DANSE DE PEUR ! Le grand terrorisme d’Etat.

Hier j’ai eu cinquante ans. Aujourd’hui je reçois un coup de téléphone. Un organisme rattaché au ministère de la santé. Prévention du cancer du sein. « Vous avez cinquante ans », « les risques augmentent », « avez-vous des antécédents ? « , « ressentez-vous occasionnellement des douleurs ? « … etc. etc.

Ça y est, je danse de peur !

Qu’est-ce qui me terrifie pourtant ? Dans la balance, d’un côté évidemment, le risque effectif du cancer, pommadé d’un très malhonnête « on s’occupe de tout », « on lutte pour vous », « on fait quelque chose ». Un propos fard relayé par un « pauvre » convaincu. Faut-il le plaindre ? Un propos fard qui cache mal le fait que l’on vient faire chez vous, seulement la réparation d’un mal pour lequel on ne lutte pas en amont… ou bien toujours après coup !

De l’autre côté – personne n’est dupe j’espère – on observe des stratégies cognitives d’instauration du climat de crainte et l’application méthodique des mécanismes de la peur. Si l’on sait que la multiplication des cancers a des causes… – entre autres, alimentaires, industrielles, écologiques… donc économiques, psychologiques et politiques, sur lesquelles ceux qui sont sensés nous « diriger » n’agissent pas ou très peu – on comprend surtout que ces causes sont soumises à des intérêts eux-mêmes économiques et politiques, bien plus importants pour nos dirigeants que les risques cancérigènes de tel ou tel produit ingéré, respiré, consommé, ou utilisé par nos industries. On comprend aussi que le terrorisme psychologique est une arme tout à fait instituée qui vise bien plus à protéger les intérêts financiers et le pouvoir de domination de quelques-uns sur tous les autres, qu’à protéger nos corps contre la pandémie.

Entre le « on s’occupe de vous » et le « on a bien besoin de votre cancer », il existe en fait et de manière bien plus globale, dans tous les domaines de notre société, une dialectique de l’agitation et de la réification de corps tout à la fois paralysés par tant de tension et d’énergie déployées, qu’adeptes de ces stratégies de pseudo-activation participant plutôt à l’anéantissement progressif, physique et psychologique du peuple.

Ce bien triste tableau, peint de la main de nos dirigeants mais aussi mis en scène par ses médias et joué par ses ouailles, c’est une DANSE DE PEUR généralisée où le peuple manque et où les passions ont été soigneusement désactivées!

Mon cancer va bien, merci !

Cessons un instant de maintenir notre œil faux et inerte et notre conscience en état léthargique pour observer de front les traits du masque de la peur.

L’Etat instaure actuellement une véritable pédagogie de la terreur qui capte notre énergie jusqu’à nous anéantir voire annuler notre puissance d’existence. Au travers de « l’anecdote » du coup de fil pour la prévention du cancer du sein, on s’aperçoit que les stratégies mises en place sont partout de l’ordre du fichage (nom, âge, sexe, adresse, cordonnées téléphoniques, état du compte en banque, rythme de fréquentation des transports en commun, espionnage médical à la carte vitale, pistage Internet… et bientôt davantage avec les biométries et les nanotechnologies). Le tout toujours sous couvert du progrès et de l’espoir en des techniques nouvelles capables de mieux soigner, de mieux protéger, de mieux remédier à nos problèmes… Un discours qui maintient en fait en permanence à notre esprit, l’idée que la maladie nous pend au nez, que l’insécurité est partout, que les problèmes nous assaillent. Nous restons alors comme paralysés, cessons de bouger, pour ne pas dire d’exister, de peur que cette maladie, cette insécurité et ces problèmes remarquent notre présence. Ou bien au contraire nous nous fondons dans l’agitation tous azimut de nos villes, de nos usines et de nos temples de la consommation, de peur que nos comportements ne dégotent dans le paysage du grand flux, et que la menace nous rattrape et nous frappe. Nous suivons aveuglement la course sans voir que c’est tout autant faire le jeu de la soumission, de la domination, de la neutralité voire de la neutralisation! Et cette peur constante est aussi entretenue par ces technologies « bienfaisantes », cette fois mises au service de stratégies de surveillance, de mise en garde, de pression, de suspicion, de harcèlement publicitaire, télévisuel ou téléphonique… de contrôle voire de répression… et je vous passe le ton employé qui vise dans la même logique que le reste à vous faire peur… Et pas peur de pas grand-chose mais bien peur ici de la maladie, de l’autre… de la mort !

N’est-ce pas alors une forme de terrorisme ?

Pour mieux saisir à quel point la prévention du cancer du sein par téléphone le lendemain de vos cinquante ans n’est qu’un tout petit aspect du grand mécanisme du terrorisme d’Etat, dépassons notre cancer-qui-va-très-bien. Passons à la lutte contre le chômage appelé, lui aussi, « cancer de notre société ». L’ANPE n’est-elle pas l’école de la recherche d’emploi avec son lot de formations, de rendez-vous obligatoires, de stages, de recherche de postes adaptés à votre profil, de création d’espace candidat, d’aide à l’élaboration de projet professionnel, d’aide à la rédaction de CV pour apprendre à se présenter et à se vendre… ANPE : Agence Nationale de Prostitution Etatique ! Souriez, vous vous faites entuber !

Bref, l’ANPE en tant qu’école de la performance et de l’agitation, en maintenant la pression des rendez-vous, l’obligation de résultats au jeu que l’on sait très bien être celui de la chaise musicale, le contrôle paternaliste et humiliant des petits employés persuadés qu’ils n’y sont pour rien alors qu’ils participent comme tout le monde, qu’ils entretiennent et renforcent même ce système ; petits employés tout réjouis de ne pas se trouver à votre place, et heureux de pouvoir, là, l’espace d’un instant, assis plus haut que vous derrière leur bureau, exercer sur vous leur pouvoir de domination de « travailleurs » ; l’ANPE donc, en brandissant la menace de l’inacceptable « inactivité », de l’exclusion de la société (surtout d’ailleurs de la société de consommation qui les arrange) ne met-elle pas en place cette pédagogie de la terreur du chômage qui permet de faire accepter à chacun n’importe quelles conditions de travail, n’importe où, à n’importe quels horaires, pour n’importe quel salaire, avec n’importe quel patron, au service de n’importe quel profit, de n’importe quel état et de n’importe quelle politique?

Mon chômage va bien, merci !

Dépassons alors notre chômage-qui-va-très-bien. Passons à la question de la précarité. « Si vous ne trouvez pas de travail vous ne pourrez plus consommer ! « . Ah, quelle affreuse menace ! Et oui mon enfant que je n’arrive déjà plus à élever n’aura pas l’indispensable portable dernier cri à 300 euros qui se recharge en trois secondes pour une semaine, signe extérieur de richesse qui est aussi le signe édifiant du progrès. Il me détestera car le matériel est bien la seule chose qui lui importe et la seule chose que je peux lui apporter. Et que diront ses « copains » et les voisins si nous ne vivons pas « comme tout le monde » ? Je ne pourrai souscrire de crédits paralysants pour cinquante ans. Je n’aurai pas une plus belle maison et plus puissante voiture que le type d’à côté, alors que l’entretient du climat de jalousie généralisée reste le seul truc qui nous maintient debout ! Je ne serai pas la blonde décolorée à qui l’on fait avaler les rayons des supermarchés, ni le français moyen + qui se lobotomise devant son écran plat en tremblant à l’idée de sa maison à rembourser! Non je ne serai pas celui que l’on parvient à faire consommer ce dont spontanément il ne voudrait absolument pas… ni celui à qui l’on capte le temps de cerveau disponible dans un but économique et politique ! Pire, si chacun ne consomme pas au maximum, la croissance va baisser… le chômage alors augmentera et voilà ça pourra tomber sur moi… Ils le disent au JT !

Ça y est, je danse de peur ! Je préfère donc travailler ! Même n’importe où, n’importe quand et pour n’importe qui ! Je suis même prêt à recracher les discours de base des voisins et des puissants en disant que « les chômeurs sont des fainéants », « les parasites de l’économie », qu’ »ils profitent du système » bien plus c’est évident que nos exploitants, « que l’argent ne fait pas le bonheur, mais quand même… » !

Quelle horreur en effet ! Là encore, le consommateur s’impose cette chorégraphie de l’effroi ! L’agitation irraisonnée du grand supermarché du monde couplée à la paralysante menace d’y être exclu génère des corps qui dansent pour mieux cacher des esprits qui s’anéantissent ! La pression sociale instituée n’est-elle pas alors une forme de totalitarisme paralysant qui réduit notre pouvoir de liberté et d’existence singulière à un esclavage matérialiste et à une uniformisation des individus et de leur conscience? La menace de la précarité ne nous pousse-t-elle pas une fois de plus à accepter d’être au moins mal soignés, mal instruits, mal nourris, mal occupés, mal logés… mal… Surtout mal…

Ma précarité va très bien, merci ! Disons que mon potager et mes activités d’autogestion entretiennent autant la décroissance que mon art de vivre!

Dépassons alors notre précarité-qui-va-très-bien. Passons à la question du logement ! « Si vous ne trouvez pas de travail vous ne pourrez pas payer de loyer ! « . Les français ont peur de se retrouver à la rue apprend-on! Les médias s’empressent de nous en informer ! Du coup chacun se dit que devenir SDF constitue une véritable menace ! La télé, la radio et les journaux le disent et le répètent ! Les chiffres le disent aussi! Alors c’est vrai ?

Ça y est, ils dansent tous de peur ! On en rajoute : « Personne n’est à l’abri !  » (une expression pour le coup lourde de sens). « Les SDF meurent dans la rue » (ce qui en plus est vrai !). Ça y est, ça tremble dans les HLM, un peu moins dans les pavillons ! On fait semblant d’être concernés dans les beaux quartiers et dans les palais. La famille St Augustin Legrand monte le camp de la terreur ! Voilà où il ne faut absolument pas finir : la rue ! On en brandit allégrement la menace avec surtout l’orientation médiatique et politique que l’on souhaite lui donner… Sous entendu : « mieux vaut alors tout mettre dans le loyer ! Mieux vaut accepter les logements insalubres ou les quartiers éloignés, les flambées de loyers et de l’immobilier! Mieux vaut engraisser les propriétaires et les sociétés immobilières que de finir… à la rue ! « .

Et bien mon logement sans droit ni titre se porte bien, merci ! Je l’entretiens !

Dépassons alors nos logements-sans-droit-ni-titre-qui-se-portent-bien. Entretenons plutôt cette frayeur de la rue ! Passons à un sujet au combien plus sérieux : la violence urbaine et l’insécurité ! L’enfant des voisins à qui les parents n’ont pas pu ou voulu faire le sacrifice d’acheter le portable dernier cri faute de travail et d’argent, est sans surprise devenu délinquant ! Lui dit qu’il n’a pas supporté l’école de la concurrence et de la performance où trente cinq corps réifiés enregistrent l’histoire et les sciences orientées de l’humanité avant de les recracher. Il dit que là où certains vont à l’école pour leur enrichissement personnel, détendus car assurés d’un héritage professionnel, les enfants des quartiers eux y vont sous pression pour être endoctrinés et préparés à servir les premiers… ou bien l’armée ! Il dit qu’il n’a pas supporté non plus la pédagogie de la terreur de l’école de la République qui affirme avec autorité que sans ses seuls vrais diplômes, sans son seul vrai savoir et sa seule vraie discipline, on ne s’en sort pas ! Il demande d’où on veut le sortir et surtout où on veut l’emmener ? Depuis, tout le quartier (on n’est pas exactement du même arrondissement mais enfin… le monde est si petit !) danse de peur à l’idée que ses pubs se tagguent, ses vitrines volent et que ses voitures s’enflamment!

Le ministre de l’intérieur, relayé par les médias, se charge là encore de mettre en place une pédagogie de la terreur au travers de lois coercitives dites « prévention de la délinquance ». Cette pédagogie passe aussi par l’instauration de l’état d’urgence pour mieux trancher sans doute avec le peuple toujours médusé ; par la mise en scène de la violence sur nos écrans et le décompte des carcasses calcinées ; et ce, évidemment, sans analyse aucune et donc en entretenant l’incompréhension du sens, des actes et de ses buts, ce qui est la base de toute technique terroriste. De l’autre côté, on assiste à une application excessive de la loi. Actuellement on légifère et légifère encore dans les palais au point que les nouveaux décrets n’ont plus le temps d’être discutés, les tribunaux surchargés assurent lamentablement les défenses, et les audiences sont allègrement expédiées! Bref nous avons laissé se créer une société ultra coercitive pour les uns et ultra libérale pour les autres, et comme tout va très vite et danse autour de nous, biensûr nous restons comme figés ! Les chargés du maintient de la peur font donc en parallèle du terrorisme à la violence chez les bourgeois et du terrorisme à la justice chez les prolos : un terrorisme « pudiquement appelé « gestion de crise » ou bien « opération de maintien de l’ordre » ! « . En tout cas, tout le monde danse de peur !

Pendant ce temps, l’injustice et les inégalités se portent bien… Nos émeutes heureusement aussi ! Quant à la violence et à l’insécurité, on en a surtout peur quand on est du mauvais côté et il faudrait à un moment cesser de s’étonner que les cocottes minutes sous lesquelles on met le feu nous explose à la figure !

Dépassons alors nos-émeutes-qui-ne-se-sont-jamais-portées-aussi-bien. Passons à ceux qu’on dit en être à l’origine : la fameuse racaille ! Elle vient des quartiers bien entendu et est forcément cagoulée et d’origine immigrée ! Ce qui est faux… ou qui reste en tout cas une vision bien limitée de la révolte de cette jeunesse! Une vision sans doute de derrière le grand filtre du monde : le JT !

Nous, sommes encore assez français puisqu’ils le faut, blanc c’est sûr, souvent cagoulés… Nous connaissons la banlieue, y avons des amis qui ne sont pas venus nous chercher mais que nous sommes allés trouver, partout et depuis longtemps, toujours plus loin où on les repousse, dans les quartiers. Ils portent des cagoules comme d’autres portent leurs œillères…

Quand cette jeunesse ne vient pas déranger nos paisibles lieux de résidences, disons alors qu’elle constitue une menace de mauvaise fréquentation pour le fils du voisin qui n’a pas eu son portable et qui doit bien apprendre à s’en procurer un auprès de ceux qui en ont deux… Un fils de voisin qui n’a surtout rien et qui a décider de se servir chez ceux qui ont tout !

Le Pen et ses ouailles, dont la tranquillité et la priorité à la propriété est d’un coup menacée, se chargent alors d’entretenir le climat de haine nécessaire à la peur de l’autre en annonçant que le monde n’est pas si petit que ça finalement et que ceux qui viennent de loin doivent y retourner ; que là où sont concentrées 80% des richesses, il n’y a très logiquement de place que pour 20% de nos semblables. Les moins foncés…

L’ancien ministre de l’intérieur, qui est peut-être pire parce que plus sournois et plus pressé, organise les rafles de sans-papiers dans les cafés et à la sortie des écoles après avoir fait collaborer les directeurs d’établissements ! Des rafles auxquelles peu de gens réagissent puisque le terrorisme psychologique qui consiste, dans un énorme amalgame, à faire croire que l’autre (y compris l’enfant congolais, le grand-père chinois ou le travailleur malien de Monfort sur Meu) représente un danger pour la patrie, la nation, la sécurité, le logement… etc. ; ce terrorisme psychologique donc, a largement eu le temps d’opérer depuis trente ans que, faute d’agitation des esprits et de réelle réflexion politique, l’on a oublié de faire taire l’argumentaire de Jean-Marie. Exactement comme le système représentatif a souvent oublié d’en faire taire d’autres avant lui ! Et la double menace survient alors : « La France ça s’hérite ou ça se mérite !  » un terrorisme à l’exclusion et à la reconnaissance pour les immigrés, sous entendu « Soyez français ! « (ou mieux ne soyez pas !), ce qui veut rien dire de moins qu’il est interdit d’être différent dans ce pays ! Et puis menace fasciste pour les autres. En 2002 ça a été pour un peu plus de 80% des électeurs qui ont, pour la moitié au moins, encore une fois juste dansé de peur!

Le marché de la cagoule se porte bien merci ! Je lui trouve le mérite de ne pas gesticuler de peur mais de rage ! Le joli ballet de la révolte peut avoir son charme pour l’œil et l’esprit avertis !

Dépassons la cagoule-qui-se-porte-bien. Passons à son stade radical : le terrorisme ! Car c’est bien de ça dont-il s’agit au fond ! Biensûr ce thème n’est pas cette fois un thème de campagne. Remarquez, il en est déjà la méthode… De manière générale, disons qu’il est beaucoup moins présent en France depuis quelques temps. Tant mieux. Mais élargissons un peu nos consciences rétrécies – ces consciences que les puissants se sont donc chargées d’atrophier à l’idée de la nation et à celle des élections – et pensons aux Etats-Unis par exemple où le terrorisme a été un enjeu électoral autant que le moyen de légitimer une guerre dont on ne sait où, tous, elle va nous mener! Ce qui est intéressant à partir de là c’est de voir à quel point les gouvernements peuvent faire du terrorisme avec le terrorisme ! Là encore, et je ne défends absolument pas ici les actes auxquels je fais référence, même si je comprends comment on en est arrivé là – il faudrait critiqué les formes de terrorisme que représentent déjà les relations entre les états et en particulier la domination voire l’écrasement des Etats-Unis et des pays occidentaux sur le reste du monde, ainsi que celles des différentes religions qui en matière de maintien de la peur ne sont pas toute blanches non plus… Là encore donc, en matière de terrorisme, l’Etat et ses médias nous maintiennent allégrement dans l’incompréhension des actes et des buts, (ce qui, je le répète, est le propre des techniques terroristes) afin de nous contenir dans notre confort et notre besoin de sécurité. Qui, s’il n’a pas ouvert quelques médias indépendants, connaît vraiment l’histoire d’Israël et de la Palestine par exemple ? Qui oserait dire qu’il a reçu les clés de la part des médias officiels dont se contente la plupart des gens, pour comprendre ce qui se passe là-bas, au Moyen-Orient, ou bien en Tchétchénie, en Irak actuellement? En revanche, sans avoir la moindre information intéressante ou contradictoire à ce sujet, chacun reçoit de la part de ces mêmes médias officiels, les images télévisées des attentats, le nombre de mort, les gens en pleurs… Une information évidemment insuffisante et complètement orientée en fonction des intérêts économiques et politiques de nos pays. Une stratégie de communication bien rodée qui ne vise qu’une seule chose : votre DANSE DE PÉTRIFIÉS! Ajoutez à cela le renforcement régulier du plan Vigipirate histoire de nous faire comprendre qu’on est pas vraiment à l’abri non plus (sans toutefois nous expliquer pourquoi nous ne sommes pas à l’abri !), et voilà, objectif atteint : nous dansons tous de peur et d’impuissance!

Du cancer à la guerre et à l’attentat en passant par le chômage, les crédits, la rue, la violence, l’émeute… etc. etc., nous dansons tous de peur autour de la grande soupe terroriste servie par le gouvernement.

Mais des idées effectivement terroristes et fascistes qui se développent insidieusement dans ce pays (contrôle social, rafles, affirmation d’une prédestination génétique au crime, contrôle psychiatrique des insurgés, fichage ADN des émeutiers, racisme, homophobie, autoritarisme, atteinte à la liberté d’expression avec notamment l’interdiction de diffusion de certaines images contestataires sur le net, stratégies esclavagistes, hausse des budgets militaires, prolifération des armes « non létales » dans la police, style tazer et autres violences et bavures policières…) là, nous n’avons pas peur…

Nous avons bien moins peur aussi de ce que signifie pour le monde la répression des peuples de Oaxaca, celle au Chili, en Grèce ou aux Pays-Bas dont nous n’avons d’ailleurs même pas été informés… Moins peur du génocide au Darfour dont on commence à peine à parler (après-coup donc…comme pour le Rwanda) ! Moins peur de la destruction de la planète, du gaspillage et de l’épuisement des ressources… Moins peur des conséquences de la croissance et la pression que nous imposons aux pays du sud et qui les conduisent aux famines, aux guerres, aux pandémies que l’on sait… Moins peur de la non-répartition des richesses et du septuple remboursement de leur dette… Moins peur donc de la menace que nous et nos comportements représentons pour la moitié de la planète et les trois quarts des peuples… Moins peur des nouveaux réacteurs nucléaires, de nos ventes d’armes et de nos réserves pour 150 ans de mines anti-personnelles qui nous permettent de signer hypocritement le traité de non-prolifération… Moins peur de l’absence totale de discours concernant les orientations de la politique internationale dans la farce électorale… Moins peur de la désintégration du politique, de l’impérialisme économique et de l’état oligarchique… Moins peur de la pauvreté économique, intellectuelle et affective que l’on entretient ici, en occident aussi… Moins peur de la biométrie et des nanotechnologies qui menacent ouvertement l’humanité au moins autant qu’elles prétendent la sauver… Moins peur de notre anéantissement même… Oui, nous sommes bien moins inquiets de tous ces dangers qui sont pourtant des menaces réelles et insoutenables qui pourraient, elles, nous soulever ! Nous sommes bien moins alarmés par tout cela que par l’idée très limitée que l’on nous donne du danger : l’autre, l’action, le mouvement, le temps, l’avenir et même nous même!

Notre danse est une danse d’atterrés paradoxalement baignée dans une logique de course, de flux et de pression condensés dans un temps lui-même compacté. Notre agitation individualiste dirigée par nos instances étatiques cache mal la paralysie de masse! Le peuple est absent ! Le peuple manque ! Le peuple est nié ! L’organisation capitaliste du désir a totalement désactivé nos passions. L’entretien de la peur a hypostasié notre conscience collective autant que notre potentiel insurrectionnel ! Nous nous manquons à nous même !

Le terrorisme psychologique lui se porte très bien malheureusement ! Et il est institué ! Très largement institué ! L’ETAT EST TERRORISTE !

« Ne pas voter est dangereux pour la démocratie !  » un slogan d’une mairie « socialiste » écrit partout sur des affiches et jusqu’aux serviettes en papier des Restaurants Universitaires d’une fac de Bretagne dont, comble, ce sont les étudiants qui ont été accusés de « faire de la propagande radicale » voire « fasciste » lorsqu’ils ont osé réinterroger leur rapport à l’enseignement et au savoir et soumis leur réflexion à un processus au combien fasciste et propagandiste : non pas la serviette en papier mais le référendum (sic)! On essaie de nous faire croire que l’organisation, la réflexion collective et l’insurrection d’un peuple oppressé a à voir avec une menace terroriste ! On n’hésite pas à parler de menace fasciste dès que quelques étudiants bloquent des facs pour défendre leur droit ou faire entendre leur voix contre la privatisation des universités et la capitalisation du savoir. Dès que des employés exploités de toute part exercent comme il se doit leur droit de grève pour remettre en question notre rapport au travail! « Si on maintient le droit de grève tel qu’il est, vous ne pourrez pas aller travailler demain, vous ne pourrez pas étudier, les transports seront bloqués, votre patron pourra alors légalement vous virer car vous êtes employé en CNE ou autre contrat précaire, vous n’aurez pas vos diplômes sésames de l’exploitation, sans compter que c’est la porte ouverte à la menace fasciste des grévistes ! « .

Mais oui ! Ah, il faut bien nous créer des ennemis pour mieux justifier nos peurs !

Ça y’est ils dansent à la première menace de sanctions que représente le discours du ministre, le contrôle du patron et l’examen du professeur ! Ils dansent de peur au point de rejoindre les milices du « retour à la normale ». La normale… pour que rien ne change et que tout se maintienne !

En fait, personne n’est dupe. La grève représente un risque économique essentiellement pour les puissants et les intérêts de ceux qui les soutiennent ; et surtout, surtout, elle est le lieu d’irruption et de partage d’une pensée insurrectionnelle susceptible de mettre à mal le pouvoir établi reposant sur l’isolement et l’anesthésie générale! La grève inverse les procédés d’agitation et de réification ! Elle paralyse l’économie qui s’affole habituellement et soulève le peuple qu’on écrase ! Et pour sauvegarder son pouvoir et sa pensée dominante, l’Etat applique donc sa pédagogie de la terreur dans le but de maintenir l’état de latence permanent et afin de détruire toute opposition politique et sociale au gouvernement en place ! Toute personnes qui a un jour tenter de défendre ses droits sait que la liberté a des limites bien étroites et que la contestation n’est tolérée, même dans ce pays, que dans des mesures extrêmement encadrées qui ne menacent aucunement l’ordre établi auquel on nous impose de nous soumettre !

Il parait que la grève « prend en otage » ! Tiens donc ! N’est-ce pas plutôt nous qui sommes en permanence « coincés », pris en otage par le travail, le logement, les crédits, les examens, les pensées dominantes, les pressions et menaces de toute part… ? Des menaces d’exclusion, de licenciement, de surendettement, voire de répressions patronales ou policières à la moindre contestation… ?

Des menaces d’élections même !

« Ne pas voter est dangereux pour la démocratie !  » Le tout en reprenant les symboliques des messages de prévention des paquets de cigarettes du type : « Fumer tue », « Fumer provoque le cancer » ! Le CANCER ! Ça y est ! La boucle est bouclée ! On danse tous de peur. Les élections ne représentent plus l’espace de liberté et le pouvoir de décision du peuple mais constituent au contraire une menace… On ne s’en cache même plus… ça ne choque personne… et la moitié des français s’apprête à aller voter en tremblant!

Et là, je trouve qu’on a un sérieux problème.

N’est-ce pas incroyable d’abord que si peu de gens s’interrogent sur les conditions qui ont fait naître une telle situation et une telle facétie ? Sur les conditions qui ont permis à un seul individu d’incarner une telle peur et de prétendre tout de même au titre à gouverner! Et là, la réponse dépasse évidemment les clivages droite-gauche et leurs satellites ! La réponse est dans notre inertie et dans le soin que les puissants et les possédants mettent à nous maintenir dans cette état de léthargie voire de nullité ! Le clan Royal fait d’ailleurs exactement comme Le Pen, Sarkozy et les autres : la pédagogie de la terreur ! Lui fait du terrorisme à la menace fasciste ! Et oui, l’occasion est si belle ! « Si vous ne votez pas Ségolène, la France sera en danger ». Ou encore, François Hollande en soutien à sa compagne, brandissant dans ses meetings le traumatisme du 2I avril 2002 : « Votez utile »!

« Votez utile » !?????? Rendez vous compte où nous en sommes de notre soi-disant démocratie ! « Votez, ce sera toujours mieux que pire !  »

Ils nous pensent donc si peu exigeants ? Ils n’ont décidemment peur de rien… !

« Votez utile sinon la démocratie sera en danger ! « 

Mais ouvrez donc les yeux, notre démocratie court déjà son plus terrible danger ! SON PEUPLE EST ABSENT ! SON PEUPLE MANQUE LAMENTABLEMENT !

Notre système représentatif qui permet non pas à tous de nous exprimer (qui peut sérieusement prétendre cela ?) mais bien à n’importe qui (y compris les pires) de gouverner – qui permet aussi aux pires de les soutenir et de leur donner les rênes du pouvoir – ce système représentatif, on le sait pourtant depuis longtemps, a un grave problème avec la démocratie qu’il agite !

Ce mode de fonctionnement et de gouvernance qui, au nom de la majorité, entretient les inégalités, nie l’expression des singularités voire le droit à l’existence des minorités (et à un niveau global international) a aussi un véritable souci avec l’égalité et la fraternité qu’il brandit comme une part de sa devise.

Ce système qui entretient l’inertie, la non participation et l’endormissement politique pendant cinq ans pour crier très fort à quelques semaines des élections, a lui aussi un réel problème avec l’espace de participation qu’il prétend offrir!

Pire, un système qui, biensûr permet à un type comme Sarkozy de prétendre au titre à gouverner, mais qui surtout créer la situation d’agitation actuelle où la moitié de la population d’un coup, danse de peur face aux élections (qui sont sensées tout de même être LE, et malheureusement bien l’unique, moment de l’expression du peuple !), ce système a une définition bien limitée de la démocratie !

Bref, un peuple… ou une moitié de peuple qui n’a plus du tout le choix parce que l’autre moitié s’est créée les conditions idéales de gouvernance à coups de mesures anesthésiantes et réifiantes, et bien ce peuple trouve là un immense obstacle à l’indivisibilité de la République… une immense entrave aussi à ses libertés…

Les drapeaux peuvent bien s’agiter pour tenter de masquer le flottement de ce peuple absent ! Les hymnes malhonnêtement entonnées ne suffiront pas à réactiver les passions et les devises de Liberté et d’Egalité. Il faudra chanter d’autres chants !

La gauche et l’extrême gauche actuellement ne sont pas des contre-pouvoirs mais une rustine, une roue de secours, un bouclier, une prothèse, une béquille qui a juste besoin d’éclopés et qui cache très mal une masse complètement désarmée ! Et c’est bien ça qui est très inquiétant et sur lequel il faut agir ! La masse désarmée face au terrorisme d’Etat et à la menace fasciste ! Une société sans contre-pouvoir qui n’est donc rien d’autre qu’une dictature ! Une dictature de la peur ! Nous ou une partie de notre société sommes par cette peur dépossédés de tout : de la richesse économique, intellectuelle, affective… des choix et des orientations sociales, culturelles et politiques de ce pays… Des données qui sont autant d’armes nécessaires à la survie et à l’épanouissement de chacun. Nous sommes dépossédés jusque de nos colères et de notre capacité d’insurrection face à l’écrasement.

Et les candidats à l’élection ne sont vraiment pas le problème. Ils ne sont en effet que des symptômes ! Les symptômes d’une moitié de France qui n’a aucun intérêt à ce que ça change, qui n’aspire qu’à une société plus libérale et plus fasciste encore, et qui fait front à l’autre moitié qui tremble, qui a peur de perdre et qui a surtout peur de gagner !

Mon cancer vraiment va bien, merci ! Je ne danse que de rage et n’irai bien entendu pas voter !

Car maintenant nous saturons…

L’insurrection qui se profile possède une conception active du peuple ! Elle entend en réactiver les passions ! Elle entend qu’on ne parle plus en son nom ! Elle entend faire comprendre que nos actes, autant que notre inertie et notre démission, engagent collectivement mais aussi individuellement notre responsabilité !

Elle entend lutter contre la puissance glaçante des images médiatiques et de la farce politique. Contre la puissance stupéfiante du spectacle généralisé qui nous laisse comme gelés, figés… Contre la puissance malhonnête aussi des discours qui ne font que théoriser la révolte qui depuis longtemps devrait venir… des discours médusés…

Derrière la danse atterrée, le soulèvement menace ! Et le peuple, s’il prend son temps en déploie l’intensité !

Sans-peuple…
Les élections n’auront pas lieu !