Son témoignage, direct et sincère, évoque le solide mensonge qui a entouré cette immersion dans l’univers du nucléaire. « À l’époque, avoue-t-il avec émotion, nous étions fiers d’avoir participé à cette construction de la centrale. Avec le recul, je témoigne mais je ne pourrais pas revenir en arrière. Les moyens de sécurité n’ont pas été à la hauteur, le risque sous évalué… Depuis 1982, 50 % des gens ayant travaillé au contact de l’eau lourde sont décédés à moins de 65 ans. C’est terrible, mais pas reconnu. Les employés contaminés des centrales étaient de la viande à neutron. »

Au long du débat, terrible mais lucide, plane le danger, opaque et invisible, de l’atome. Tout comme « l’énorme mensonge » et la « loi du silence ». Sans oublier les fuites, radioactives ou financières.

Un débat qui en appelle d’autres…

Au fil de cette soirée très animée, de nombreuses interventions ont concerné les dangers encore trop méconnus de l’énergie nucléaire, l’incapacité à maîtriser les rejets et le déficit cruel d’informations, notamment de la part des autorités exploitantes. Brigitte Chevet, réalisatrice du film, reconnaît cependant avoir obtenu facilement l’autorisation de tourner et ne pas avoir subi de pression a posteriori. Michel Marzin, ancien directeur adjoint pense qu’il est plus sage d’attendre un siècle avant de déconstruire le réacteur, le cobalt, noyau de Brennilis, mettant trente ans à se désactiver de moitié.

« Par ailleurs, martèle-t-il, l’enquête publique, suite à l’arrêt de la déconstruction après de nombreuses négligences, sera un bon tremplin pour demander des vérités. Comme sur la pollution du lac au tritium, lors des rejets d’eau de refroidissement, qui ont contaminé les brochets. De plus, tout le bassin versant est touché, ainsi que des nappes phréatiques. C’est terrible, poursuit-il, mais j’ai vu une femme tripoter ces algues à mains nues, lors de prélèvements. Voire même mon responsable prendre des charges par imprudence. ».

Cet autre témoin, ancien militaire présent à Mururoa, témoigne : « C’est épouvantable, nous n’étions pas protégés, ni informés. Nous allions en short ramasser les déchets. Une dose, même très infime, ingérée suffit à condamner l’homme. Effrayant ! »

Le rapport de force, la confiance en la recherche qu’il faut financer, les énergies plus propres, l’omerta sur les mesures effectuées et le financement des laboratoires ont également été évoqués lors du débat qui en appelle d’autres.

Prochaines séances. Elliant, vendredi 14 novembre à la salle polyvalente (02 98 95 88 12) ; Moëlan
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En obtenant du Conseil d’Etat, le 6 juin dernier, l’annulation du décret autorisant EDF à effectuer le démantèlement complet de la centrale nucléaire de Brennilis, le Réseau « Sortir du nucléaire » avait bien précisé qu’il ne s’agissait pas seulement de pointer des infractions administratives commises par EDF, mais aussi (et surtout) de dénoncer un véritable tour de passe-passe : en « magnifiant » le chantier de Brennilis, EDF tente d’abuser l’opinion en lui laissant croire que le démantèlement d’un réacteur nucléaire ne pose pas de problèmes… et qu’il est donc justifié d’en construire de nouveaux (cf projet EPR à Flamanville dans la Manche).

Alors que le Réseau « Sortir du nucléaire » a d’ores et déjà pointé des problèmes importants [1] concernant le démantèlement de Brennilis, une inspection menée par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) vient confirmer que ce chantier se déroulait de façon tout à fait anormale. Cette inspection a été menée le 31 mai 2007, le compte-rendu est daté du 20 juin, mais ce n’est que ce mardi 10 juillet 2007 qu’il a été (discrètement) mis en ligne sur le site web de l’ASN [2]. On s’étonnera d’ailleurs que cette dernière n’ait pas donné plus de publicité aux graves problèmes mis à jour. Le Réseau « Sortir du nucléaire » s’en charge donc. En voici quelques exemples :

– une corrosion externe assez prononcée d’environ 20% des fûts de déchets radioactifs : les inspecteurs notent que « l’examen visuel des fûts de déchets radioactifs entreposés dans le local 154 de l’enceinte réacteur qui contiennent des déchets produits en 2004 et 2005 met en évidence qu’environ 20% des fûts présentent des signes de corrosion externe assez prononcée. « 

– De lourdes erreurs de décomptage des déchets nucléaires : « une incohérence complète (en termes de nombre de colis, de tonnage de déchets et d’activité des déchets nucléaires, des données de production, d’évacuation et des bilans d’entreposage) » pour l’année 2006

– Mais aussi : une « forte sous-évaluation, d’un facteur 30 à 200, de l’activité radiologique de certains déchets tritiés traités par CENTRACO » et « une expédition de déchets nucléaires pour laquelle les documents d’accompagnement ne correspondaient pas au colis envoyé ». Aucune de ces deux fautes « n’a fait l’objet ni d’une déclaration adaptée à l’ASN, par le biais des bilans semestriels notamment, ni d’une intégration appropriée dans le dispositif interne de gestion des non-conformités »

– Des déchets nucléaires stockés de façon à créer des risques d’incendie… alors que des brumisateurs sont hors-service : « la zone où sont regroupés les déchets nucléaires présentant des risques chimiques (piles, aérosols, batteries, acides,…) est trop proche de l’entreposage de déchets tritié ». De surcroît, « le brumisateur d’extinction d’incendie semble ne pas pouvoir arroser la zone n°100 où le risque d’ignition spontanée ne peut pourtant pas être écarté. » Encore pire : « le brumisateur d’extinction de la zone n°157 était hors service le jour de l’inspection. »

– EDF atteint même le ridicule lorsque les inspecteurs notent que « le local dédié à l’entreposage des déchets radioactifs amiantés est normalement fermé à clé (…) mais le local est directement accessible par le local adjacent dont l’issue externe est barrée par trois bandes de ruban adhésif. »

– D’une manière plus générale, « les inspecteurs ont relevé que les inventaires réguliers des entreposages de déchets radioactifs de l’enceinte réacteur méritaient d’être mieux tenus à jour, notamment pour veiller également à la cohérence de la gestion globale des charges calorifiques. »

– Enfin, diverses autres non-conformités ont été pointées concernant « les dossiers d’expédition de déchets radioactifs », mais aussi « la protection contre la foudre des conteneurs de déchets combustibles solides », ou « la gestion des déchets du chantier assainissement chimique des murs des locaux à risque mercure. »

Cette inspection menée par l’Autorité de sûreté nucléaire conforte donc largement les accusations portées par le Réseau « Sortir du nucléaire » concernant les opérations menées par EDF à Brennilis. Le démantèlement d’un réacteur nucléaire est une opération lourde, chère et dangereuse, qui ne saurait être menée à l’emporte-pièce.

L’affaire Brennilis n’est de toute évidence que le prélude à de très graves déconvenues lors du démantèlement du parc nucléaire d’EDF (environ 70 réacteurs, dont 58 encore en activité qui sont beaucoup plus gros que celui de Brennilis). Il faut prendre conscience que, contrairement à ce qui est hélas affirmé la plupart du temps, l’option nucléaire imposée en France est une très lourde erreur que les citoyens vont tôt ou tard payer très cher. Il convient donc, avant tout, de ne pas construire de nouveaux réacteurs pour ne pas perpétuer et démultiplier ce grave problème.

Réseau « Sortir du nucléaire » – Contact : 06.64.100.333