niveau des machines de l’île.
Il y a alors plus de 3km5 de manifestation continue sur des artère forts larges. Pendant ce temps des tracteurs remontent par l’autre coté de la zone rouge. Nous sommes des dizaines de milliers. C’est la plus grosse mobilisation anti-aéroport à ce jour et personne à Nantes ne peut ignorer sa présence dans la ville.
Depuis le début du cortège ont voit arriver des chars : une salamandre jaune et noire de 15m se dandine tranquillement. Un tracto-triton géant ronronne. De très nombreux masques d’animaux marquent le refus de la destruction des espèces et des mesures dites de compensation. On se délecte des centaines de panneaux faits main avec des slogans aussi drôles qu’imaginatifs. Sur un mode plus mégalo, une banderole géante est déployée
depuis le haut des immeubles, d’un coté à l’autre de l’avenue de Strasbourg en soutien à ceux qui se battent contre la construction d’une ligne à grande vitesse dans le Val de susa. Le 22 février est aussi une journée internationale de soutien aux personnes accusées là-bas de terrorisme et qui risquent jusqu’à 20 ans de prison pour s’être attaqués à un chantier. Au-delà de l’aéroport, la manifestation se connecte très visiblement avec un tas d’autres luttes contre l’aménagement marchand, sécuritaire et gestionnaire du territoire.
Tout au long du défilé, pas mal de personnes s’emploient à donner une autre couleur à la ville et à en marquer certains points particuliers. Du marqueur à l’extincteur en passant par les oeufs de peinture, collages d’affiches et sprays. On découvre d’ingénieux mécanismes pour reproduire à l’infini un pochoir « la police tape la police tape la police tape la police tape la police tape la police… ». La mairie, un tribunal, un commissariat, des caméras de vidéosurveillance, les grilles anti-émeute et les flics derrières sont redécorés. Sur un mur repeint, il ne reste bientôt plus que la trace de leurs silhouettes en gris sur fond de blanc dégoulinant.
Sans surprise, le commerce Vinci immobilier, situé en début de manifestation, focalise les énergies débordantes et ne survit pas au passage d’autant de personnes qui tiennent à marquer leur animosité vis à vis du projet d’aéroport. Au fil du défilé, l’enseigne s’est fait peindre, puis ouvrir, puis repeindre, puis casser, puis rerepeinte. Les maquettes et mobiliers ont été déménagés. Il servira même à la fin de la journée de décor pour photos souvenirs de manifestants en famille avec panneaux et calicots.
Un peu plus loin, des personnes amorcent un fumigène sur la voie ferrée pour avertir les trains de ne pas passer sur les voies. Ils invitent ensuite ceux qui le souhaitent à lancer des chaussures sur les caténaires.
Cette action surprise désigne le rôle de la sncf dans la construction ligne à grande vitesse Lyon-turin dans la val de susa. L’ambiance sonore évolue au fil de la manif. Un groupe tout de rose vêtu forme une grande baukada « rythm of resistance », réunissant des formations de divers endroit qui se cale sur des canevas communs. Un peu plus loin, des rappeurs de la zad et d’ailleurs se relaient sur un tracteur et mettent en mot cadencés une critique sociale et des rages partagées.
Autour d’un isoloir ambulant plein de déguisements, une sono marque des pauses sur le trajet et met en lien un certain nombre d’enseignes avec l’aéroport et son monde. Elles mettent en regard le tourisme, le renforcement des frontières et les expulsions, les rapports nord-sud et invitent à venir faire des pochoirs. Plus loin encore, une foreuse et une pelleteuse sont incendiées. Des manifestant-e-s désapprouvent, mais on entend aussi pas mal de « bien fait pour eux ! », surtout quand certains comprennent qu’il s’agit d’un chantier Vinci. Il y a tellement de monde et tout est tellement tellement étalé qu’il est impossible de comprendre tout ce qui se passe.
Au niveau du croisement des trams, l’avant du cortège constate que le cour des 50 otages est bel et bien bloqué par des grilles anti-émeutes, ce qui, même selon les vieux militants nantais les plus aguerris, n’est jamais arrivé. Au lieu de s’arrêter comme prévu au square Daviais, la tête de cortège fait un pied de nez au préfet. 2 tracteurs contournent rapidement quelques véhicules de police et viennent se placer sur le pont Ododin.
Quelques milliers de personnes entament alors un trajet annexe sur l’île Beaulieu, un point symbolique de la métropole et de la gentrification, avec ses pépinières d’entreprises high-tech, ses artistes dociles et ses grosses machines, son tribunal mégalo, le centre du FNAEG où sont collectés les fichiers ADN. Cela n’a pas l’air d’amuser tellement plus les autorités qu’on aille se balader là-bas et au bout d’un moment, alors que le cortège se distend un peu la police referme le pont et interdit le passage.
Pendant ce temps, cela s’agite du coté des grilles anti-émeutes à Commerce qui sont ressenties par beaucoup comme un affront. Même si le dispositif policier a l’air solide, on reste pour marquer sa colère vis à vis de l’interdiction de manifester, de l’entêtement du gouvernement et de ses menaces de revenir sur la zone pour tout détruire, ou pour leur montrer qu’on peut être fort face à eux. D’abord des personnes tapent à main nues sur les plaques de plexis et grillage en se moquant des bleus derrière.
Puis, dans un geste de défi, des tracteurs vont se mettre face aux grilles. Ça s’emballe petit à petit, des projectiles partent. En face, ça répond vivement – avec des grenades assourdissantes, lacrymogène et tirs de flashballs à gogo. Le préfet a l’air de vouloir donner une petite démonstration expresse du bordel qu’il est venu mettre dans le bocage pendant plusieurs mois avec l’opération César. Ses canons à eau s’évertuent, en continu, à recréer une zone humide à l’intérieur même de la ville. En face, une partie des manifestants ne se laissent pas compenser, ni déplacer.
Pendant plus de 2h des gens attaquent les grilles, déterrent des pavés, lancent ce qui leur tombe sous la main. Un tracteur s’amuse un moment à bloquer le jet du canon à eau. Un peu plus tard, des grappins sont arrimés au grilles et des dizaines de personnes tirent. En contrepoint aux explosions des grenades jetées par la police, un feu d’artifice lancé par quelqu’un dans la foule, pour la beauté du geste, illumine le ciel.
Tout autour, des milliers de manifestants restent là plutôt tranquillement, sans forcément prendre part activement aux affrontements mais sans s’affoler pour autant. Régulièrement, des centaines de voix s’élèvent pour reprendre en choeur « Non à l’aéroport ! » et accompagnent ceux qui courent sur les grilles. Beaucoup discutent, commentent, boivent un coup, se retrouvent, rient ou s’enthousiasment malgré les yeux humides de lacrymogènes..
Un bureau de contrôleurs de la TAN (transport de l’agglomération nantaise) disposé entre deux voies de tram part en flamme, un peu plus loin, la vitrine d’un magasin « nouvelle frontières » tombe, et le commissariat à l’angle se fait repeindre, ouvrir et retourner. Un appel est fait pour venir y faire la fête. Les tracteurs resté pas loin des grilles ne sont pas dans une situation évidente au beau milieu du chahut et se retirent petit à petit.
Depuis 15H30, à 300 mètres de là et malgré les détonations, des milliers d’autres personnes sont réunies plutôt tranquillement autour des prises de parole qui débutent. Pas mal de monde fait des allers et retours. Des paysans de COPAIN ont commencé à creuser une mare sur le square pour concurrencer la Préfecture. Plus loin en arrière, une partie de la manifestation stagne sans toujours trop comprendre ce qui se passe.
Vers 18h, tout le monde se regroupe le temps d’une petite boum sur le square Davier. Il y a de la joie ! On passe de Paint it black a du gros son techno et la foule danse tandis que les camions grillagés et canons à eau avancent petit à petit au rythme des charges de CRS, pour vider la place. Les tracteurs partent. Quelques milliers de personnes s’attardent et défient encore un peu la police qui mettra deux bonnes heures de plus à évacuer tout ce monde. Ils ne font pas de cadeaux et les blessés graves s’additionnent : mâchoire défoncée, nez retourné. L’un d’eux qui s’est pris une grenade en tir tendu, perdra son oeil le lendemain.
En échangeant avec les uns et les autres sur le chemin du retour, il est clair que toutes les initiatives prises lors de cette manifestation n’ont pas été consensuelles. Elles ont pu soulever des malaises et débats autant qu’une enthousiasme débordant. Pour autant, nous n’avons senti à aucun moment une foule paniquée et divisée, mais bel et bien un mouvement commun, composite et solidaire rappelant la façon dont des formes hétérogènes de résistances aux expulsions ont pu cohabiter pleinement pendant une journée décisive comme le 24 novembre 2012 dans la forêt de Rohanne. Le soir même, ce qui ressort, chez toutes celles et ceux qu’on croise, est la force donnée par l’élan de la journée.
Pour le pouvoir, une manifestation telle que celle-ci, dans toute sa diversité est absolument insupportable. Pas tant peut-être pour les quelques vitrines endommagées et machines de chantier ciblées, pour les agents de police contusionnés et barricades édifiées que pour la masse de personnes que ça n’avait pas l’air d’offusquer plus que ça sur le moment. Il est d’autant plus intolérable pour les autorités que les organisateurs de la manifestation refusent de tomber dans leur piège et constatent dans un communiqué commun le soir même :
« (…extrait) La préfecture avait choisit de mettre Nantes en état de siège et de nous empêcher d’être visible dans le centre ville. C’est la première fois qu’on interdit à une manifestation d’emprunter le Cours des 50 Otages. Une partie du cortège est passée par l’île Beaulieu. Une autre a essayé de passer par le trajet initialement prévu et a fait face à une répression policière violente avec tir de flashball, gaz lacrymogènes et grenades assourdissantes. Cela n’a pas empêché les manifestants de rester en masse dans les rues de Nantes jusqu’à la fin. Il existe différentes manières de s’exprimer dans ce mouvement. Le gouvernement est sourd à la contestation anti- aéroport, il n’est pas étonnant qu’une certaine colère s’exprime. Que pourrait-il se passer en cas de nouvelle intervention sur la zad ? Cette journée est un succès et les différentes composantes de la
lutte restent unies sur le terrain. L’opposition ne fait que croître depuis 30 ans. Le gouvernement n’a pas d’autre choix que d’abandonner le projet d’aéroport ! »
Dès le lendemain, le rouleau compresseur politique, le préfet, Ayrault et Valls réunis tentent désespérément de diviser le mouvement, d’en isoler une fraction et de la stigmatiser. Il s’agit de désigner les occupant-e-s de la zad comme les gardiens d’un « camps d’entraînement la guérilla urbaine » ou comme « un mouvement armé » sur le thème du « kyste » maléfique à éradiquer… La recette est classique : incapables d’accepter
l’idée qu’une colère vis à vis de la répression policière et des promoteurs de l’aéroport puisse se diffuser, ils désignent de fantasmatiques groupes de black blocs manipulateurs et étrangers, et envoient leurs experts vomir un montceau de caricatures grossières sur le sujet que Libération et d’autres reprennent sagement en les présentant comme des « enquêtes ». Ils ont beau chercher à se donner des leviers pour revenir expulser et pouvoir taper très fort sur certain-e-s pour tenter de faire peur à tous les autres, comme dans le val de susa, ils savent pourtant bien que sur le terrain et au-delà, la colère pourraient être plus forte et plus partagée encore si ils s’entêtaient à lancer une seconde opération « césar ».
Sans peur du ridicule, toute la presse en choeur, nous parle de Nantes « dévasté ». On s’attend à un champs de ruines à perte d’horizon. En réalité les quelques transformations imposées au mobilier urbain n’ont pas eu l’air d’empêcher les nantais-e-s de se balader longtemps où que que ce soit. Si on doit vraiment parler de « dévastation » et de « violence », peut-être pourraient ils dire aussi quelques mots des maisons dévastées, des champs saccagés et des dizaines de personnes gravement blessées par plus de 1200 policiers sur la zad, pendant les 5 mois qu’a duré l’occupation policière. Peut-être devrait-on rappeler que le Préfet vient de signer des arrêtés de démarrage des travaux et prétend aujourd’hui revenir vite et pour tout détruire définitivement. On nous demande aujourd’hui de rejeter toute idée de violence et de nous désolidariser de ceux qui brûlé leur machines, cassé leur vitrines, assailli leurs dispositifs. Mais personne ici n’oublie que si nous nous étions contenté de nous asseoir en travers de la route et de discuter quand ils ont débarqué le 16 octobre 2012, il n’y aurait aujourd’hui plus personne pour parler de la zad. Elle n’existerait sans doute déjà plus.
Les journalistes, fascinés par les « affrontements » autant qu’il les rejettent, diffusent la peur, créent des catégories, cherchent à dérober nos souvenirs. Cela peut paraître impressionnant, mais c’est loin d’être la première fois dans l’histoire de ce mouvement, et.cela ne l’a jamais empêché de rebondir et de se renforcer. La chape de plomb qu’ils essaient de faire retomber sur cette manifestation ne nous fera jamais oublier la vitalité de cette journée, le ravissement de se sentir aussi nombreux-ses, les sourires et la colère partagés . Quoi qu’ils en disent, cette manifestation était un moment rare et précieux, une étape majeure dans cette lutte.
L’aéroport ne se fera pas !
Je ne sais pas si ça a de l’importance pour l’auteur de ce pdf, mais il faut savoir qu’il contient des métadonnées assez précises indiquant un nom (peut-être faux?), une date de création, un ordinateur, une version de quark…
J’ai jeté un oeil là-dessus par curiosité ; c’est assez facile à trouver (dans les propriétés du document)
Donc, envie de faire savoir / de rappeler qu’il existe des outils pour « nettoyer » les documents avant leur publication, surtout si on veut pas diffuser trop d’infos sur nous. Par exemple : avec le système live Tails (cf tails.boum.org) , dans Applications > Accessoires > Metadata anonymization toolkit, il y a un petit logiciel qui nettoie n’importe quel pdf, jpg, et d’autres formats…
amicalement