Bolivie: ne dites pas «coup d’État»
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Themes: FascismeImpérialisme
Depuis la prise de fonction d’Evo Morales, la Bolivie a vu son taux de pauvreté chuter de 60 % à 35 %, son taux d’extrême pauvreté baisser de 35 % à 15 %, son salaire minimum être multiplié par 7 (en parité de pouvoir d’achat) et son PIB pratiquement doublé, selon les chiffres du FMI. Avec un tel bilan, on pouvait s’attendre à ce qu’il soit réélu haut la main.
Sans fraudes électorales constatées, Evo Morales a effectivement remporté les élections du 20 octobre par plus de dix points d’écart et avec plus de 40 % des voix (47,6%), réunissant ainsi les deux conditions nécessaires pour être élu dès le premier tour.
Les choses ne se sont pourtant pas passées comme prévu. Conformément à ce qu’il avait promis de faire en cas de défaite, le principal opposant Carlos Mesa a refusé de reconnaître les résultats, avant de crier à la fraude électorale et d’appeler à un soulèvement populaire. Ses soutiens se sont mobilisés dans la rue, en particulier dans la capitale, bastion de l’opposition savamment entretenu par les administrations américaines depuis 2010. Des élus du MAS (parti de Morales) ont été kidnappés et torturés, le président de la majorité au parlement a été contraint de démissionner après l’enlèvement de son frère, la maison de la sœur de Morales a été incendiée, tout comme de nombreux bâtiments publics.
Evo Morales, qui devait rester en fonction jusqu’en janvier quelques soient le résultat des élections, a accepté d’organiser un nouveau scrutin. Insuffisant pour l’armée et la police, qui l’ont forcé à démissionner (ainsi que son vice-président) avant de le traquer dans sa ville natale en vue de l’emprisonner, sur ordre de l’opposant chrétien intégriste, ouvertement raciste et multimillionnaire Luis Camacho. Après la démission de Morales, l’armée a arrêté le président et vice-président de la commission en charge des élections, les faisant défiler en direct à la télévision sous la garde d’hommes armés et masqués. Une vingtaine de membres du gouvernement se sont réfugiés à l’ambassade du Mexique par peur pour leurs vies.
Si ces faits troublants ne suffisaient pas à caractériser les évènements, l’armée a imposé un couvre-feu avec ordre de réprimer les manifestants pro-Morales, la maison de Morales a été vandalisée par des milices d’extrême droite, l’arméea découpé le drapeau indigène figurant sur ses uniformes, les militants d’extrême droite ont brulé ces mêmes drapeaux (une insulte particulièrement violente pour les 65 % d’indigènes qui composent la population, alors qu’il s’agit d’un des deux drapeaux officiels de la nation). Luis Camacho, lié à l’industrie gazière et aux réseaux néo-fascistes, est entré dans le parlement désert pour apposer une bible sur le drapeau bolivien en proclamant « la Bolivie appartient au Christ » (la Bolivie était laïque depuis 2009). Des policiers ont menacé de mort les indigènes devant les caméras. La violence a explosé un peu partout dans le pays. L’armée et la police auraient tiré sur la foule venue protester contre le coup d’État, faisant potentiellement des dizaines de morts.
Profitant du chaos, la sénatrice issue de l’extrême droite chrétienne Jeanine Anez vient de se déclarer présidente de la Bolivie, en l’absence de la majorité parlementaire (pourtant acquise à Morales) nécessaire pour le faire, et après que les quatre autres personnages d’État en ligne pour la succession aient été contraints de démissionner par peur pour leurs vies. La sénatrice en question a pris possession des institutions en portant une bible géante dans les bras, et en célébrant le fait que « la bible retourne enfin au palais présidentiel ». En 2013 elle déclarait sur Twitter « je rêve d’une Bolivie libérée des rites sataniques indigènes, les Indiens n’ont pas leur place dans la ville, qu’ils retournent sur les hauts plateaux ou au chaco ». Elle est la tante d’un narcotrafiquant arrêté au Brésil en 2017 avec une demi-tonne de cocaïne.
Malgré cette avalanche de faits, les médias occidentaux ont été incapables de nommer les évènements pour ce qu’ils sont : un cas d’école de coup d’État.Aux USA, les titres tournent parfois au comique, comme celui de Bloomberg News qui donne la définition d’un putsch sans employer le terme (« Morales démissionne après que l’armée lui ait demandé de partir »), tandis que le New York Times se réjouit ouvertement de la tournure des évènements après avoir titré “Morales se retire suite à une élection contestée“.
En France, Le Monde titre « Après trois semaines de contestation, le président bolivien Evo Morales annonce sa démission », laissant penser à un printemps arabe en Amérique du Sud, tandis que Médiapart estime Morales « victime de ses contradictions et de son succès ». Peu importe les 3 morts et 397 blessés relevés par Le Monde, la nature fasciste des putschistes pointée du doigt par Médiapart, les maisons de ministres incendiées et l’ambassade du Vénézuéla envahie par des milices fascistes armées de dynamite (selon Le Monde) ou lesdizaines de milliers de manifestants réunis dans les rues pour dénoncer le coup d’État.
Le fait qu’un gouvernement socialiste d’une république laïque disposant des plus grandes réserves mondiales de lithium (métal indispensable à la transition énergétique), souhaitant nationaliser ses ressources naturelles se fasse renverser par un multimillionnaire fondamentaliste chrétien, raciste et présenté comme “le Bolsonaro bolivien” ne semble émouvoir personne. Ce sont pourtant les mêmes forces fascistes qui ont mis Bolsonaro au pouvoir au Brésil, menaçant la survie de l’Amazonie (et de notre civilisation), ou Trump aux USA, élu grâce à la mobilisation des évangélistes les plus radicaux (et qui, depuis, soutient que le réchauffement climatique est un complot, subventionne le charbon et augmente les seuils de rejet de gaz à effet de serre autorisés pour les voitures et l’industrie gazière).
Comment expliquer que nos médias refusent de voir ce qui se passe en Bolivie, et refusent de le nommer ?
Pour le comprendre, il faut revenir sur les allégations de fraude électorale. Comme le détaille l’hebdomadaire américain The Nation, le soir de l’élection, comme le veut l’usage, le gouvernement publie consécutivement deux types de résultats : les estimations provisoires et non officielles, qui évoluent au rythme des dépouillements, et les résultats officiels et définitifs. En début de soirée, les chiffres provisoires donnent Morales en tête, mais avec une marge insuffisante pour éviter un second tour. Cependant, les marges augmentent progressivement au fur et à mesure que parviennent les résultats des campagnes, qui votent majoritairement Morales. Les mêmes phénomènes s’observent en France le soir des élections (le résultat du FN tend à baisser lorsque les bureaux des grandes villes, qui restent ouverts plus longtemps, procèdent au dépouillement) et aux USA où (par exemple) Trump était d’abord annoncé perdant en Floride avant que les résultats provenant des campagnes le fassent passer devant Hillary Clinton.
En Bolivie, le gouvernement a suspendu le décompte provisoire lorsque 80 % des bulletins de vote avaient été dépouillés, avant de basculer peu de temps après vers le décompte officiel. Entre temps, Morales avait acquis un avantage décisif, laissant l’impression que les résultats avaient été truqués, alors que l’augmentation de l’écart était conforme à la tendance, comme l’explique le Center for Economic and Policy Research (CEPR, basé à Washington). Les résultats finaux sont également conformes aux sondages.
C’est pourtant sur la base de cet écart, purement technique et absolument prévisible, que l’opposition a crié à la fraude. Rappelons que son principal leader avait annoncé avant l’élection qu’il ne reconnaîtrait les résultats que s’il gagnait. Mais les dirigeants américains ont rapidement emboîté le pas, évoquant des fraudes dès le lendemain via Twitter, avant que l’OAS, une ONG d’observation des élections financée à 60 % par les États-Unis et basée à Washington, publie un communiqué alléguant des irrégularités, sans en fournir la moindre preuve et sur l’unique base de l’écart technique mentionné plus haut. Ces soupçons de fraudes évoqués par l’OAS, que la plupart des journalistes traitent comme un organisme indépendant malgré son implication dans le coup en Haïti, et l’aveu d’Hillary Clinton dans ses mémoires où elle affirme avoir instrumentalisé cette organisation en Honduras en 2009, sont venus alimenter le récit médiatique et les manifestations anti-Morales. [1]
L’autre argument utilisé par les médias occidentaux et l’opposition est le fait que Morales briguait un quatrième mandat, alors qu’il avait perdu le référendum de 2016 censé l’autoriser à le faire. Sauf que le résultat du référendum (entaché de fraudes selon Morales) a été annulé par la Cour Suprême du pays. On peut regretter une telle décision, certainement politiquement motivée et malvenue, mais en France le Conseil constitutionnel annule souvent des lois (comme la fameuse taxe de 75 % sur les revenus supérieurs à un million d’euros sur laquelle Hollande avait été élu). L’UE a une longue tradition de non-respect des référendums, tandis qu’aux USA, la Cour Suprême va souvent à l’encontre des votes du Congrès et des choix démocratiques des citoyens (elle a même installé Georges W. Bush au pouvoir en refusant de recompter les voix qui, on le découvrira plus tard, le donnaient perdant en Floride). En quoi la justice bolivienne serait-elle plus illégitime que la nôtre ? Pourquoi, au maximum ne pas se contenter d’une nouvelle élection comme l’a proposé Morales, ou au minimum le laisser libre après sa démission ? Il suffirait désormais qu’un gouvernement ne respecte pas un référundum (par décision de la Cour suprême) pour justifier un coup d’État militaire ?
Certes, Evo Morales ne faisait pas l’unanimité dans son pays (quel dirigeant peut y prétendre ?), mais il restait soutenu par la majorité de la population (comme le reconnaît Médiapart), alors que son opposition vient aussi de la gauche et des indigènes, qui lui reprochent d’avoir trop servi les intérêts des industries extractives contre ceux des paysans indigènes. [2]
L’implication des USA semble (pour l’instant) se limiter à des tweets de soutien avant et après le putsch, tandis que la Maison-Blanche a publié un communiqué “applaudissant la restauration de la démocratie” tout en menaçant directement le Nicaragua et le Vénézuéla d’être les prochains sur la liste.
Depuis ce coup d’État, la Bolivie est au bord de la guerre civile, alors que l’extrême droite évangéliste s’empare du pouvoir et menace la vie des indigènes [3].
Après avoir applaudi l’emprisonnement de Lula au Brésil, les médias occidentaux ont découvert avec horreur que Bolsonaro encourage les incendies en Amazonie, menaçant la survie de l’humanité. Bolsonaro vient de créer un nouveau parti fasciste qui valorise avant tout la bible et sa personne. Les révélations du journal d’investigation The Intercept ont confirmé la nature du coup d’État judiciaire contre Lula, libéré de prison en conséquence. Mais pour l’Amazonie, il est peut-être trop tard.
L’histoire se répète en Bolivie, et nos principaux médias reproduisent les mêmes bêtises de manière caricaturale, aggravant la crise de confiance qui les touche alors que le peuple bolivien proteste contre le putsch et que le corps enseignant se mobilise déjà en masse contre le coup d’État.
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Notes :
[1] : Pour le détail technique sur l’orchestration des soupçons de fraudes, lire The Nation https://www.nytimes.com/2019/10/23/world/americas/boliva-election-protests.html
[2] : The Intercept : https://theintercept.com/2019/11/13/bolivia-and-brazil-at-the-crossroads/
[3] The nation : https://www.thenation.com/article/bolivia-morales-whipala/
https://blogs.mediapart.fr/lonesome-cowboy/blog/141119/bolivie-ne-dites-pas-coup-detat
Coup d’État militaire contre un gouvernement populaire? Rébellion de la société contre un régime tenté par l’autoritarisme? La chute d’Evo Morales, que personne – pas même ses adversaires – n’aurait imaginé il y a à peine trois semaines, mérite mieux que des clichés idéologiques en roue libre.
https://blogs.mediapart.fr/pablo-stefanoni/blog/141119/bolivie-comment-evo-est-tombe
c clair; la mauvaise foi n’arrange pas trop les causes relativement défendables en elles-mêmes ; morales a fait exactement ce que ses adversaires pouvaient rêver ; au lieu d’une réélection au second tour il a voulu un plébiscite ; très gaullien, et le voilà en slip et surtout le pays en guerre civile ; malin… ; où comment se prendre soi même à l’illusion politique
C’est sans doute un effet collatéral de la passion de la gauche contemporaine pour les élections, mais il semble qu’on ait oublié la formule de Mao : « le pouvoir est au bout du fusil ». La naïveté devant la cruauté du monde mène rarement au succès, et le désarmement unilatéral est une forme d’immolation volontaire.
La République espagnole croyait à la démocratie parlementaire, et Franco a instauré sa dictature. Salvador Allende croyait à la démocratie parlementaire, et on a eu Pinochet. Evo Morales croyait à la démocratie parlementaire, et un coup d’État l’a chassé du pouvoir. Illustrations parmi tant d’autres d’une loi de l’histoire : face à des loups, ne jamais faire l’agneau. Comme les expériences précédentes, celle de Morales n’était pas sans défauts, mais elle était prometteuse. Aucun gouvernement latino-américain, dans la période récente, n’avait obtenu de tels résultats : forte croissance, redistribution des richesses, recul spectaculaire de la pauvreté. La Bolivie est le pays d’Amérique latine qui a la plus faible proportion d’illettrés après Cuba et le Venezuela. Or ces avancées sociales, fondées sur la nationalisation des compagnies gazières, sont précisément ce qui a scellé le sort d’Evo Morales. Un président indigène qui travaille pour les humbles, voilà le scandale auquel il fallait mettre un terme. Assoiffée de vengeance, la bourgeoisie bolivienne a réussi à interrompre une expérience progressiste soutenue par les couches populaires.
Ce triomphe provisoire de la réaction suscite évidemment des questions redoutables. Comment le gouvernement légal de ce pays a-t-il pu subir, en toute impunité, l’incendie des maisons de ses propres ministres ? Comment le président élu de cet Etat souverain a-t-il dû quitter le pays, visiblement sous la menace ? Malheureusement, la réponse saute aux yeux : cette humiliation du pouvoir légitime par les bandes factieuses n’a été possible que parce qu’il était désarmé. Les chefs de la police et de l’armée boliviennes, dûment formés à « l’Ecole des Amériques », ont trahi le président socialiste. Ils ont cautionné le coup d’État perpétré par la sénatrice d’un petit parti d’extrême droite qui s’est auto-proclamée présidente, brandissant une Bible de dix kilos, devant une assemblée sans quorum ! Le président légitime Evo Morales a préféré l’exil à l’effusion de sang, et ce choix est respectable. Mais il ne dispense pas d’une réflexion sur les conditions de l’exercice du pouvoir lorsqu’on entend changer la société.
Le contraste avec le Venezuela est frappant. Tenté à Caracas, le même scénario a échoué lamentablement. Malgré la crise économique qui frappe le pays, l’armée vénézuélienne a résisté aux menaces et aux tentatives de corruption inouïes en provenance de Washington. Cette fidélité de l’appareil militaire à la République bolivarienne est le mur qu’elle dresse contre les menées impérialistes. Mais elle n’est pas le fruit du hasard : militaire chevronné, Chavez a tout fait pour rallier l’armée, et Maduro a retenu la leçon. Le patriotisme anti-impérialiste est le ciment idéologique de la révolution bolivarienne. Appuyée par une milice populaire d’un million de membres, cette force armée éduquée aux valeurs progressistes protège la République. C’est pourquoi la bourgeoisie inféodée à Washington a tenté d’assassiner Maduro, après avoir voulu le renverser lors d’une tentative de putsch grand-guignolesque.
Pour parvenir à ses fins en politique, disait Machiavel, il faut être à la fois « lion et renard », faire usage de la force et de la ruse en fonction des circonstances. Mais pour faire usage de la force, encore faut-il en avoir. Aussi positive soit-elle pour la majorité de la population, une politique progressiste suscite toujours la haine recuite des possédants. Cette haine de classe, véritable passion triste des privilégiés cramponnés à leur prébendes, ne tarira jamais. Il faut le savoir, et se donner les moyens de l’empêcher de nuire. Dans les conditions effectives du combat politique, ce qui détermine l’issue finale n’est pas la pureté des intentions, mais le rapport de forces. Face à la coalition de la bourgeoisie locale et de l’impérialisme, les progressistes n’ont pas le choix des armes : il faut qu’ils les prennent, l’idéal étant évidemment de ne pas avoir à s’en servir, en comptant sur la faible propension de l’adversaire au suicide héroïque. Pour exercer cet effet dissuasif, il faut avoir des milliers de volontaires lourdement armés et prêts à défendre la révolution au péril de leur vie.
C’est sans doute un effet collatéral de la passion de la gauche contemporaine pour les élections, mais il semble qu’on ait oublié la formule de Mao : « le pouvoir est au bout du fusil ». La naïveté devant la cruauté du monde mène rarement au succès, et le désarmement unilatéral est une forme d’immolation volontaire. On a sa conscience pour soi puisqu’on rejette la violence, mais cette noble attitude a pour inconvénient de réduire considérablement son espérance de vie. Si l’on veut inscrire son action dans les faits, et rester en vie pour y parvenir, il vaut mieux renoncer à la « vision morale du monde », comme disait Hegel, et regarder la réalité en face. Le pacifisme dissuade rarement la bête féroce, et il n’y a pas de bête plus féroce que cette bête humaine qu’est la classe dominante ébranlée dans son assise matérielle, minée par la trouille de perdre ses avantages, et prête à tout ensevelir pour échapper au tribunal de l’histoire.
Sans armes, le peuple sera toujours vaincu, et ce n’est pas un hasard si les seules expériences révolutionnaires ayant abouti à une transformation effective de la société ont doublé l’outil politique d’un outil militaire. On peut toujours discuter de la nature et des limites de cette transformation. Mais si la Révolution française a mobilisé les soldats de l’An II, Si Toussaint Louverture, qui a conduit la première insurrection victorieuse d’esclaves noirs aux colonies, était d’abord un général de la Révolution, si la Révolution russe a créé l’Armée rouge, qui a vaincu les Blancs soutenus par quatorze nations impérialistes, puis les hordes hitlériennes à l’issue d’un combat titanesque, si la Révolution chinoise doit son succès en 1949 aux victoires militaires de Zhu De autant qu’aux idées de Mao, si la République socialiste du Vietnam a fini par vaincre l’appareil militaire des Etats-Unis, si le socialisme cubain doit sa survie à la victoire inaugurale contre l’impérialisme remportée en 1961 à la Baie des Cochons, c’est qu’il y a une constante vérifiée par l’expérience historique : des armes, oui, ou la défaite.
Si seulement l’on pouvait s’en passer, bien sûr, on le ferait. Mais le camp adverse laisse-t-il le choix ? Ceux qui à Washington sabotent l’économie des pays en développement qui cherchent à s’émanciper de la tutelle occidentale, leur infligent des embargos meurtriers, financent des bandes factieuses, manipulent des opposants fantoches, importent le chaos et la terreur, ces bêtes féroces laissent-elles le choix à leurs victimes ? Si Cuba socialiste ne s’était pas murée dans la défense intransigeante des acquis de la révolution, si Castro n’avait pas tué dans l’œuf toute velléité d’opposition manipulée par la CIA, le peuple cubain aurait-il aujourd’hui le meilleur système de santé et le meilleur système éducatif d’Amérique latine ? En réalité, la voie électorale choisie par les partis progressistes est honorable, mais elle se heurte aux contradictions de la démocratie formelle. Il est naïf de croire que l’on va transformer la société en obtenant une majorité parlementaire. Car dans les conditions objectives qui sont celles d’une société capitaliste, la partie n’est pas loyale.
On sait bien que la bourgeoisie contrôle l’économie et a la main sur les médias, mais on pense qu’on va convaincre le peuple de se rallier au socialisme. On mise alors sur le dévouement des militants pour contre-balancer l’influence des riches qui possèdent les moyens d’information et corrompent des pans entiers de la société pour asseoir leur domination. Mais peut-on citer un seul endroit où ce scénario idyllique s’est jamais réalisé ? Cette noble démarche relève d’une croyance naïve à l’objectivité du jeu démocratique en pays capitaliste. Cette fable est à la politique ce que le roman à l’eau de rose est à la littérature. Car pour ébranler le pouvoir de la classe dominante, il faut d’abord accepter d’être minoritaire, puis élargir sa base sociale en nouant des alliances, enfin frapper le fer tant qu’il est chaud. La compétition électorale est l’un des instruments de la conquête du pouvoir, mais il n’est pas le seul. Et l’armement des classes populaires, pour un mouvement réellement progressiste, n’est pas une option parmi d’autres, c’est une condition de survie.
La constitution de cette force armée populaire ne servirait à rien, toutefois, si l’on ne s’attaquait pas d’emblée aux sources de l’aliénation : les médias de masse. Apparemment, la plupart des médias boliviens appartiennent encore à la bourgeoisie-colon. Autant jouer aux cartes en acceptant de confier tous les atouts à la partie adverse ! Or poser la question de la propriété des moyens d’information, c’est aussi poser la question de la propriété des moyens de production, les médias n’étant en réalité que les moyens de production de l’information. Pour inverser le rapport de forces, et assurer le succès de la transformation sociale, on ne peut donc éviter d’arracher les moyens de production, y compris les moyens de production de l’information, des mains de la classe dominante. Faute d’atteindre ce point de bascule, l’échec est assuré. « L’État, disait Gramsci, c’est l’hégémonie cuirassée de coercition », c’est-à-dire l’idéologie dominante appuyée sur la force militaire, et réciproquement. C’est tout aussi vrai d’un Etat populaire, dont la conquête par les forces progressistes vise à transformer la société au profit des humbles.
“au lieu d’une réélection au second tour il a voulu un plébiscite” !!!!!!!
sans déconner ? tu crois que l’extrême droite et trump auraient permis un second tour ? comme tous les coups d’état en amérique latine, il s’agit d’installer des régimes d’extrême droite à la botte des usa
faudrait te réveiller !