Les acteurs successifs qui ont forgé et ponctué par leurs actions l’histoire des luttes de l’immigration ont participé non seulement à l’écriture d’une page de l’histoire de France, mais aussi celle d’une histoire inédite et spécifique à l’Immigration dont témoigne de manière significative, les combats politiques menés tant par I’EtoiIe Nord Africaine que des organisations telles que le MTA (Mouvement des Travailleurs Arabes) ou le MTI (Mouvement du Travailleurs Immigrés).

Du massacre des Algériens le 17 Octobre 1961 à Paris aux crimes racistes qui ont jalonné les années 70, les travailleurs immigrés maghrébins notamment, éprouveront de nouveau, la nécessité de se regrouper au sein dc Mouvements autonomes pour mieux se défendre dans les bidonvilles, les cités de transit et sur les lieux de travail. Ce mouvement politique de I’Immigration sera à l’origine d’une grève générale contre les crimes racistes en 1973, ainsi que d’une grève des loyers sans précédent, impliquant des dizaines de foyers Sonacotra en France (1976).

Ces luttes pour les droits et la dignité seront durement réprimées par les pouvoirs publics (arrestations, expulsions du territoire, en avril 1976).
C’est ainsi que les expulsions et les crimes racistes jusqu’au milieu des années 1970 concerne ront principalement les immigrés de la 1ère génération.

La fin des années GISCARD, baignées dans une crise économique, se soldera par le retour de la gauche au pouvoir (F.Mitterrand, élu Président de la République le 10 Mai 1981), dont les premières années de règne coincideront avec les balbutiements d’un Mouvement naissant de la jeunesse issue de l’immigration, confrontée aux mêmes discriminations que leurs parents.

L’originalité de cette mouvance associative «jeune immigré», si elle diffère à certains égards des mouvements qui l’ont précédé,
n’en constitue pas moins le prolongement et la continuité, sur des modes et des agencements nouveaux.

A cet égard, Paris et Lyon, places «fortes» de l’immigration, seront le théâtre d’expériences marquantes dont les initiatives diverses ces 15 dernières années, résument l’histoire chaotique de ce Mouvement dérangeant pour certains, récupéré à ces débuts, dispersé aujourd’hui et dont le MIB s’impose comme un légitime héritier, capable d’en restituer la mémoire, de sauver de l’oubli ce patrimoine de luttes, pour le transmettre aux générations suivantes et rétablir le fil conduc teur avec celles qui les ont précédé…

Début des années 1980, les banlieues lyonnaises s’enflam ment et deviennent au détour des événements des Minguettes, objet national d’attention. Des affrontements entre forces de l’ordre et jeunes immigrés (Minguettes 21/03/1983) à la grande Marche pour l’Egalité (15 oct. – 3 déc. 83); de Convergence 84 aux émeutes de sartrouvIIIe (Avril 1991) en passant par Vault en Velin (Octobre 90), des acteurs divers se succèdent et se mobilisent autour d’une multitude d’associations et d’initiatives plus ou moins concluantes, plus ou moins éphémères.

L’histoire de France est traversée par des luttes particulières et spécifiques à l’immigration. Elle foisonne d’exemples. Quelques uns, plus récents, méritent d’être signalés.

Suite aux crimes racistes commis contre des maghrébins par des groupuscules d’extrême droite et des policiers au début des années 1970, les concernés s’organisent pour se défendre par eux-mêmes, malgré l’interdiction aux étrangers de s’organiser et de créer des associations.

Quand en septembre 1972 le gouvernement français décide de mettre fin au système de «régularisation» (Circulaire Fontanet – Marcelin) de ceux qui jusque là arrivaient dans une France qui en avait besoin, les «sans papiers» s’organisent et déclenchent un
mouvement de grève de la faim avec occupation de lieux publics. Ce mouvement dure plusieurs mois jusqu’à gain de cause. 35 000 régularisations.

Quand les conditions de logement dans les foyers SONACOTRA deviennent inhumaines, les résidents déclenchent un mouvement de grève des loyers. Leur lutte a duré des années; elle a reposé la question cruciale du logement des travailleurs immigrés en France et le mauvais traitement qui leur est réservé par les pouvoirs publics. A contrario des mouvements précédents, les années 1980 vont poser les questions essentielles relatives aux enjeux de représentativité et de l’Image publique du désormais nommé «mouvement beur».

Face aux socialistes, la bataille pour retrouver l’autonomie s’engage, avec un rapport de force défavorable pour les jeunes des banlieues. Les moyens mis dans cette bataille par les adversaires sont colossaux. Néanmoins, le discours de l’autonomie et de l’auto-organisation subsiste malgré la précarité d’un mouvement non organisé.

C’est dans cette perspective que plusieurs rencontres ont eu lieu tout au long des années 1980 sans aboutir pour autant. Les années 1990 impulseront de nou velles initiatives qui aboutiront à la création du Mouvement de l’immigration et des banlieues lors de la Convention Nationale de Mai 1995 à la Bourse du travail de Saint Denis, dans la région parisienne, a réuni environ 250 personnes, venues de plusieurs régions de France. Elle a donné
naissance au Mouvement de l’Immigration et des Banlieues (MIB).

Le MIB est l’émanation des acteurs qui luttent sous différentes formes, localement et quo tidiennement auprès des populations concernées. Il a pour fonc tion de désenclaver, de soutenir et de rassembler les acteurs qui, souvent, sont isolés et très peu épaulés, mais aussi de « regrou per » sous un même chapitre les différentes questions relatives au vécu des habitants, que les médias, la justice et la police essaient de renvoyer dans le particularisme ou dans la rubrique des faits divers. il s’agit de transfor mer notre exigence de vivre dignement, en stratégie d’action politique durable et non plus au coup par coup.

C’est la volonté du MIB.