Hécatombe de prolétaires au bangladesh : capitalisme assassin !
Category: Global
Themes: Luttes salariales
La colère des travailleurs, qui ont immédiatement manifesté pour l’arrestation et l’exécution des responsables de cette hécatombe, est d’autant plus grande que la veille de son effondrement, l’immeuble avait été évacué à cause de craquements ; mais dès le lendemain, les patrons obligeaient leurs employés à reprendre le travail, assurant qu’il n’y avait aucun risque : le risque pour leurs profits était beaucoup plus important pour eux que le risque sur la vie des travailleurs !
Le propriétaire de l’immeuble, Mohamed Sohel Rana, est un riche homme d’affaires lié au parti au pouvoir, la Ligue Awami. Devant l’ampleur de la catastrophe et, surtout, la colère ouvrière, Il a été arrêté, et inculpé pour avoir construit son immeuble « illégalement », sans permis de construire ; il s’est défendu en disant que des centaines d’immeubles industriels sont dans le même cas, l’obtention d’un permis de construire prenant « trop de temps », alors que l’industrie textile est en plein boom ; et d’autre part que ce n’est pas lui, mais les patrons des entreprises qui louent son immeuble qui avaient obligé à reprendre le travail. Le cabinet d’architecture qui a réalisé les plans de l’immeuble a affirmé qu’il n’était pas conçu pour abriter des installations industrielles et que 3 étages ont été ensuite rajoutés par le propriétaire. Rajouter des étages est, paraît-il, une façon de faire courante pour économiser les frais de construction, en plus des autres économies qui sont faites dans la construction…
Les médias rapportent maintenant que Rana était connu pour avoir eu des liens avec la pègre ; mais en réalité ce massacre démontre une fois de plus que la pègre au pouvoir, la bourgeoisie, est bien plus dangereuse que celle qui officie dans les bas-fonds, et que c’est le système capitaliste tout entier qui est criminel.
Un paradis pour les capitalistes, un enfer pour les prolétaires
Le Bangladesh est un pays de plus de 150 millions d’habitants, encore largement agricole (plus de 70% de la population vit à la campagne), mais qui connaît depuis une trentaine d’années un fort exode rural et une industrialisation accélérée ; le chômage officiellement déclaré est faible, mais on estime généralement que le sous-emploi touche 40% de la main d’œuvre, ce qui engendre une émigration importante en direction principalement du Moyen-Orient et de l’Asie du sud-est, mais aussi jusqu’en Europe : le 18 avril dernier en Grèce des contremaîtres tiraient sur une centaine d’immigrés bangladais qui s’étaient rassemblés pour demander le paiement de leurs salaires, faisant une trentaine de blessés ! Le travail des enfants est également très répandu, y compris dans le textile.
Le Bangladesh est devenu en quelques années le deuxième exportateur mondial de vêtements, après la Chine ; les exportations de produits textiles représentent 80% des exportations totales du pays, et ce secteur emploie 3 à 4 millions de personnes dans environ 5000 usines (encore largement agricole, le pays compte plus de 150 millions d’habitants). L’industrie textile travaille directement pour des grandes marques internationales ou sert de sous-traitants à d’autres industriels, y compris chinois ! Ce succès de l’industrie textile bangladaise dans la concurrence internationale est fondé sur la surexploitation de sa main d’œuvre. Le salaire minimum mensuel n’y est que de 38 dollars (environ 33 euros), alors qu’il se monterait à 138 dollars en Chine, 65 en Inde, 67 au Vietnam, 75 au Cambodge (1), autres pays asiatiques avec une industrie textile importante.
Nous avons vu que les travailleurs du textile sont très majoritairement des femmes, jeunes, chassées des campagnes par la misère et la faim. En règle générale elles sont payées 30% de moins que les hommes. L’ horaire légal est de 8 heures de travail par jour, mais lorsqu’il y a des commandes importantes, il peut aller jusqu’à plus de10 heures, 7 jours sur 7 ! Il existe sans doute des règlements sur la sécurité ou la santé des travailleurs, mais pas plus que les lois sociales, ils ne sont guère respectés : il n’y a que quelques dizaines d’ inspecteurs du travail pour tout le pays, et chaque fois qu’une inspection est décidée, le propriétaire de l’usine est averti à l’avance ! De plus les « Zones de Production pour l’Exportation » sont exemptées de l’application des lois sociales ; c’est aussi le cas pour l’activité économique qui se déroule dans le secteur dit « informel » qui constituerait 80% de l’économie bangladaise.
Une stricte politique anti-ouvrière règne dans le pays ; un syndicat ne peut se constituer qu’après l’accord du patron et la grève n’est légale qu’à la suite d’un long processus de « conciliation » avec les capitalistes, puis d’un vote favorable à bulletins secrets d’au moins 75% des travailleurs. Les autorités ont le droit d’interdire les grèves et d’arrêter sans jugement les grévistes en cas d’atteinte à « l’intérêt national » ; les grèves sont carrément interdites dans les transports, les banques, dans les entreprises appartenant à des étrangers, etc.
La répression contre les travailleurs, y compris contre ceux qui demandent seulement le respect des droits accordés par la loi, est généralisée : licenciements, arrestations, assassinats. La loi prévoit des peines de travail forcé pour faits de grève ou d’ « indiscipline au travail », etc. Quand des grèves, même « légales » se produisent, les patrons n’hésitent pas à recourir aux lock-out et aux licenciements : c’est ce qui s’est passé en 2011 à Dacca dans 3 usines textiles où une grève avait été déclenchée pour obtenir le paiement des salaires: 6600 travailleurs y furent licenciés (2).
Le résultat de ces très mauvaises conditions est le nombre élevé d’ « accidents du travail » mortels – accidents qui sont en réalité des meurtres , tant ils sont la conséquence inévitable des économies faites par les patrons sur tout ce qui pourrait rendre le travail un peu moins dangereux ; protéger les travailleurs pèse en effet pour les capitalistes de manière intolérable sur les « coûts de production » : produire à bas coût, ça tue !
Dans le même quartier industriel de Dacca, un incendie avait coûté la vie à plus de cent dix personnes en novembre de l’année dernière : les patrons avaient fermé les issues à clé pour obliger les prolétaires à continuer leur travail . L’effondrement des immeubles construits à la va-vite et bourrés de machines avait déjà tué 35 personnes en juin 2010, 18 en février 2006, 75 en avril 2005, etc ., toujours dans la métropole de Dacca. Statistiquement, une ouvrière du textile est tuée tous les 10 jours…
Devant le scandale des accidents à répétition, différentes organisations humanitaires et syndicats collaborationnistes internationaux s’emploient depuis des années à essayer de convaincre gentiment les grandes entreprises de distribution occidentales à inciter leurs fournisseurs et le gouvernement bangladais à respecter quelques règles sociales et de sécurité élémentaires pour les travailleurs. Ils viennent de crier victoire parce que plusieurs de ces grandes sociétés (El Corte Inglés, Benetton, Lidl, Marks&Spencer, H&M, Carrefour, Loblaws etc.) ont signé le 15 mai, sous l’égide de l’OIT, un accord sur un programme de réformes sociales et d’inspection de la sécurité au travail chez leurs fournisseurs (3).
Pour savoir ce qu’il faut en attendre réellement, il suffit de savoir que de tels accords sont régulièrement passés depuis les années 90 du siècle dernier, sans s’être traduits par aucune amélioration de la situation des prolétaires ; 2 des entreprises qui se trouvaient dans l’immeuble Rana Plaza avaient même récemment passé avec succès un audit sur la sécurité au travail (4) ! Des « experts » cités par un grand quotidien expliquent qu’il ne faut pas s’attendre à des changements spectaculaires dans l’industrie textile au Bengladesh ou ailleurs en raison de « la corruption, les intérêts en jeu et les consommateurs occidentaux qui sont favorables à de meilleures conditions de travail mais qui ne veulent pas payer plus cher pour leurs Tshirts » (5). Les « consommateurs occidentaux » – c’est-à-dire les prolétaires occidentaux – porteraient donc une part de responsabilité dans les conditions de vie bestiales que les capitalistes du Bangladesh et d’ailleurs infligent à leurs prolétaires ! Mais est-ce que ce sont les prolétaires occidentaux qui ont décidé qu’il fallait délocaliser dans les pays aux plus bas salaires, ou bien les capitalistes occidentaux ?
En fait, à travers des remarques de ce genre que l’on retrouve partout, les bourgeois ne veulent pas seulement cacher leur responsabilité pleine et entière dans les crimes de leur régime ; ils cherchent aussi à opposer les prolétaires des divers pays. Et tant qu’ils restent passifs, les prolétaires sont condamnés à faire le jeu des bourgeois.
La solution, c’est la lutte.
En dépit de leurs conditions particulièrement difficiles, en dépit de la répression omniprésente, en dépit de la « police industrielle » mise en place pour les contrôler, les ouvrières et les ouvriers du Bangladesh montrent à leurs frères de classe d’occident qu’il est possible de lutter et de remporter des succès, même si ces succès sont partiels et inévitablement toujours remis en question sous le capitalisme.
Dès l’annonce de l’hécatombe, des dizaines de milliers de travailleurs de Dacca ont arrêté le travail, bloqué les routes, manifesté pour la condamnation des coupables et aussi pour l’amélioration de leurs conditions. Les patrons du textile répliquèrent par un lock-out tandis que les autorités faisaient intervenir la police .
Mais pour faire retomber la colère ouvrière, le gouvernement a été contraint d’annoncer une augmentation du salaire minimum et la reconnaissance du droit des travailleurs à s’organiser en syndicats. Bien entendu, ce ne sont que des promesses dont il faudra voir quelle est la réalité, mais les prolétaires bangladais qui ont déjà fait preuve dans un passé récent de leur combativité, ne se laisseront pas duper facilement.
Au printemps 2006 des dizaines de milliers de prolétaires de quasiment 4000 usines textiles entrèrent en lutte. 3 ouvriers furent tués par la police, des centaines blessés et emprisonnés. En 2007 la loi d’urgence fut déclarée pour assurer l’ordre capitaliste. Au printemps 2012 des milliers de travailleurs du textile entrèrent à nouveau en lutte à Dacca pour des augmentations de salaires et en protestation contre la répression ; une cinquantaine de travailleurs furent arrêtés et il y eut un millier de blessés. Le 16 juillet des vigiles patronaux ouvraient le feu contre une manifestation d’ouvriers demandant des augmentations de salaire, faisant 3 morts et 35 blessés. Dans la même période, lors d’un conflit social dans une entreprise textile, Aminul Islam, le responsable d’une organisation syndicale pourtant des plus modérées, était enlevé et torturé à mort par les services de sécurité.
En dépit de ces répressions, les prolétaires bangladais ont connu certains succès : en 2006 ils obtinrent une augmentation de 18% du salaire minimum ; mais la forte inflation annula rapidement cette augmentation, provoquant un renouveau des luttes.
Nul doute qu’ils ne se contenteront pas aujourd’hui de vagues promesses. Mais nul doute aussi que contre la sauvagerie de leur exploitation, leur lutte sera difficile. C’est une lutte qui devra inévitablement se diriger contre le système capitaliste dans son ensemble et pas seulement contre quelques patrons plus rapaces que les autres, une lutte qui devra se fixer comme but ultime la destruction du capitalisme, et pas son amélioration ou son humanisation comme le voudraient les ONG, le pape et les organisations charitables.
Ce dont ont besoin les prolétaires du Bengladesh, ce n’est donc pas de la compassion des « consommateurs » occidentaux, mais de l’entrée en lutte à leurs côtés des prolétaires des grands pays capitalistes contre ce système criminel dont, eux aussi, ils sont les victimes : l’exploitation est sans doute moins brutale ici, mais elle est cependant bien réelle ; les conditions de travail ne sont pas aussi terrifiantes que là-bas, mais ici aussi la vie des travailleurs compte moins que la recherche du profit ; chaque jour 6300 personnes meurent dans le monde d’accidents du travail ou de maladies professionnelles, y compris dans les pays capitalistes les plus « développés » (6). A peu près au même moment que l’hécatombe de Rana Plaza, une explosion dans une usine d’engrais faisait 14 morts aux Etats-Unis. Dans le plus grand pays capitaliste de la planète, 4500 travailleurs meurent chaque année dans des « accidents du travail » et 50 000 à la suite de maladies professionnelles. Ces chiffres terribles illustrent la véritable guerre sociale que mènent dans tous les pays les capitalistes contre les prolétaires.
S’ils veulent mettre fin à cette guerre incessante qui se livre contre eux, les prolétaires du monde entier n’ont pas d’autre solution que de se lancer dans la guerre de classe contre le capitalisme, mettant en pratique le vieux slogan toujours actuel :
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
PARTI COMMUNISTE INTERNATIONAL
(1) Chiffres rapportés par le Wall Street Journal. Cf http://online.wsj.com/article/SB10001424127887324715704….html
(2) Voir le rapport sur le Bangladesh de la Confédération Internationale des Syndicats (ITUC/CSI), Genève, 24-26/9/2012
(3) Cf http://www.industriall-union.org/fr/nous-avons-reussi-a…-dans Les industriels du textile bangladais se sont eux aussi félicités de cet accord…
(4) The Wall Street Journal, 25/4/2013. L’association bruxelloise responsable de l’inspection a été fondée il y a une dizaine par des entreprises européennes comme Adidas, Hugo Boss, etc.
(5) Los Angeles Times, 25/4/2013. http://articles.latimes.com/2013/apr/25/world/la-fg-ban…30426
(6) Cf http://www.ilo.org/global/topics/safety-and-health-at-w…x.htm
Rien qu’a lire le titre, j’ai cru que c’etait le CCI!
Oups, grave erreur, c’etait le PC-int!
Alors, voyons voir, le capitalisme tue!
Tiens, tiens!
J’aurais appris un truc aujourd’hui!