Alors que la mobilisation s’amplifie, le gouvernement ne peut plus jouer au jeu de l’ignorance et du mépris. Chaque jour voit de nouvelles personnes, de nouveaux secteurs, rejoindre la bataille. Malgré les déclarations, la pénurie d’essence arrive à grand pas, en témoigne le peu de véhicules que l’on peut apercevoir sur les routes. Les blocages se généralisent, et bientôt le choix de la grève sera plus simple tant se rendre au boulot va devenir compliqué. Ceux d’en haut compte bien que les vacances donnent un coup d’arrêt, mais c’est sans compter la colère qui gronde depuis les élections de 2007 et la casse sociale à laquelle la droite se livre depuis, pendant que la gauche regarde ailleurs.

Face à cette mobilisation, comme à chaque fois qu’il sent le sol se dérober sous ses pieds, le gouvernement nous ressort le spectre du casseur, grâce à la complicité zélée de la presse. Le but évident de cette manœuvre est bien sûr de créer la division dans les rangs des personnes qui luttent.

Cela pourrait faire choux blanc, si cette propagande ne pouvait comptait sur les relais que sont les responsables syndicaux, qui ne cessent de rabâcher cette idée que les casseurs « décrédibilisent le mouvement », que ces actes seraient même souvent « le fait d’éléments extérieurs à la lutte » (1).

Pourtant, ce discours, ces « responsables » ne le tenaient pas pendant les grèves de 1995, ou les syndicalistes étaient parti prenante des nuits chaudes qui virent à Nantes un tramway brûler, ou quand les ouvriers de Saint Nazaire se frottent aux forces du désordre. « Casseurs » n’est pas le mot que l’on entend alors de leur bouche. Bien au contraire, comme les luttes du passé l’ont prouvé, les gouvernements reculent d’autant plus vite que les rues débordent, et plus il s’entête, plus elles ont tendance à le faire.

Mais lorsqu’il s’agit de ces « jeunes » (catégorie de manifestant-e-s que tou-te-s, opposant-e-s comme gouvernants semblent considérer comme des personnes irresponsables qu’il faut cadrer), dont pourtant on acclame l’arrivée dans le mouvement, qu’illes laissent libre court à leur colère pourtant la même que celle qui poussent leurs « camarades » adultes à manifester, le mot casseur est aussitôt de mise.

Mais peut-être celleux qui sont « responsables » ont oublié-e-s ou ne savent pas ce que signifie être jeune (et pauvre) dans cette société que tou-te-s dans le mouvement combatte. Peut-être ne savent-illes pas qu’aujourd’hui à 13 ans, on peut aller en prison dans des Établissement Pénitencier pour Mineurs. Dans leur confort d’adultes responsables, ces leaders ne se souviennent plus ce que signifie d’être dessaisie en permanence de ses responsabilités, par les parents, les professeurs, les flics… et les adultes avec qui illes manifestent pourtant côte à côte. Peut-être ces leaders syndicaux n’ont-ils pas connu l’école d’aujourd’hui ou la police a droit de cité dans les conseils de disciplines et où les caméras s’installent. Peut-être ne savent-ils pas non plus ce que signifie vivre sa jeunesse dans des quartiers ou le harcèlement policier, le racisme, est le lot quotidien.

En attendant, la semaine dernière encore pour la troisième fois, un « jeune » risquait de perdre un œil suite à un tir de flashball, un autre avait le crâne ouvert. En 2005, Lakhamy et Moushin mourraient dans une collision avec une voiture de police. Zyed et Bouna se sont fait électrocuter dans une transformateur EDF pour échapper à un contrôle de police. Et ces évènements ne sont pas des faits isolés.

Le meurtre de Malik Oussekine avait à l’époque provoqué un séisme politique, mais de nos jours la violence policière n’a plus de commune mesure et est quotidienne, la BAC tient bien la rue. Ces « jeunes » devraient-ils subir tous ces coups sans répondre ? Un syndicaliste le ferait-il ?

Alors les seuls en droit de manifester leur colère sont-ils uniquement les adultes militants syndicaux? N’y a-t-il qu’un seul moyen de poser le rapport de force contre le gouvernement. Ces responsables syndicaux continueront-ils longtemps à faire le jeu de la division que pose le gouvernement, ou finiront-ils par comprendre et soutenir la colère de ces « jeunes » sans qui ce mouvement serait pourtant bien terne? Les syndicats aiment jouer de la peur qu’inspire les jeunes mais semblent ne pas vouloir en assumer les conséquences.

Combien de temps verra-t-on encore les dénis de solidarité de la part de l’inter-syndicale comme ce fut le cas samedi dernier quand elle démobilisa les troupes alors que des « jeunes » étaient encore retenu dans le commissariat ? Ou comme hier encore quand la meneuse CGT refusait de transmettre les informations de la répression sur les lycéen-ne-s au reste des manifestant-e-s, pour tous ces mêmes prétextes…? Ou ce mouvement doit-il accepter la diversité des tactiques et afficher un front unis et solidaire dans les faits pour espérer pouvoir gagner, en posant par tous les moyens le rapport de force ? Continuera-t-il sans arrêt d’envoyer un SO de gros bras en plus des flics à chaque fois qu’un « jeune » arrive ?

D’éventuels futurs « éléments extérieurs » qui participe au mouvement depuis le début, sans pourtant avoir le droit de s’exprimer dans la hiérarchie cloisonnée de l’inter-syndicale.

(1) citations exactes de la part de leaders syndicaux, tellement ces propos sont répétés.