Depuis que Marine Le Pen a pris la présidence du Front National, deux poncifs sont en concurrence. Soit il est prétendu qu’elle aurait sorti le parti de l’extrême droite, alors que celui-ci reste vissé à ses fondamentaux idéologiques. Soit il est affirmé que sa stratégie n’est que double discours, alors qu’elle a impulsé des modifications notables au Front National. Cette double erreur de perspective est celle à laquelle les auteurs du Système Le Pen se refusent dès leur introduction. L’animal politique étant un chef de meute, Abel Mestre et Caroline Monnot ont choisi non pas de nous fournir un énième portrait « people » du nouveau prénom du nom Le Pen, mais de nous faire découvrir son écosystème. Qui la conseille ? Qui lui fournit appui politique, assistance juridique ou théorique ? Voilà l’enjeu de ce que le sous-titre de l’ouvrage qualifie justement d’ « enquête sur les réseaux du Front National ». A travers la radioscopie des cercles concentriques que Marine Le Pen a érigées autour d’elle se découvre tout à la fois le champ actuel de l’extrême droite, et le portrait en creux de celle pour laquelle s’apprête à voter, selon les derniers sondages, un cinquième de nos concitoyens.

Journalistes au Monde en charge du suivi de l’extrême droite, les auteurs revendiquent depuis plusieurs années une approche globale du phénomène, rendant compte du moindre soubresaut du moindre groupuscule dans leur blog Droite(s) extrême(s). La méthode amène ici un résultat des plus probants car on découvre que l’essentiel du staff du leader frontiste n’est pas encarté dans son mouvement et est constitué de personnes totalement inconnues du grand public. La souplesse de structuration, plus horizontale que verticale, demeure donc la règle de l’extrême droite française, telle que fixée depuis l’entre-deux-guerres. Il est vrai que ses militants sont issus des générations les plus dures du nationalisme-révolutionnaire : ils ne sont donc pas des vitrines pour la « dédiabolisation ». Les jeunes activistes des années 1970-1990 sont un peu trop souvent inquiets du « complots sioniste » et de « l’ennemi cosmopolite », encore adeptes d’un Nouvel Ordre européen en bonne entente avec les régimes autoritaires moyen-orientaux contre « l’axe américano-sioniste ». Ils apportent à Marine Le Pen leur savoir faire réel en matière de communication, de droit, de constitution d’un programme cohérent et global. On découvre au passage à quel point ces partisans du « socialisme national » savent aussi manier les arcanes du capitalisme international lorsqu’il s’agit d’optimisation fiscale ou de constitution d’une noria d’entreprises aux capitaux croisés.

Comment peuvent-ils s’entendre avec Louis Aliot, l’actuel numéro deux du FN, par ailleurs compagnon de Marine Le Pen ? C’est l’un des enjeux politiques que pointe l’ouvrage.

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