Bonjour,

Voici un détournement anarchiste de la Charte des artistes des Collectifs d’INTERFACE (Culture, art et squats). Plutôt que de chercher à être « représentatif » de l’ensemble des squats qui ne se retrouvent pas dans la charte INTERFACE, il constitue avant tout une prise de position antagoniste aux propositions de la Charte INTERFACE (que vous pouvez lire sur http://www.inter-face.net/charte.html) dans le but d’ouvrir un débat clair sur les enjeux politiques du squat.

La Charte INTERSQUAT de squatteureuses anarchistes est au niveau de la forme directement calquée sur celle d’INTERFACE. Chaque paragraphe est directement lié au paragraphe correspondant de la charte INTERFACE.

Vos critiques sont les bienvenues.

Ci-dessous, la Charte INTERSQUAT :

INTERSQUAT (Subversion, autogestion et squats)

> Pour une occupation de locaux non-agrée

> Une proposition de squatteureuses anarchistes.

Nous, squatteureuses logeant dans des squats anarchistes, qui avons investi sans droit ni titre des locaux laissés vacants par leurs propriétaires, avons conscience d’agir dans l’illégalité et souhaitons émettre des positions pour affirmer ce fait d’un point de vue politique.

C’est la propriété privée qui nous contraint à cette occupation de locaux. La conjoncture actuelle (en France, des milliers de personnes sans abri, dites « Sans Domicile Fixe », et par ailleurs des milliers de logements vides) est au service de la bourgeoisie, des possédants. Qu’on ne nous parle pas de « crise de logement », la norme sociale est celle de la propriété privée et ce n’est pas nouveau. Si les loyers sont inaccessibles à moins de bien vouloir loger dans 8m2 (et encore, ça dépend où), le problème politique serait le même si les loyers étaient « bon marché »: nous ne voyons pas pourquoi nous devrions donner de l’argent à des personnes qui en ont déjà beaucoup pour pouvoir nous loger. Ce serait plutôt aux propriétaires de plusieurs logements de donner leurs biens à ceux et celles qui n’en ont pas. Ou mieux, nous pourrions collectiviser les logements (et le reste) de façon à se les répartir égalitairement, en fonction des besoins de chacun-e et non en fonction d’un capital financier à fructifier. Cette situation nous contraint à cette « extrémité » (le squat, l’appropriation illégale de logements) pour pouvoir exister en tant qu’individus (ou collectifs, ou collectifs d’individus) qui veulent sortir de l’atomisation et de la soumission imposées par le système travail-famille-patrie tendance « démocratique ».

Même si notre action nous vaut des poursuites judiciaires, nous la considérons légitime puisque nous n’accordons aucune validité à une Justice dont les lois sont systématiquement au service des classes possédantes, du pouvoir, et qui bien sûr privilégie le droit de propriété par rapport au droit au logement. Les lieux que nous occupons peuvent être innovants en termes d’action créative et sociale, ou non. Ils sont toujours une critique en actes de la propriété privée et c’est la raison principale d’être solidaires avec les squats, avec tous les squats qui ne cherchent pas à se faire bien voir comparativement à d’autres (entendez, ces squats qui cherchent à se faire reconnaître et légaliser par les « pouvoirs publics », les institutions, en oubliant que ce faisant ils activent ou réactivent une séparation réactionnaire entre bons squats « utiles socialement » et mauvais squats « dangereux pour la paix sociale »).

L’idée ici est que le squat est une pratique qui va à l’encontre de la paix sociale en ce sens qu’elle apporte une remise en question radicale de la sacro-sainte propriété privée. Nous ne cherchons pas à être reconnu-e-s en tant qu’acteurs et actrices manifestes de la vie culturelle française, ni par les institutions ni par la presse. Nous cherchons à bouleverser les rapports sociaux actuels, notamment par une pratique généralisée de l’autogestion. Si nous pouvons être une source de création hybride ou encore une force d’animation culturelle fortement impliquée dans la vie d’un quartier, nous le sommes dans cette perspective. Nous ne nous targuerons pas d’être un vivier de talents et de compétences. Les savoirs doivent circuler, être partagés, c’est ainsi que nous mettons en avant d’éventuels savoir-faire. Nous ne nous mettons pas en spectacle. Nos squats ne sont pas une chance d’insertion pour des artistes encore non reconnu-e-s. Ils sont plutôt une chance de désinsertion, même partielle, d’un système de concurrence et de mérite.

Notre désir le plus vif et le plus affirmé est de ne pas travailler à la conservation de ce monde. La mise en place d’accords contractuels qui permettraient l’utilisation temporaire des locaux inoccupés tout en s’engageant au respect d’une charte de comportement et d’action et en offrant des contreparties à notre présence dans les lieux ne nous intéresse pas. Nous ne voulons pas négocier avec nos exploiteurs. Ceux-ci ont tout le pouvoir et nous savons que négocier avec eux, c’est abdiquer.

La Charte de squatteureuses anarchistes est un gage de notre volonté à n’engager aucun dialogue avec les autorités mais plutôt à réfléchir et agir autour de la (re)mise en question de la propriété privée.

Charte de squatteureuses anarchistes:

Nous, des squatteureuses anarchistes, nous nous engageons :

– A ne rendre aucun compte aux propriétaires des locaux que nous occupons et à ne leur faire part de nos activités, de nos projets et de nos objectifs qu’au cas où les propriétaires en question trahiraient leur statut de « propriétaires » (par exemple en cédant gratuitement leur bien inutilisé jusqu’alors) ;

– A établir entre squatteureuses un dialogue constructif sur les conditions de l’occupation des locaux afin de formaliser l’occupation autogérée des lieux et d’éviter toute prise de pouvoir d’un individu sur le reste du collectif ;

– A ne pas signer de contrat de confiance précisant nos engagements vis-à-vis des propriétaires (à moins que ce soit dans la volonté délibérée de ne pas en respecter les termes, notamment en ce qui concerne les dates de départ des lieux, l’entretien des bâtiments ou la possibilité de visite des espaces par d’éventuels acquéreurs) ;

– A entretenir les locaux en fonction des désirs du collectif investi dans le squat, surtout pas en fonction d’une instance extérieure et prétendument supérieure comme par exemple des propriétaires ;

– A ne jamais proposer des contreparties telles que, par exemple, le gardiennage des lieux, la mise en œuvre de travaux de restauration, le suivi de la sécurité, le dédommagement sous forme de dons d’œuvres d’art ou la communication médiatique sur le rôle de mécène joué par les propriétaires vis-à-vis des artistes (rôle évidemment impossible à envisager) ;

– A respecter le voisinage, dans la mesure où celui-ci n’est pas hostile à notre présence (comme cela peut être le cas dans certains quartiers bourgeois, pour lesquels la propriété privée est inattaquable, sous aucun prétexte), à ne pas particulièrement rechercher la conservation de la paix sociale mais à faire bénéficier les habitant-e-s du quartier de la création de cet espace autonome par des pratiques et des réflexions collectives, communes et contagieuses…

C’est dans un esprit constructif et révolutionnaire que nous engageons cette démarche, mesurant son caractère novateur et fondateur d’une relation nouvelle à établir entre les occupant-e-s d’espaces et leurs propriétaires.

Nous souhaitons affirmer l’illégalité de notre action et montrer notre désir d’inventer de nouvelles relations, de nouveaux rapports sociaux, abolissant simultanément la propriété privée et toutes formes de hiérarchie sociale.

Au delà de la simple soumission aux règles du jeu capitaliste habituellement mise en œuvre, nous souhaitons faire valoir la logique de la réappropriation collective sans condition des bâtiments vides. Seule la multiplication des occupations à travers le monde et du refus de payer un loyer peut permettre aux squatteureuses d’être entendu-e-s et d’entrer dans un rapport de force avec les propriétaires et les autorités plus favorable que celui dans lequel nous sommes actuellement.

Notre ambition est qu’il n’y ait plus de propriétaires ni de squats, que les logements (et le reste) ne soient plus entre les mains de propriétaires lointains mais mis en commun en fonction des besoins de chacun-e. Ces propositions se retrouvent dans le développement de nouveaux types de rapports sociaux dans lesquels autogestion et entraide seraient des valeurs fondatrices et essentielles d’une société révolutionnée.

Signé : Des squatteureuses anarchistes d’un peu partout et d’ailleurs…

Liste des premier-e-s signataires de la Charte des squatteureuses anarchistes

Catherine Océroce, Alexandre Des Glizebrulé, Marcel Mauve, Nathalie Jaque, Julien Boulanger, Maria Pia Nodebou, Aurélie de la Galère, Sophie Smeu, Alex Térieur, Nicolas De Blé, Julien Carotte, Thibaud Druche, Jean Merde, Franck Ivainsan, Pascale Aury, Frédérique Hunter, Brigitte Rural, François Passage, Noumory Jainon, Pierre Haitebresse, Thierry Dicule, Eric Tanuit, Denis Héduculte, Matar Topaume, Eric Ymartine, Dominique Vadur, Lauriane Piedebiche, Luis Hiémord, Nicolas Nibiaire, Jérôme Frèzeux, Sandrine Auffaringite, Dominique Roshto, Bernard Poulet, Caroline Puzzle, Hedi Barclé, Chrystelle Hécassé, Ambrina Tandérien, Valérie de Huy-Coude, Marc Sentable, Henri Schroeder, Olivier de Besanceneaux, Annie Stansmith, Jean Starsky, Jocelin Eheutch, Delphine Irajamé, Felipe Rhsimpa, Didier Biciclétet, Monika Rioting

> Liste mise à jour le : 11 août 2003

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> Si vous souhaitez ajouter votre nom à la liste ci-dessus et devenir signataire de la Charte, merci de trouver des noms plus rigolos que ceux-ci et d’envoyer un e-mail à l’adresse suivante : charte@no-log.org

> Si vous souhaitez adhérer à INTERSQUAT (c’est gratuit), pour soutenir son action ou pour participer activement à son entreprise de démolition de la propriété privée, vous pouvez toujours vous curer le nez et ouvrir un, deux, trois, plein de squats !

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INTERSQUAT

Subversion, autogestion et squats

Un peu partout, et ailleurs aussi.

charte@no-log.org