LE MINISTRE DE L’INTERIEUR PORTE PLAINTE
NON AU REFOULEMENT DE L’HISTOIRE

Le Ministre de l’intérieur vient de porter plainte contre X à propos d’un communiqué publié le 12 février 2010 par le collectif SOIF D’UTOPIES et RESF 37, intitulé « Les Baleiniers », qui dénonçait l’utilisation du fichage des enfants dans les écoles pour repérer les sans-papiers.
« Cette technique de chasse aux enfants a eu son heure de  »gloire » pendant une des périodes les plus sombres de notre histoire contemporaine. Les nervis de Vichy ont en effet utilisé les enfants pour pouvoir aider à la déportation de ces derniers et de leurs parents.
« Il semblerait que certains fonctionnaires préfectoraux, particulièrement zélés, s’inspirent de nouveau de la chasse à la baleine. Actuellement, les fichiers, comprenant la liste des élèves et leur adresse (par exemple Base élèves), sont constitués dans chaque établissement. Certains fonctionnaires préfectoraux interviennent auprès des directeurs d’établissement pour que ceux-ci leur transmettent la nationalité des parents. C’est illégal ! Il y a de réels soupçons en Guyane, en Ille-et-Vilaine et en Indre-et-Loire. » (extrait du CP « Les Baleiniers »)
Le 16 février 2010, la préfecture d’Indre-et-Loire répondait par un communiqué. Elle affirmait qu’elle «[…] n’a jamais interrogé les directeurs d’établissements scolaires pour connaître la situation de leurs parents ressortissants étrangers. Cette consultation serait en tout état de cause inutile puisque le fichier national des étrangers AGDREF (Application de Gestion des Dossiers des Ressortissants Etrangers en France) auquel la préfecture a accès fournit tous les renseignements utiles à la connaissance du dossier de l’étranger ».
Ainsi donc, l’Etat serait en mesure de connaître l’ensemble des personnes sans papiers vivant en France. Tous les « clandestins » seraient donc fichés ? C’est là un gros mensonge et une pure forfanterie, puisque, par définition, toute personne entrée clandestinement sur le territoire français et n’ayant pas encore entamé de procédure de régularisation, ne peut être inscrite dans ledit fichier. Personne aujourd’hui, et l’Etat moins que quiconque, ne peut donner le nombre exact de « clandestins » – seulement des estimations qui ne sont que des supputations.
En Indre-et-Loire, deux directeurs d’école ont été sanctionnés parce qu’ils refusaient d’inscrire les données demandées dans le fichier « Base-élèves ». Dans d’autres départements, plusieurs responsables d’école ont aussi été sanctionnés. Si ce fichier était si anodin pour le pouvoir, pourquoi sanctionner les enseignants ?
Le président de l’association CHRETIENS-MIGRANTS (elle n’a pas signé le communiqué incriminé), a été convoqué le 20 avril 2010 au commissariat de Tours, pour enquête. Selon lui, les policiers chercheraient à connaître les noms des rédacteurs de ce communiqué au contenu diffamatoire, selon le ministre de l’Intérieur. Il ne supporterait pas la comparaison de certaines pratiques policières actuelles avec celles du gouvernement de Vichy.
Sans doute le ministre, par ailleurs élu d’une région qui comprend Vichy au nombre de ses villes illustres, veut-il soustraire de la mémoire collective l’aspect symbolique de cette ville, devenue entre juillet 1940 et septembre 1944 la capitale de la collaboration avec le régime nazi. Ce ne sont pas ses propos racistes sur  »les Auvergnats » (mais il faut entendre « les Arabes ») qui contribueront à effacer de l’histoire ce régime antisémite et xénophobe ! Etablir une comparaison n’est pas pratiquer l’amalgame. Par définition, la recherche historique est peu ou prou comparatiste. Refuser la comparaison conduit inévitablement à mutiler la recherche historique et donc à refouler toute interrogation sur le présent et les avenirs possibles au regard de l’expérience historique. C’est bien sous couvert du Ministre de l’intérieur que des policiers arrêtent des parents sans papiers venus chercher leurs enfants à la sortie de l’école, comme le faisaient des policiers aux ordres du ministre de l’intérieur du gouvernement de Vichy !
On ne peut qu’être intrigué par le fait que ce soit le ministre en personne qui porte plainte. Dans des affaires analogues, ce sont les préfets qui font appel à la justice lorsqu’ils estiment que le représentant de l’Etat est diffamé.
Au vu de la situation en Indre-et-Loire, il aurait été sans doute difficile pour le préfet de porter plainte en personne. Celui-ci vient d’être condamné 14 fois, depuis le mois de novembre 2009, par le Tribunal Administratif d’Orléans pour manquement à ses obligations légales d’hébergement de 14 familles et célibataires demandeurs d’asile. Il a de plus été condamné, le 12 avril 2010, à une astreinte de 200 € par jour parce qu’il ne remplissait pas les conditions que lui impose le jugement du TA par rapport à l’une de ces familles. Le 21 avril, le juge des référés l’a de nouveau condamné à 3 autres astreintes pour 3 familles.
Le 23 avril 2010 une plainte pour « non assistance à personnes en danger » contre le même préfet et contre X a été déposée auprès du procureur du Tribunal de Tours par une famille. Elle était demandeuse d’asile et souhaite maintenant obtenir un titre de séjour pour raisons médicales. Bien que certains des membres de cette familles connaissent d’évidents et graves problèmes de santé, nécessitant des hospitalisations, les services préfectoraux les laissent à la rue et les associations en charge de l’hébergement à Tours font de même.
D’un côté, un ministre estime qu’un préfet (donc l’Etat) est diffamé lorsque des comparaisons historiques sont faites ; de l’autre, ce même préfet, représentant de l’Etat, bafoue les lois, la Convention de Genève, et la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.
Comment se fait-il que ce gouvernement, si pointilleux sur sa politique sécuritaire, soit aussi peu enclin à enjoindre à ses représentants de respecter les droits des personnes ? Comment se fait-il que nous soyons obligés de faire appel à la Justice afin que L’Etat remplisse ses obligations légales ?
On peut s’étonner également qu’il ait fallu deux mois pour que le Ministre estime nécessaire de déposer plainte à propos d’un communiqué. Est-ce le fait d’imposer à la préfecture d’Indre-et-Loire de respecter le droit d’asile qui, en fin de compte, soit si gênant pour le pouvoir ? Le gouvernement craint-il l’extension, voire la généralisation, dans tous les départements, de cette lutte pour l’accueil digne et décent des demandeurs d’asile ? Quoi qu’il fasse, cet élargissement s’opère : déjà dans plusieurs départements des démarches similaires à celles initiées collectivement à Tours sont entreprises. Il y a tout lieu de penser que les préfets seront condamnés pour les mêmes raisons, l’application de 3 arrêts du Conseil d’Etat imposant aux préfectures d’assurer l’hébergement des demandeurs d’asile et de leur fournir les moyens de se nourrir et de se vêtir.

Une militante du Collectif SOIF D’UTOPIES est convoquée au commissariat de Tours le 4 mai 2010.
Nous exigeons l’arrêt de toutes les poursuites dans le cadre de cette plainte contre X.
Nous luttons et lutterons sans cesse pour le respect du droit d’asile, pour l’obtention des papiers pour tous, la liberté de circulation et d’installation, la fermeture et la disparition des camps de rétention et un logement pour tous.

Tours, le 03/05/2010
COLLECTIF SOIF D’UTOPIES
06 31 56 17 56
soifdutopies@yahoo.fr