Révolution en tunisie : combattre deux idées reçues
Category: Global
Themes: Luttes salariales
1) La révolution n’est qu’une révolte spontanée
Annoncée par les grèves de 2008 à Gafsa, capitale industrielle de la Tunisie, la révolution s’inscrit dans un processus de luttes réprimées par la violence.
La dégradation des conditions de vie des travailleurs, des paysans, des jeunes et des chômeurs, la hausse des produits de première nécessité, la baisse de la production dans les secteurs clés rendaient la vie difficile. Ce sont des causes directes du mouvement qui ne peut être seulement spontané.
Par ses objectifs, il s’agit bien d’une révolution. Ce mouvement a des aspirations sociales et démocratiques : l’amélioration des conditions de vie, les libertés, contre la répression des grèves et des organisations politiques d’opposition, et qui a combattu le régime capitaliste et pro-impérialiste. Soutenu par les impérialistes français en particulier, le régime du RCD garantissait l’exploitation directe de dizaines de milliers des travailleurs tunisiens par les compagnies françaises, accordait des contrats avantageux et des privilèges personnels aux capitalistes, combattait les islamistes et les organisations ouvrières soit en les intégrant à l’appareil d’Etat par la corruption soit en les écrasant par une répression féroce. La révolution a dénoncée le pillage du pays et a combattu la répression.
2) La révolution a amené les islamistes au pouvoir
Les islamistes sont absents de la première phase de la révolution.
La collaboration entre les organisations ouvrières et les partis islamistes par le biais d’alliances, de « Fronts » a été néfaste. Jamais elles n’ont eut de position intransigeante contre les islamistes.
D’autre part, l’islamisme modéré trouve ses soutiens dans la bourgeoisie tunisienne et dans la bourgeoisie impérialiste comme garantie du retour à l’ordre et de la continuité de l’exploitation capitaliste en Tunisie. Le programme économique d’Ehnnada repose sur l’économie de marché et la dépendance envers l’impérialisme.
L’islamisme c’est la contre-révolution.
« Par ses objectifs, il s’agit bien d’une révolution ».
Je pense que cette affirmation est inexacte : une révolution, ce n’est pas « des aspirations démocratiques », ni même la volonté d’améliorer les conditions de vie ; la révolution est un processus qui renverse la société actuelle, détruit l’État, crée des organes de pouvoir rivaux de ceux de la bourgeoisie, organise la classe ouvrière en même temps que la classe ouvrière organise la société. Rien de tout cela n’étant présent en Tunisie, il n’y a jamais eu de révolution dans ce pays.
Remarquons au passage que parler de révolution sans lui donner d’objectif social autre que l’amélioration de l’existant est déjà un non-sens, surtout si on limite cette « révolution » à UN pays… Il faut y ajouter que selon l’auteur, « la révolution a dénoncé le pillage du pays », ce qui est clairement un slogan nationaliste…
Enfin, si la révolution n’a pas été une révolte spontanée, qui l’a organisée ? Quel parti, quel groupe politique l’a construite ?
Toutes les révolutions de l’histoire, à l’exception de la révolution d’Octobre 1917, n’ont-elles pas été au départ des révoltes spontanées ?…
Le contenu social de la révolution a été l’amélioration des conditions de vie, plus de libertés… Il ne s’agit pas pourtant d’un mouvement qui pouvait rester dans le cadre du capitalisme pour pouvoir réaliser ses objectifs. L’augmentation des salaires, les conquêtes sociales, la dénonciation du pillage du pays par la bourgeoisie locale et impérialiste ne peuvent aboutir que par la destruction du capitalisme et le socialisme.
Les objectifs de la révolution étaient INCOMPATIBLES avec le maintien du capitalisme en crise.
Il s’agit d’un mouvement politique, qui a chassé du pouvoir un président, un premier ministre (sans l’action des masses il ne se serait rien passé), qui a des objectifs sociaux et démocratiques et qui dans son déroulement rencontre des étapes communes avec les révolutions: mouvements massifs, gouvernement provisoire, politisation des masses (avec ce qu’il y a comme organisations existantes), revendications sociales de la classe ouvrière, terrain favorable aux idées communistes, auto-organisation…
Si on reprend l’argumentation de Frank, on en arrive à ce point : considérant que « les objectifs de la révolution étaient incompatibles avec le maintien du capitalisme en crise », nous devons dans sa logique, et vu qu’aux dernières nouvelles il y a toujours un État et une économie capitalistes en Tunisie, en conclure que la révolution a échoué ! Et pourtant le dictateur et ses affidés ont dû partir. Par conséquent, on en revient au point de départ : qu’est-ce qu’une révolution ?
Personne ne nie qu’il y a eu un mouvement social d’ampleur, une insurrection des opprimés et exploités en Tunisie – et en Egypte, en Libye et en Syrie au début. Mais est-ce que c’était une révolution ? Non, une révolution, c’est autre chose ; la preuve : à qui viendra-t-il l’idée que Mai 68 en France a été une révolution ? Pourtant, le « contenu social » de Frank y était déjà présent : améliorations des conditions de vie, plus de libertés, objectifs sociaux et démocratiques…
Il ne faut pas confondre deux choses : dans le capitalisme décadent actuel, il est impossible d’obtenir des réformes durables en faveur des exploités. Et donc dans ce cadre, TOUS les mouvements sociaux qui ne renversent pas le capitalisme sont voués à l’échec, ce que Rosa Luxemburg traduisait par : « le mouvement communiste est le premier de l’histoire qui va à la victoire en volant de défaite en défaite ». N’importe quelle grève, même victorieuse, verra ses conquêtes immédiatement rognées par le Capital. Maintenant, ça ne fait pas de chaque mouvement social une révolution…
Si tu es sur la région nantaise le 10 novembre je t’invites à participer à une réunion qui permettra de parler de ce point révolte ou révolution en Tunisie, Egypte, Libye, Syrie
Je vais mettre les informations dans l’agenda d’indymédia quand j’aurais la salle
La réunion devrait porter aussi sur la situation en France avec comme introduction un tract que je veux distribuer le 24 à Nantes
Salutations
Bien reçu, et merci.