S’il existe un ordre qu’il faut résolument transgresser, c’est bien celui-là qui enjoint encore et toujours aux femmes de se taire et de ne pas dénoncer cela et ceux qui, non contents de les tuer, réclament le silence sur leurs agissements. Car c’est de cela qu’aujourd’hui meurent en France, en 2003, 6 femmes chaque mois, de ce silence qui comme un linceul les recouvrent et tait l’innommable : chacune d’elles meurt sous les coups de son compagnon ou conjoint légitime. Elles ont tous les âges, appartiennent à tous les milieux et leurs conjoints sont souvent des individus dont rien ne laisse supposer qu’ils tissent la trame de ce fascisme ordinaire dont les femmes continuent d’être les victimes parfois consentantes, tant elles ont intégré ces représentations et ces discours qui, dès l’enfance, les vouent au silence, à la patience, et à la discrétion en toutes circonstances. (…)

(…) Face à ce sinistre bilan, comment notre société réagit-elle ? Par l’indignation et la colère impuissante de celles qui crient qu’elles ne sont « ni putes, ni soumises » mais que la vie qui leur est faite n’est plus supportable. Mais aussi par le silence compassé d’une culture pour laquelle le seul mot de féminisme constitue encore une véritable atteinte à la tranquilité publique, ou pire encore par les reproches acerbes de beaux esprits pour lesquels la société française ferait tout simplement « fausse route » en condamnant les hommes à ressembler aux femmes, donc à laisser derrière eux ce qui ferait leur essence : une sexualité pulsionnelle et instinctive.

Thèse invraisemblable et régressive, pourtant dûment relayée il y a quelques semaines à peine par tous les médias. On n’ose imaginer ses dégâts sur une culture, la nôtre, dont le retard en matière d’égalité – réelle et non théorique – des droits des femmes et des hommes effraient tous nos voisins européens. Dans un éditorial récent du quotidien belge Le Soir, le chroniqueur Luc Delfosse écrit simplement ces mots à propos de la mort de Marie Trintignant : « Entre rouge désir et noir destin, il faudra bien qu’un jour l’homme cesse d’être un loup pour la femme. » (…)

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« Le ‘complot’ féministe », par Gisèle Halimi


«Fantine et le droit de se prostituer »
, par Catherine Albertini

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