La Ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, est également une modérée. Elle soutient elle aussi la doctrine de Ramon. Elle dit qu’ « il n’est pas possible que la vie à Gaza continue à être normale ». La vie à Gaza passe pour « normale » aux yeux de la ministre modérée – il semble qu’elle n’ait pas la moindre idée de la manière dont la vie s’y déroule – et l’arrêt des approvisionnements amènera la fin des Qassam. Les affamés, les assoiffés et les étranglés exerceront une pression et hop ! fini les Qassam !

Ces idées délirantes suscitent chez nous moins de débat que les propositions d’imposer le port du casque aux cyclistes. Tout se déroule dans la plus parfaite bienséance : l’un propose de couper le courant, un autre l’arrêt des fournitures de cigarettes et de parfums, personne ne manifeste son opposition, personne n’élève la voix – il ne reste plus qu’à entendre la position des conseillers juridiques, décider et exécuter. Avigdor Lieberman, Shaul Mofaz et Avi Dichter sont devenus inutiles : les modérés font le travail. Le discours israélien se fait intolérable. Ce qui est terrible, c’est qu’il ne s’agit plus des propositions de marginaux illuminés mais du centre. Comment dit la Droite, encore ? « Il n’y a pas de Palestiniens modérés ». Mais alors, il n’y a pas d’Israéliens modérés. Chez nous, le Centre est une extrême droite sous déguisement.

Or voilà que par un hasard diabolique, au moment même où cette incitation à perpétrer des crimes de guerre relève la tête, est publié le rapport de Human Rights Watch, une organisation américaine réputée, établissant la présence de preuves que des officiers de l’armée israélienne étaient responsables de crimes de guerre au cours de la guerre du Liban et qu’Israël a gravement violé le droit international en tuant sans discrimination des centaines de civils. Les propositions de Ramon et Livni préparent le rapport à venir. Lorsque le projet de Ramon aura été exécuté, on verra se renforcer les appels au boycott d’Israël et les appels à juger les responsables du prochain crime.

Il n’y a pas lieu de se lancer dans des arguties juridiques : porter délibérément atteinte à une population civile est un crime de guerre, et les 40 ans d’occupation de Gaza n’ont pas pris fin mais ont seulement changé de forme. Mais la voie suivie par Ramon n’est pas seulement contraire au droit et à la morale, elle est en outre vaine. Combien de temps encore continuerons-nous à croire que frapper une population la rend plus modérée ? 40 ans d’une expérience amère n’ont-ils pas suffi pour nous apprendre que c’est l’inverse est vrai ?

Une question encore : le sort de Gilad Shalit nous est-il plus cher que celui des enfants de Sderot ? Pourquoi est-il permis de mener des négociations avec le Hamas à propos de Shalit tandis que l’option de semblables négociations sur un cessez-le-feu avec le Hamas – seule voie permettant d’assurer la paix des enfants de Sderot – est considérée comme une hérésie ? Les parents à Sderot auraient dû être les premiers à appeler le gouvernement à parvenir à un cessez-le-feu, plutôt que d’exciter encore l’armée israélienne à attaquer Gaza pour réaliser les propositions démentes de Ramon.

Il vaut la peine de rappeler un instant la dernière coupure de courant à s’être produite chez nous. En juin 2006, la compagnie d’électricité a décidé de couper le courant durant quelques heures, quelques heures seulement. Quel émoi ! Les centrales téléphoniques avaient sauté à cause des appels à l’aide de ceux qui étaient bloqués dans des ascenseurs ; un habitant d’Ofakim qui était relié à un appareil d’assistance respiratoire avait été hospitalisé dans un état grave. Livni et Ramon sont-ils prêts à se représenter la portée d’une coupure de l’ « oxygène infrastructurel » pendant des jours et des semaines ?

Gideon Lévy

Seraient-ils prêts à en prendre la responsabilité, quand le monde s’exprimera et peut-être même agira ? Dans les prisons de La Haye se trouvent déjà des hommes d’état condamnés.

http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=2658