ECOLE : DEHORS L’ARTISTE !

Les classes à Projets Artistiques et Culturels (PAC) sont entrain de mourir doucement, d’une belle mort, bien libérale… tout simplement par étranglement budgétaire. Le Ministère parle bien sûr d’un « redéploiement » des budgets et des activités, mais la plupart des rectorats, qui sont au contact de la réalité, ne peuvent plus cacher la vérité… on liquide les PAC.

La mise en conformité de l’Ecole, au regard des exigences de la marchandise, bat son plein.

Le retour en force à un « enseignement du savoir », ce que l’on appelle le développement d’un enseignement basé sur l’ « intelligence cognitive » n’est pas le fruit du hasard. Les expériences menées depuis quelques années dans le milieu scolaire pour développer l’ « intelligence sensible et créative » disparaissent. Celles-ci, fruit d’un travail difficile, mené en partenariat avec des personnes extérieures à l’Ecole permettent non plus de « remplir des cerveaux » mais d’ « ouvrir des esprits ». L’éduqué n’est plus « objet », mais devient «sujet » de sa propre formation. La mémoire n’est plus le seul moyen d’apprendre, on fait aussi appel à la sensibilité élément essentiel d’accès à l’autonomie.

Sensibilité ? Mais, au fait, de quelle sensibilité parle-t-on ?
En dehors de celle du « consommateur » qui peut, qui doit, apprécier l’esthétique de l’emballage du nouveau gadget qui lui « est offert », de quelle sensibilité le système marchand a-t-il besoin ?

En dehors de celle du « spectateur » pour qui on fabrique un produit « culturel » rentable (forcément rentable puisqu’une entreprise a pris la peine, que dis-je ? le risque, de la produire), de quelle sensibilité le système marchand a-t-il besoin ?

En dehors de la curiosité du « touriste », trimbalé par des tours-opérator, pour visiter des circuits « prédigérés »de quelle sensibilité le système marchand a-t-il besoin ?

En dehors de la fidélité du « téléspectateur » scotché devant son petit écran à siroter des programmes (coupés par la pub) faits à la mesure de son inconscient, de quelle sensibilité le système marchand a-t-il besoin ?

Soyons sérieux, la sensibilité dont parle les poètes, les artistes et autres « cultureux » n’est que de la « sensiblerie », or celle-ci est contre-productive , éloigne du seul objectif sérieux qui guide toute notre vie : l’efficacité et la rentabilité.

Soyons sérieux, quelle entreprise est prête à « investir » dans une force de travail autre qu’adaptée strictement au besoin de la production ? dans une force de travail qui aurait la capacité de penser sur le sens même de ce qu’on lui fait faire, de ce pourquoi on l’utilise ? dans une force de travail qui puisse réfléchir au-delà de l’horizon étroit que lui offre l’emploi qu’elle occupe ?. Aucune.

Soyons sérieux, quel Etat est prêt à courir le risque de financer des projets « d’éveil artistique » sachant que le mode de la production dont il est le garant n’en a que faire ? Aucun.

Mais peut-on honnêtement penser qu’il y ai la place dans l’école, à la fois pour les « marques » qui s’insinuent sournoisement et pour l’ « expression artistique » ? cette dernière n’est-elle pas justement la négation des précédentes ? Cette dernière n’est-elle pas « la vie », face à l’expression mortifère de la marchandise standardisée, calculée, calibrée, empaquetée et imposée ? Face à ce choix l’Etat n’a pas à hésiter, en tant que garant du système marchand, il va chasser l’intruse.

Ah mais me dira-t-on il faudra bien faire émerger les jeunes talents.

La découverte de jeunes talents ?

Mais notre société a tout ce qui lui faut pour cela. D’abord le népotisme massif qui règne dans ce milieu fait que les rejetons, dans certains domaines, remplacent avantageusement les « artistes » vieillissants, mais aussi et surtout les émissions télévisées telles que « STAR ACADEMY » (TF1) et autres «A LA RECHERCHE DE LA NOUVELLE STAR » « POP STAR » (M6) n’ont-elles pas la prétention déclarée de trouver les « nouvelles stars » autrement dit celles et ceux qui seront les artistes, les poètes, les créateurs, les stars… bref la culture ? Cette culture qui nous sera servie jusqu’à plus soif à la radio, à la télé, en concert… et qui , honneur suprême représentera la France à travers le monde.

Ainsi la force de travail est réduite à sa plus simple expression c’est dire à son utilité par rapport au système… et pas plus . Le système marchand montre ainsi son vrai visage et ce qu’il entend faire de l’être humain… un outil de production de la valeur marchande… quand il l’emploi, et un consommateur… pour que cette valeur se réalise sur le marché. A contrario celle ou celui qui n’a pas d’emploi et donc ne peut pas consommer, n’a aucun intérêt. Dans les deux cas il n’a que faire des valeurs artistiques et des activités d’éveil artistique. L’art, la culture n’ont de sens qu’en terme de valeur marchande… la beauté, dans ce système, n’est qu’une prostituée de luxe qui s’offre au plus offrant. Les publicitaires ont remplacés les artistes ou plutôt ils les ont salariés autrement dit asservis. Ainsi ces derniers ont perdu ce qui était l’essence même de leur art, la liberté.

Certes, quand ces messieurs entendent le mot « culture » ils ne sortent pas leur révolver, mais ils sortent prestement leur calculette.
Le monde froid de la marchandise nous le construisons tous les jours par nos démissions permanentes devant les pratiques politiques des froids calculateurs qui nous gouvernent. Nous nous laissons berner par la pseudo rationalité de discours qui ne sont qu’idéologiques.

Demain sera un jour sans soleil, mais nous pourrons toujours essayer de le peindre sur nos murs, le problème c’est que l’on ne saura plus le faire.

Patrick MIGNARD