Dijon – luttes potagères, bétonnage des terres et urbanisme vert
Category: Global
Themes: EcologieImmigration/sans-papierEs/frontieresResistances
Luttes potagères, bétonnage des terres et urbanisme vert
Un an de subversion potagère !
Le 26 mars au matin, les rues du centre ville et les halles du marché couvert de Dijon sont envahies par une soixantaine de personnes armées de binettes, pioches, faux et d’une sono electro. Les slogans fusent : “des topinambours, pas des carrefours”, “des pâtissons, pas des prisons”, “des rutabagas, pas des caméras”, “des tomates séchées, pas des eco-quartiers”. Les maraîchers semblent apprécier et les chalands encouragent. Un ancien reluque malicieusement une fourche et remarque “Avec ça, il faut faire la révolution”. Un an après l’occupation des terres de la rue Philippe Guignard le potager rentre en lutte contre la volonté de la Mairie de passer les récoltes au tractopelle et d’enfouir l’humus sous le béton. La bataille s’annonce rude : un paquet d’oseille à gagner pour l’industrie du BTP face aux initiatives autonomes et gratuites d’habitant-e-s de la ville. Les rouleaux compresseurs mégalos de la municipalité face aux résistances de quartier. Des projets d’urbanisme “vert” aseptisés et sécuritaires, face à des espaces d’échanges émancipés du contrôle institutionnel. La dépendance destructive à l’agro-industrie face à l’auto-production collective… Pour la blague, Dijonscope nous apprend que quand il s’agit d’étendre les jardins privés d’un artiste connu et cossu, le Maire n’hésite pas cette fois à chausser ses bottes pour lui obtenir des terrains, même quand il était prévu d’y construire des logements sociaux.
En attendant les jacqueries à venir, le potager a fêté le retour du printemps par la mise en terre de centaines de jeunes plants, des discussions autour de la situation du potager et de l’urbanisme, d’ateliers pour les enfants, concerts folks, barbecues et un bal tonitruant.
Le Pot’Col’Le résiste à Dijon !
Le Pot’Co’Le (comme Potager Collectif des Lentillères) est né en mars 2010, d’une manifestation, fourche en main, qui a abouti à l’occupation et audéfrichage, par 200 personnes, de terres maraîchères laissées à l’abandon depuis des années rue Philippe Guignard, en plein Dijon. Il fête son premier anniversaire : un an de rencontres entre jardinier-e-s en herbe, pros de la binette, voisin-e-s enthousiastes ou habitant-e-s d’autres quartiers. Un an pour passer de la critique de l’agro-industrie à la production de succulents légumes. Une année sillonnée par des luttes : contre l’expulsion de la Villa, la maison qui servait d’espace d’organisation au potager, pour participer à des réseaux paysans ou soutenir l’opposition à la Loppsi 2.
En ce printemps 2011, le compte à rebours pour la survie du jardin collectif est amorcé : la mairie vient en effet de lancer les hostilités en publiant l’appel d’offre pour la reconversion du quartier des « Anciens Abattoirs ». En contradiction totale avec les préconisations « vertes » du PLU, le projet actuel prévoit de bétonner les 6 hectares subsistants de terres maraîchères..
Nous appelons aujourd’hui à une résistance collective pour développer les luttes potagères et nous autonomiser de l’agro-industrie, mais aussi pour une ville où l’espace ne soit pas entièrement aseptisé et livré aux intérêts marchands …même en vert. Nous pensons que si la Mairie, n’est pas a l’écoute des initiatives prises par des habitant-e-s de la ville, il faut se donner les moyens de lui faire entendre et d’empêcher les bulldozers de venir tout ravager.
Sous l’vert, y’a du béton !
Le paradoxe est fâcheux : la Mairie veut faire de Dijon une ville écolo d’excellence et ne construire plus que des « eco-quartiers », adhère avec fracas au réseau « terre en villes » pour la préservation de l’agriculture paysanne intra ou péri-urbaine, dit vouloir que les amaps se développent et ajouter des potagers à son Eco-Plan Local d’Urbanisme. Elle s’apprête dans le même temps à bétonner les derniers hectares de précieuses terres maraîchères disponibles en ville, alors que s’y développent déjà des jardins partagés…et ce pour y installer un eco-quartier.
Notre but n’est sans doute pas de nous opposer à des logements accessibles à Dijon. Cependant pourquoi s’attaquer à ces terres plutôt que de privilégier d’autres espaces déjà bétonnés et abandonnés, ou d’investir les 5000 logements laissés vides sur l’agglomération ? Il n’est pas anodin que malgré toute la propagande eco, il y ait toujours de la place pour de nouveaux supermarchés, une extension d’aéroport ou un commissariat, une super structure subventionnée de type Zénith, ou des niches d’entreprise, mais pas pour des potagers.
En fait d’urbanisme eco, on se retrouve avec des quartiers repeints en verts, mais aux habitats aseptisés dans une logique individualiste, majoritairement durs d’accès pour les pauvres, et conformes à une vision sécuritaire où l’espace doit être « transparent » et contrôlable. L’écologie y est prétexte à faire tourner l’industrie et le btp, qui voient les normes environnementales comme un nouveau marché juteux pour continuer à raser sans cesse, reconstruire, vendre de nouveaux gadgets…et polluer plus durablement. Des vélos contre plus de pubs, de l’énergie solaire contre plus d’extraction minière, du recyclage pour plus d’emballage ou de nouveaux habitats entourés de plus de caméras… Loin de remettre en cause la croissance industrielle et l’exploitation, l’écologie appropriée par les décideurs sert surtout d’image de marque pour des projets de villes mégalo. On y replante quelques arbres, mais le bien être s’y mesure toujours avant tout à la compétitivité économique et à l’attractivité pour les entrepreneurs et les plus aisé-e-s. On y gomme les problématiques sociales et les responsabilités politiques, en nous faisant croire que changer le monde tiendrait à des « eco-gestes » individuels et citoyens.
Ce potager, ce qui y pousse et ce qui s’y crée, participe à affirmer une autre idée de la ville. Nous voulons, pour notre part, défendre les trop rares espaces d’où émergent des initiatives qui ne soient pas encadrés par les institutions et formatés dans leur intérêt, où chaque mètre carré n’est pas rentabilisé par les marchands de toute sorte… Nous voulons développer des territoires urbains fait de pratiques collectives et de réappropriation des savoirs, d’échanges nourris et de rencontres fortuites, des zones d’ébullition, de jeux et de contre-pouvoirs. Une ville où « la solidarité » et les « liens de quartiers » ne soient pas des concepts marketings, mais des moyens de ne plus se laisser écraser et atomiser par tout ceux qui tiennent à notre docilité.
Pourquoi cultiver face à l’agro-industrie ?
Dans sa course au rendement, le modèle agricole dominant, basé sur une logique industrielle et productiviste, requiert un usage massif de pétrole, de pesticides, d’engrais, d’emballages plastiques, le transport des aliments sur des milliers de kilomètres. Il contribue à l’épuisement des sols et des cours d’eau, à la désagrégation des liens sociaux dans des campagnes dévitalisés, mais aussi, à échelle plus large, à l’exploitation et au maintien dans la misère de millions de sans-papiers et sans-terres en Europe et dans le monde. Son développement à l’échelle mondiale n’a fait qu’aggraver les inégalités sociales, la destruction de la biosphère et livrer le vivant, des champs jusqu’aux semences et engrais, aux tenants de l’agro-industrie mondiale et à leurs trusts.
Partout dans le monde, des millions de paysan-ne-s se battent pour garder un contrôle sur leurs ressources, pouvoir nourrir les leurs et ne pas finir dans des bidonvilles. En Europe, les politiques alimentaires ont presque réussi à faire disparaître totalement la « paysannerie » en faisant en sorte qu’il soit presque impossible pour les petits agriculteur-trice-s de vivre du travail de la terre et pour les jeunes de s’installer comme paysan. Elles ont rendu la plupart d’entre nous complètement dépendant-e-s, coupé-e-s de tout savoir-faire, espaces et pratiques connectées à la production de notre alimentation.
Autour de Dijon, des maraîcher-e-s, paysan-ne-s et des associations regroupant des citadins ou des ruraux, dénoncent et défient la domination de l’agriculture productiviste. Des initiatives variées mettent l’accent sur les divers freins institutionnels et politiques à l’installation que rencontrent notamment des projets paysans, pour lesquels l’accès au foncier demeure souvent problématique. Dans le même temps des centaines de familles dijonnaises qui voudraient rejoindre des amaps restent en liste d’attente.
En plus du soutien aux projets agricoles à contre-courant, les potagers coopératifs à proximité ou au sein des villes sont parmi les moyens possibles pour défricher les bases d’une agriculture, locale et directe… Ces expériences questionnent les modes de productions et le cloisonnement producteurs consommateurs. Elles fertilisent des liens sur la base d’une terre partagée, habitée et travaillée. Elles permettent de briser en acte le brevetage et la commercialisation systématique du vivant. Elles démontrent que le refus de la nourriture industrielle ne se vend pas sous plastique et hors de prix dans un rayon de supermarché ! Nous cultivons parce que c’est bon, mais aussi parce que sortir l’alimentation des mains de l’agro-industrie est à la charnière de tout projet social émancipateur.
Le Potager comment ça marche ?
Il est possible de venir jardiner au Potager Collectif des Lentillères tous les jours. Des rendez-vous plus formels sont proposés un samedi ou dimanche deux fois par mois (1), pour des chantiers collectifs, un repas sur le principe de l’auberge espmble et les récoltes sont partagées. Le Pot’Col’Le s’organise avec quelques assemblées, des tableaux et panneaux, beaucoup de bonne volonté et pas trop de formalisation bureaucratique. On cherche à produire, mais aussi à apprendre et expérimenter.
Cependant, si vous préférez faire votre propre jardin, pas mal de terres situées autour du Pot’Col’Le sont disponibles. Libre a vous de les investir ! Et nous serons heureux d’avoir des voisin-e-s à aider dans leurs opérations de jardinage.
contact : tierraylibertad***AT***potager.org
Comments
Comments are moderated a priori.Leave a Comment