Il a suffi pourtant que Sarkozy soit élu pour déclencher un mouvement de révolte, il a suffi aussi qu’il soit élu pour que ce mouvement à peine naissant soit réprimé, stigmatisé comme minoritaire, poussé par les « autonomes » et autres anars.

1000 arrestations entre le 6 et le 9 mai, des arrestations depuis aussi. Des condamnations pour du ferme à la pelle, des procès à venir, des personnes en détention provisoire à Fleury, à Fresnes et ailleurs. Pas de vrais procès, des comparutions immédiates avec des commis d’office la plupart du temps. Une justice expéditive qui se pose en défenseuse de la démocratie.

La démocratie, parlons-en.

Des perquisitions à Paris et ailleurs, dans des squats, des apparts. Des menaces, des intimidations, des coups. Le sentiment qu’une chape de plomb est tombée, que cela ne fait que commencer.

Nous ne contestons pas le résultat du vote mais ces conséquences.

Nous n’avons pas besoin d’attendre les réformes à venir pour sentir la répression qui nous touche déjà, pour nous révolter contre la France qui a voté Sarko, qui se croyait de droite, parfois même anti-conformiste et qui se réveillera un jour avec du sang sur les mains, des centaines de personnes, riches de leur vie, de leurs espoirs, de leurs liens, en prison.

Une France qui se réveillera fasciste, qui l’est déjà en son coeur, travaillé par le discours ambiant.

Il suffit d’écouter cette dame âgée qui le soir du 9 mai à St Michel, voyant plus d’une centaine de manifestants se faire embarquer sans autre raison que d’être là, dire « C’est Vichy ». Il suffit d’écouter les parents de gauche comme de droite avoir peur pour leurs mômes parce qu’il suffit de se rassembler pour finir la nuit au poste. Il suffit d’aller voir les ouvriers des hôpitaux en grève à Saint-Antoine, d’écouter les paroles des ouvriers d’EADS à Saint Nazaire… une rage aujourd’hui impuissante, qui monte.

Il suffit de voir les rues sous occupation policière où les sarkozistes triomphant sourient de la misère, de la petitesse de leurs choix et de leurs positions de « bon sens ».

Il suffit d’entendre qu’à RESF on se prépare pour durer, durant 5 ans, qu’on cachera les mômes, qu’on accueillera les familles, qu’on doit faire attention à ce qu’on dit au téléphone.

Il suffit de savoir que la brigade anti-terroriste s’attaque à la « mouvance autonome », ces révolté-e-s qu’on dénonce comme brutaux, sans réflexion, imprégné-e-s d’une logique de destruction gratuite.

Il suffit de connaître tous ces gens englobés par ce terme aussi imprécis qu’inexact : des bandes d’ami-e-s qui veulent vivre en accord avec leurs idées, élaborent un monde à eux, vaste, relié par l’amitié, l’attention et l’hospitalité, un monde qui existe en France et ailleurs.

Un monde en sursis.

Un monde qui n’attend que d’être peuplé par toutes celles et ceux, vieux ou jeunes, en marge ou intégrés qui ne veulent pas de ce que la France de Sarkozy nous prépare… Un petit monde où les amitiés durent, où générosité ne rime pas avec charité, où la solidarité est là, visible, sensible.

Un petit monde qui s’ennuie dans les AG revendicatives, qui cherche et se recherche, a peur de s’afficher vu la répression ambiante.

Un petit monde qui ne trouve pas les moyens de lutter contre le matraquage idéologique en cours, soutenu par tous les journaux.

Un petit monde peuplé de gens biens qui ne demandent qu’à mettre à bas cette France de la haine et du repli sur soi, cette France sarkoziste, qui charrie déjà l’odeur des cadavres qu’elle laissera derrière elle.

Des gens écrivent « vive la liberté ! ». Pour ceux qui l’usent, celle-ci est aussi en sursis. Battez-vous, battons-nous.

Lu sur : http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=81607