A l’occasion d’une discussion avec un ami, il m’a raconté (je vais déformer et je fais exprès de déformer d’ailleurs) une réunion « sans papiers » à laquelle il avait assisté, où s’était posée la question du « quoi faire » vu qu’un des individus présents se trouvait être vigile, et sans papiers donc. Cette situation soulève quelques questions.

D’abord la question du « pourquoi on soutient les sans papiers ». Si nous défendons les sans papiers, ce n’est pas par compassion humanitaire, parce que ce n’est pas juste, parce que c’est triste. Nous les défendons car nous combattons les frontières et les Nations, et les dispositifs de contrôle, d’humiliations et de répression qu’elles génèrent. De la même manière nous voulons la destruction des Centres de Rétention car nous n’accepton pas l’enfermement et la déportation. Nous combattons ainsi la répression à l’encontre DES sans papiers, et non pas contre certains sans papiers.

On a suffisamment combattu les utilitaires de gauche qui mettent en avant les sans papiers travailleurs, qui ont une famille, qui sont honnêtes, on a assez dit que le sans papier voleur, feignant, menteur, etc. méritait tout autant ses papiers (dans l’immédiat) et le droit à vivre où il veut (dans l’absolu). Mettre des mérites en jeu dans la question de la régularisation, c’est encore penser en terme de frontières, c’est encore penser qu’il faut mériter de vivre « ici ».

Or, si « feignant » ou « voleur », ça nous semble sympathiques au fond en tant que révoltés contre le travail et la marchandise, là se pose concrètement un cas qui nous rebute. Un vigile, ce n’est pas anodin. C’est quelqu’un qui réprime les pauvres, qui défend la marchandise contre sa juste distribution selon les besoins de chacun, c’est quelqu’un qui peut provoquer l’arrivée de la police ; voire c’est quelqu’un qui peut provoquer le contrôle d’unE individuE sans papiers. C’est une de ces « frontières mouvantes », de ces « frontières qui nous traversent », concepts développés très justement en ce moment.

Cependant, si l’on a pris parti de « défendre » (ce mot pose problème) LES sans papiers et non DES sans papiers*, on se retrouve bien dans le cas où l’on est d’accord pour défendre le droit à vivre où il le souhaitent tous les sans papiers, et dans l’immédiat aider tous les sans papiers à en obtenir ou tout du moins qu’on ne les opprime / réprime pas. Dans cette logique les outils de solidarité devraient être mis à disposition, également, à notre fameux sans papiers vigile.

Mais peut – on aider quelqu’un qui met en danger quotidiennement d’autres sans papiers, et qui globalement a comme profession de pratiquer la chasse aux pauvres ? Evidemment, c’est dur de trouver du taf, et comme pour les flics ou les militaires, on te dit « que y avait pas le choix ». Mais le monde est fait de conflits, entre oppressés et oppresseurs, entre exploités et exploiteurs, et effectivement il y a un moment où il faut faire des choix.

Si l’on considère qu’il y a une guerre sociale et qu’on en est partie prenante, quelle attitude adopter face à quelqu’un qui a un pied dans un camp, un pied dans l’autre ? J’ai bien peur que cela soit la même que face à un ouvrier fasciste, à un flic syndiqué à SUD, à un « anarchiste » machiste…

Les structures de solidarité entre exploités, tel que les collectifs auto organisés ou de soutien aux personne sans papiers ne me semblent humblement pas avoir pour but d’aider des oppresseurs, bien qu’ils soient eux mêmes oppressés à coté. Et un vigile « sympa » ne le restera que tant que vous n’aurez rien dans les poches. Comme tous les flics du quotidien, il fait son travail, et son travail nous étouffe.

Pour faire débat,

Un ennemi des frontières
(juin 09)

* De la même manière que lutter contre la répression n’est pas défendre certains réprimés qui auraient un CV plus respectables que d’autres…