Le jouranl fakir en danger !
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En septembre dernier, le Courrier picard perdait ses deux procès en diffamation contre le journal alternatif Fakir. Mais le quotidien régional, mauvais perdant, a interjeté l’appel des deux jugements et réclame toujours 200.000 FF, soit la mort du vilain petit canard. Est donc lancé un appel à la défense du journal Fakir.
L’affaire démarre il y a deux ans. En février 2002, le journal Fakir, édité dans la Somme, publie une lettre imaginaire. Dans ce courrier fictif, le premier adjoint de la Ville d’Amiens, Roger Mézin, s’adresse au chef de la locale, Michel Maïenfisch, et remercie ce « chien de garde (sans les dents mais avec la langue) ».
« Cher excellent journaliste, Merci encore. (…) [Mon] dogme « un journal qui se livre à la critique, ce n’est pas bien » aurait pu vous gêner. J’oubliais que, après tout, c’est la ligne que vous tentez d’imposer dans votre quotidien… (…) Ces qualités de porte-plume vous ont valu le poste de « chef de locale » à Amiens. Au vu de votre persévérence, je ne doute pas que vous accédiez bien vite à la rédaction en chef. »
La réaction ne tarde pas : le Courrier picard décide de porter plainte. Mais face à l’opposition, notamment, du SNJ-CGT, changement de tactique : c’est Michel Maïenfisch qui intentera l’action, soutenu par son employeur, et avec l’avocat payé. 12.000 Euros sont demandés.
Comment la rédaction de Fakir encaisse-t’elle le choc ? En portant un nouveau coup, dans une charge intitulée : « le chien de garde (qui mord) » (juin 2002).
: « Nous avions dénoncé, signalait la citation devant le tribunal correctionnel, « la partialité et le manque d’objectivité de Michel Maïenfisch. » Exact. Nous aurions donc « mis en cause ses qualités professionnelles ». Mais pas du tout ! On s’insurge, là : voilà au contraire des qualités fort prisées au Courrier picard. Qui assurent une rapide promotion. Quel candide peut croire, encore, que ce bulletin para-municipal vise, d’abord, avant tout, à apporter des informations aux citoyens ? (…) Le but de ce quotidien, c’est clair : non pas dire, mais taire. Protéger les réseaux du Crédit agricole, principal actionnaire. Ne pas gêner les responsables des collectivités, qui empruntent auprès de la banque. Et donc, pour cadenasser la rédaction, promouvoir les plus dociles… »
Le Courrier apprécie, semble-t’il, le comique de répétition : cet article fut suivi, re-belote, d’une seconde plainte adressée par huissier…
Mais le sommet du « grotesque » fut atteint un an plus tard (27/06/03) : à l’audience, étudiant les articles de Michel Maïenfisch, des témoins soulignèrent les biais de son traitement des centres d’appels, de la Chambre de Commerce, ou de la Mairie d’Amiens.
Le jugement (26/09/03) relaxa le directeur de Fakir : « le texte et le dessin en cause relèvent de la liberté d’expression et du droit de critique, autorisés dans un organe de presse satirique et humoristique, comme dans le cadre d’une polémique professionnelle entre journalistes. »
Au Courrier picard, semble-t’il, l’on réprime « la liberté d’expression », « la critique », « la satire », davantage que des magistrats trop laxistes… Le quotidien régional a donc interjeté appel (qui se déroulera le 12/05/03 à 13h).
Depuis deux ans, le Courrier picard poursuit le journal alternatif Fakir, édité à Amiens. Deux plaintes ont été déposées, réclamant près de 200.000 FF au canard associatif -soit sa mort. Ces deux procès furent, en première instance, perdus par le quotidien régional. Mais le Courrier picard, et notamment un chef de locale, s’entêtent : ils ont décidé de faire appel. Qu’importe pour eux : ils ont le temps, l’argent, le personnel pour mener ces batailles judiciaires. En face, le journal Fakir, lui, s’épuise, malgré les victoires, structure trop fragile pour affronter des procès à répétition.
Un tel acharnement, émanant non d’autorités publiques ou de personnes privées, mais d’organes de presse et de journalistes, soulève des questions de fond. N’est-il pas aberrant que des querelles entre journalistes, et sur le journalisme, se règlent devant des juges plutôt que dans les colonnes de leurs journaux et devant les lecteurs ? La critique des quotidiens régionaux est-elle permise ? D’autres voix sont-elles autorisées en province ? Comment, si cette presse différente était muselée, la démocratie locale pourrait-elle exister ?
Avec leurs imperfections, les journaux comme Fakir sont rares en province, et fragiles. Ils contribuent, modestement, à vivifier une démocratie locale souvent endormie. Nous savons, en effet, combien la presse régionale en France (à l’inverse de l’Espagne ou de l’Allemagne, par exemple) est conformiste et soumise aux pouvoirs en place. Pour ces raisons, il nous semble nécessaire de préserver Fakir (et ses cousins).
C’est pourquoi, attachés au pluralisme et à la liberté de la presse, convaincus que le libre débat public a besoin d’une prese impertinente, fût-ce après la presse elle-même, et que des procès de presse intentés par certains journalistes et organes de presse peuvent devenir ruineux pour la liberté de tous,
Nous dénonçons l’usage de telles armes por réduire au silence les journalistes indépendants et provoquer la mort « par asphyxie de leurs journaux » ;
Nous appelons les journalistes, les professionnels des medias, et tous ceux qui sont attachés à la liberté d’expression à soutenir le journal Fakir.
NB : ce texte est également disponible sur le site d’Acrimed et sur le site de Fakir.
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