Réflexions d’une palestinienne sur la décroissance et le refus du consumérisme
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Réflexions d’une Palestinienne sur la décroissance et le refus du consumérisme
par Adania Shibli, 29 août
J’ai été contacté il y a un moment par une revue allemande pour la rédaction d’un texte qui s’interrogerait autour du mot d’ordre « Moins signifie plus » et de la problématique suivante : les limites du développement, le capitalisme consumériste et comment l’appréhender, voire lui faire face, dans le contexte du monde arabe.
J’ai donc essayé de produire au moins une seule réponse à la question, mais en vain, au point que j’ai ressenti l’angoisse de la page blanche après avoir consommé toutes mes réserves intellectuelles et littéraires, et me voici vide – à l’image de la Terre (ou du globe terrestre) qui a été épuisée de toutes ses ressources et qui souffre ainsi d’une grave pénurie. En résumé je suis un exemple sans équivoque du dilemme des limites de la croissance.
Malgré cela, je n’ai pas baissé les bras, j’ai continué à presser, creuser, pour faire sortir au moins une petite graine de matière sur laquelle je pourrais me reposer pour produire un texte sur le sujet, et je suis arrivée à ma grand-mère.
Ma grand-mère est décédée il y a 18 ans, après avoir été contemporaine de l’Empire Ottoman, époque à laquelle un officier turc est tombé amoureux d’elle, puis de la période du mandat britannique durant laquelle son mari, mon grand-père, a été nommé responsable de la plantation de milliers d’hectares de cyprès, puis de l’autorité de l’Etat d’Israël durant laquelle elle est devenue veuve et a été témoin de la fin de la guerre froide et de la chute du mur de Berlin, avant de décéder pendant la première guerre du Golfe.
J’ai pensé à ce qu’aurait répondu ma grand-mère si je lui avais posé le dilemme des limites de la croissance et la question « Moins signifie plus », étant donné qu’elle a accompagné ce qui me parait constituer des périodes historiques variées, tant du point de vue politique et économique que du point de vue des modes de vie.
Ma grand-mère était connue pour une expression qu’elle répétait à nos oreilles lorsque nous étions enfants. À chaque fois que nous exprimions notre mécontentement sur quelque chose, elle disait avec mépris :
« À votre âge je buvais l’eau accumulée dans le trou d’un rocher ! ».
Ma grand-mère aurait écouté ma question et aurait posé sur moi un regard de mépris et répulsion. Voilà ce qui était pour elle tout commentaire en général.
En réalité, il n’y a pas que ma grand-mère décédée il y a presque vingt ans qui répondrait de cette manière à ma question, mais des milliers de personnes dans le monde arabe, qui ne vivent pas d’une manière qui diffère radicalement de ce qu’a vécu ma grand-mère, et qui n’ont pas l’occasion de consommer beaucoup plus que ce qu’elle a consommé, y compris de matériaux de base. Et parmi eux, moi, qui vivant en Palestine doit me suffir de l’eau qui arrive l’été une ou deux fois par semaine. Au final, s’il ne leur est pas possible de réaliser jusqu’à présent ce que signifie le plus dans leurs vies, ma question signifie pour eux :
« Est-ce possible, moins que ce moins ? »
Je ne suis pas du tout une économiste, mais il suffit de passer dans un des nombreux quartiers résidentiels oubliés dans le monde arabe, et si on ne peut pas ou ne veut pas, il suffit d’une petite recherche pour découvrir comment vit la majorité des citoyens là-bas. De nombreuses recherches et statistiques montrent que le revenu moyen des trois quarts des habitants du monde arabe jongle entre 1 dollar et 5 dollars par jour, et que le taux de chômage est proche de 25%, cela bien sûr sans compter ceux qui travaillent dans ce qu’on appelle le chômage déguisé : lorsque le travailleur occupe un poste en-dessous de ses compétences et dont personne n’a besoin, comme celui de porter la valise d’un voyageur sortant d’un aéroport, ou celui d’essuyer les chaussures de l’un d’entre eux – et les derniers évènements en Tunisie et en Algérie ne sont que les conséquences naturelles de ces réalités.
Si la question « Moins signifie plus » devait signifier ou occuper quelqu’un dans le monde arabe, ce serait une classe parmi la minorité qui connaît le sens du « plus », et qui en conséquence pourrait juger l’idée du « moins ». Mais la question est : cette classe peut-elle penser de cette manière ?
Cette classe est généralement un mélange entre une élite économique composée de femmes et d’hommes d’affaires détenteurs de capitaux, et une élite politique au pouvoir. L’alliance entre ces deux classes et ce dont elles jouissent en termes de force et de pouvoir – qui constitue beaucoup plus que ce dont jouit la plupart des gens, tant au niveau politique qu’économique – se traduit non seulement par moins de matières naturelles mais aussi par la jouissance du moins par la classe majoritaire dans le monde arabe : moins de libertés et moins de condition humaine, qui ne lui donne pas la possibilité de penser au-delà de comment obtenir, jour après jour, le pain quotidien.
Ce qui contribue le plus à renforcer cet ordre, c’est qu’il est absent du débat public tel que l’organisent les différents médias arabes, qui demeurent consacrés au service de cette alliance politico-économique pour ceux qui jouissent du plus parce qu’ils le possèdent. Il est difficile de trouver dans le monde arabe un journal, une radio ou une chaîne de télévision qui n’essaie pas de promouvoir tout ou partie de cette caste politique et économique. Ils essaient au contraire, sans relâche, de convaincre le citoyen qu’il n’y a aucun moyen de vivre autrement qu’avec elles – et il se trouve toujours un partenaire local parmi les membres de cette élite.
Même l’islam, dans les médias des dictatures arabo-islamiques, a été enveloppé et marchandisé, à travers des produits de nature islamique, du vêtement approprié de la femme jusqu’à l’épargne dans les banques islamiques, et nous est présenté comme le moyen d’obtenir au paradis ou dans une vie future ce qu’on ne peut obtenir maintenant, à savoir les produits et les marchandises qui sont présentées dans ces mêmes médias. Pour quelque problème que ce soit, la pauvreté ou la misère causées par l’oppression économique et politique, l’islam qui est actuellement mis sur le marché propose une solution dans les cieux et non sur terre – ou, pour celui qui cherche une solution terrestre, dans le passé et sa gloire plutôt que dans le présent et ses crises.
Et ces groupes de pouvoir, qu’ils soient politiques ou économiques, religieux ou laïques, savent non seulement qu’ils ne peuvent continuer les uns sans les autres, mais aussi qu’ils ne peuvent continuer sans être liés de manière directe au système capitaliste mondial et à son mouvement, surtout depuis ces vingt dernières années – et il n’y a pas de meilleur exemple que celui de l’alliance de l’Occident avec l’Arabie Saoudite et l’Egypte, qui sont parmi les plus anciennes dictatures arabes.
Parmi les exemples sinistres de l’influence réelle de ce type d’alliance en ce qui concerne la privation du moins que moins pour la majorité, il y a les longues files d’attente d’Irakiens qui attendent pour obtenir quelques litres d’essence à cause de la pénurie d’essence, dans un pays qui possède la deuxième plus grande réserve de pétrole dans le monde. Mais la question ne se limite pas uniquement à un pays comme l’irak qui subit l’occupation, et avant cela l’embargo international, ou à un pays comme l’Arabie Saoudite dans lequel une classe dirigeante composée d’une seule famille jouit de toutes les richesses du pays – tandis que des milliers de Saoudiens et de non Saoudiens, comme les travailleurs étrangers des maisons saoudiennes et du Golfe, sont contraints à vivre dans le moins, parfois sous le même toit que cette élite politique et économique. La question qui se pose est : cette majorité dans le monde arabe va-t-elle se suffir du moins pour des raisons de principe ou d’environnement ?
En réalité, il n’est actuellement pas possible pour cette majorité de choisir une vie alternative à celle-là, comme c’est le cas par exemple des groupes et mouvements sociaux qui ont renoncé pour des raisons diverses – morales, environnementales ou politiques – à leur plus et se sont tournés vers le moins. D’un côté, il y a par exemple le citoyen américain qui vit dans le New Hampshire ou le Massachusetts et qui utilise le moins possible de marchandises, d’eau et d’électricité, disponibles en quantité dans sa vie quotidienne, en les remplaçant par d’autres méthodes qui gaspillent moins de ressources naturelles. De l’autre côté il y a le citoyen palestinien qui habite le camp Jabalia à Gaza et qui lui aussi utilise le moins possible de marchandises, d’eau et d’électricité dans sa vie quotidienne, mais en raison de la rareté de ces matériaux, résultant de l’embargo imposé à Gaza. La question qui s’impose ici est : comment appréhender ces deux comportements qui se ressemblent mais sont motivés par des raisons diamétralement opposées. Le premier renvoie à la capacité de choisir de ne pas consommer, tandis que le deuxième consiste en une punition et n’ouvre pour ceux qui la subissent qu’une seule issue : la liberté de consommer, car c’est sur cela que se fonde leur dignité humaine [1]
Il est à mon sens difficile de simplement poser la question du choix du peu à la place du beaucoup dans un contexte ou il n’y a que le peu. Mais cela ne veut pas dire pas que celui qui est plongé dans le plus n’a pas à y réfléchir, non seulement d’un point de vue humain, moral, environnemental – préférer le moins au plus pour éviter qu’il y ait encore moins à l’avenir – mais aussi parce que, dans notre monde, le plus de quelques-uns se fonde sur le moins pour la majorité : ceux à qui on ne peut faire porter la responsabilité d’une possible pénurie dans laquelle ils n’ont pas eu le rôle principal, ni imposer le moins comme une menace ou une punition.
Et je crois que tout cela est ce qu’en résumé signifiait la colère de ma grand-mère.
P.-S. : Texte traduit de l’arabe par Zahra Ali
Notes :
[1] Et c’est ce dont lui a fait la promotion réelle le Quatuor politique dirigée par Tony Blair en Cisjordanie.
Cineffable, le 23ème Festival international du film lesbien et féministe de Paris (du 29 octobre au 2 novembre 2011) affiche son partenariat avec l’Ambassade d’Israël en France sur le site : http://www.cineffable.fr
Si le festival assume ce partenariat, nous LOCs – Lesbiennes of Color – assumons de dénoncer ce partenariat avec l’ambassade d’Israël tout simplement inacceptable. Ceci montre une irresponsabilité grave de la part des organisatrices du festival. Les organisatrices persistent dans un manque de conscience politique et risquent l’instrumentalisation du féminisme et du lesbianisme.
Par ce partenariat avec l’Ambassade d’Israël, Cineffable participe de la belle image que s’efforce de se donner Israël en instrumentalisant son soutien aux LGBT, et en l’occurrence ici à l’action féministe lesbienne, dans le seul but de faire oublier sa politique colonialiste, raciste, militariste, sioniste et criminelle qu’il mène à l’encontre du peuple Palestinien. Israël mène une politique d’apartheid aux conséquences dramatiques sur un peuple qui ne cesse d’endurer des attaques aveugles et disproportionnées, des restrictions discriminatoires, des destructions de villages persistantes, des humiliations quotidiennes, etc… Faut-il rappeler cette politique !
La politique d’Israël à implanter des colonies en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est, viole la Quatrième Convention de Genève et est considérée comme un crime de guerre, aux termes du statut de la Cour pénale internationale. Le blocus de Gaza avec les restrictions imposées sur la vie quotidienne des 1,5 millions de Palestiniens à Gaza, dont la moitié sont des enfants en les privant de l’accès à l’eau, à l’électricité, à l’emploi, au déplacement bref, à vivre tout simplement. Puis l’opération « Plomb durci », offensive militaire israélienne de 22 jours sur la bande de Gaza, lancée en décembre 2008 jusqu’au 18 janvier 2009, a fait 1400 morts parmi les Palestiniens, dont une majorité de civils, des milliers d’autres blessés et des milliers de personnes sans abri. Et qu’à ce jour, justice n’est toujours pas rendue à ces Palestiniens et Palestiniennes car Israël continue ses manœuvres auprès de la communauté internationale visant à éviter de rendre des comptes pour les crimes de guerre dont Israël est accusé.
Ce partenariat met à mal toute votre volonté d’indépendance : vous vous félicitez de refuser trop d’argent de la Mairie de Paris pour garder votre indépendance et s’agissant d’Israël, vous vous en accommodez sous prétexte que l’ambassade « aurait financé la venue d’une réalisatrice israélienne ! »
Mesdames les organisatrices, quelques soient les raisons qui vous ont amenées à souscrire à ce partenariat, vous vous désolidarisez de la lutte du peuple Palestinien et de celle des associations LGBT palestiniennes dont le contexte des Territoires occupés est au croisement de leurs luttes en tant qu’activistes. Vous vous désolidarisez aussi, de la lutte menée par des Israélien-nes contestant la politique de colonisation et d’occupation en Palestine. Ainsi, vous démontrez votre désintérêt des enjeux internationaux dont la Question palestinienne demeure centrale pour la Paix dans le Monde ; et que toute militante féministe et lesbienne se doit de se le rappeler.
En conséquence, nous LOCs – Lesbiennes of Color – appelons au Boycott du 23ème festival de Cineffable et exigeons l’abandon immédiat du partenariat avec l’ambassade d’Israël.
Le groupe LOCs www.espace-locs.fr
Israël est le seul pays de la région à laisser l’organisation d’une gay pride.
Le BDS se couvre de ridicule en refusant Israël. Les LGBT israéliens devraient lui cracher dessus.
L’Oakland Museum of Children Arts annule l’exposition des œuvres d’enfants Palestiniens
Berkeley, Californie – le Museum of Children’s Art d’Oakland (MOCHA) a décidé d’annuler une exposition artistique d’enfants Palestiniens de la bande de Gaza. La Middle East Children Alliance (MECA) qui était partenaire du musée pour présenter l’exposition a été informée jeudi 8 septembre 2011 de la décision par le directeur du musée. MECA et le musée travaillaient ensemble sur cette exposition baptisée « Un regard d’enfant de Gaza ».
MECA a appris que des organisations pro-israéliennes de la région de San Francisco ont conjugué leurs efforts pour faire revenir le musée sur sa décision d’exposer des créations artistiques d’enfants de Gaza. Barbara Lubin, directrice exécutive de MECA, a exprimé sa consternation devant la décision du musée de censurer l’exposition en contradiction avec sa mission “de faire en sorte que les arts soient quelque chose d’essentiel dans la vie de tous les enfants. » “Nous ne comprenons que trop bien la pression énorme qui s’est exercée sur le musée. Mais qui sort gagnant ? Le musée n’est pas gagnant. MECA n’est pas gagnante. Les habitants de la région de San Francisco ne sont pas gagnants. C’est notre liberté d’expression fondamentale garantie par le Constitution qui est perdante. Les enfants de Gaza sont perdants, » a-t-elle déclaré. « Les seuls gagnants sont ceux qui dépensent des millions de dollars pour censurer toute critique d’Israël et faire taire les voix des enfants qui vivent au quotidien sous un siège militaire et l’occupation ». “Malheureusement, cet incident troublant n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres dans tout le pays qui voit certaines organisations réussir à réduire au silence le point de vue palestiniens, qui comprend l’expression artistique. En fait, certaines organisations ont même provisionné des fonds spécialement à cet effet. L’an dernier, la Fédération Juive d’Amérique du Nord et le Jewish Council for Public Affairs ont malheureusement lance une initiative d’un montant de 6 millions de dollars pour réduire efficacement au silence les voix palestiniennes même dans les “institutions culturelles.” L’exposition gratuite, coparrainée par près d’une vingtaine d’organisations locales, devait ouvrir ses portes le 24 septembre, et prévoyait des activités spécifiques pour les enfants et les familles, dont un atelier de dessin et des lectures de poésie.
La bande de Gaza avec sa population de 1,6 million d’habitants est assiégée depuis qu’Israël lui a imposé un blocus en 2006. Les Nations Unies et de nombreuses organisations des droits de l’homme dans le monde ont condamné le blocus en tant que forme inhumaine et cruelle de châtiment collectif.
“Bien que les enfants de Gaza vivent en subissant des politiques israéliennes qui les privent de tout ce qui est basique, ils réussissent à travers l’art à exprimer leurs réalités et leurs espoirs. C’est vraiment très triste qu’il se trouve des gens aux Etats Unis pour les faire taire et démolir leurs rêves,” explique Ziad Abbas, directeur associé de MECA. MECA est déçue de la décision du musée de refuser aux habitants de la région de San Francisco la possibilité de voir des productions artistiques d’enfants Palestiniens, et elle s’engage à trouver un autre lieu d’exposition. “Nous avons fait la promesse aux enfants que leurs œuvres seraient montrées et nous allons tenir cette promesse,” a affirmé Lubin.
Source en anglais :
http://www.mecaforpeace.org/news/media-advisory-oakland…ldren’s-exhibit