Toi aussi participe à faire d’Angers la capitale du tag grâce à ton pochoir Artaq ! (va sur le pochoir et clic-droit + « Enregistrer sous… »)

arNaq & aTarchie

Depuis quelques jours on voit fleurir sur les murs de la ville un A cerclé et une étoile à cinq branches. Ces symboles respectivement de l’anarchisme et du communisme sont réunis pour créer le logo d’Artaq. On le voit partout, sur les panneaux publicitaires, dans les journaux, et même en gros sur le site internet de la mairie.
L’Arnaq c’est le festival de ceux qui s’empressent d’effacer chaque trace de tag, slogan ou collage. Après avoir tout effacé, il ne reste que le blanc des murs surveillés par les caméras de vidéo-surveillance. Il ne reste qu’une ville aseptisée vendue aux touristes et bourgeois.
La mairie collabore avec des galeristes parisiens et des entreprises (dont Clear Channel qui loue des panneaux publicitaires) pour se réapproprier ce moyen d’expression et cette culture urbaine et spontanée. Sur leur site quand ils parlent du public visé ils disent «Artaq concerne le monde des galeries, des institutions et de la presse».
Nous n’avons pas envie de nous y inviter et participer à quelque chose qui ne nous concerne donc pas. Nous voulons juste détruire ce qui nous dépossède de nos pratiques. Nous nous sommes donc permis de nous réapproprier à notre tour l’Arnaq. Ce logo a été réalisé au pochoir sur une dizaine d’établissements municipaux, sur des musées, des églises, des banques, des agences d’interim, des panneaux publicitaires, dans les rues… Et quand la brigade anti-tag effacera «Angers capitale du tag» sur la mairie ce sera la performance la plus sincère du festival.
Murs blancs, peuple muet !
Murs négociés, peuple soumis !

ARTAQ !

– Arquoi ?
– Artaq ! Comment ?! Vous n’en aviez pas entendu parler ?
– Eh bien…
– Artaq, si vous n’avez pas vu l’affiche, c’est les « 1ers awards du street art »
– Le street art ?
– Comment, vous n’en aviez pas entendu parler ? Pourtant, il « suscite l’engouement de tous les publics par sa convivialité, sa fraîcheur, son éclectisme, sa richesse et sa générosité »[1] ! Car, le street art c’est de l’art dans la rue !
– Vous voulez dire des tags, quoi ?
– Ah non, les tags ce n’est pas du street art, ce n’est pas de la création, « la création n’a rien avoir avec la détérioration » !

À Angers, notre Maire n’est plus seulement médecin. Désormais, il est aussi critique d’art. Et il nous livre ses considérations sur les essences de la « Création » et de la « Détérioration ». Artaq c’est un festival, non pas de graffiti, pas de théâtre de rue, ni même de performance, encore moins de happening… c’est un festival de « street art », un label qui a l’avantage d’être international. En fait, le street art n’est plus seulement sur un des murs de ta rue, à l’angle d’un poste électrique, sur une cabine téléphonique ; il fait la couverture de magazines internationaux, se vend dans des galeries parisiennes, voyage dans les capitales européennes et passe même des concours. Car finalement, caché derrière le gloubiboulga du street art, c’est encore un « art » de la rue unifiée : l’urbanisme et son bras long et ses dents longues.
Prendre une bombe de peinture et sillonner les rues la nuit, inscrire ce qui nous tient aux tripes, ouais notre vision du monde et se barrer dare-dare. Quoi de plus simple ? Pas besoin de galeries, pas besoin d’affiches dans les sucettes JC Decaux, pas besoin de programme, pas besoin de concours. Bref pas besoin d’autorisation et pas besoin de thunes.
Oui, beaucoup d’angevins ont découvert cette façon spontanée, gratuite et directe de s’exprimer et de s’approprier la rue. Ils n’ont pas attendu que des galeries y voient une source de profit, ils n’ont pas attendu que des animateurs socio-culturels viennent leur expliquer quoi et comment tagguer, ils n’ont pas attendu qu’on leur réserve des murs autorisés en périphérie.
Non, Monsieur le Maire, les angevins n’ont pas besoin d’Artaq pour découvrir ce que nombre d’entre eux pratiquent lorsque vous dormez à poings fermés en rêvant d’être le chef de « l’une des villes les plus ouvertes aux arts actuels en France ».
Car si l’on détériore la rue, c’est parce que la rue n’est pas une galerie et que tout le monde y passe, parce que ce qui se dit sur un mur n’a rien à voir avec les publicités des panneaux JC Decaux ou Clear Channel et que c’est un des rares endroits où l’on ne sent pas seul à mourir chez soi.
En couvrant un mur de peinture, ce n’est pas seulement pour « renouveler notre regard sur la ville » mais c’est, pour un moment, la rue qui n’est plus tout à fait pareille, c’est un bout de vie qui est transformé.
Parce que la trace qu’efface la brigade anti-tag ce n’est pas une détérioration, c’est la preuve que, pendant un court laps de temps, la rue n’était plus seulement le terrain de jeu de la police, le paradis d’un publicitaire ou le plan d’un urbaniste.
Et lorsque nous apercevons le fantôme d’un tag, les bribes d’une affiche, passés au kärcher, nous n’y voyons pas que la performance de la brigade anti-tag, mais aussi les amendes, les procureurs, les stages « citoyenneté », les cellules puantes des keufs, les travaux d’intérêt général.
Mais nous ne serons pas des rabats-joie, Monsieur le Maire, nous participerons avec plaisir à votre concours d’art dans la rue. D’ailleurs nous y participons déjà : regardez autour de vous, le tag « omniprésent et en perpétuelle évolution », a gagné les rues depuis bien longtemps. Ainsi, Monsieur le Maire, nous vous invitons à démonter les vitrines des banques, à arracher les panneaux publicitaires, à faire tomber les murs des écoles qui portent nos œuvres. Peut-être vos amis galeristes pourront-ils les exposer et en tirer un bon prix ?

1. Toutes les citations en italique sont tirées du texte d’introduction au programme d’Artaq par Jean-Claude Antonini, à trouver sur http://www.artaq.eu/docs/ARTAQ_PROGRAMME.pdf