Ce soir, j’ai encore du bicarbonate de sodium sur le visage, la marie-jeanne fait son effet contre l’adrénaline. L’odeur des poubelles à moitié cramées, des cendres chaudes des ordures, et des gaz lacrymogènes de nos copains les bleus.

Cela a commencé assez tôt. A l’invitation d’une soi-disante page web FaceBook, une soirée bonne enfant allait se tenir sur la ville. Occuper la place centrale pour y boire, chanter, danser, faire la fête. Pas un mot d’ordre révolutionnaire : l’idée démocratique de l’espace « libre » imprègne l’esprit de la populasse. Non il n’est pas libre. L’espace publique est contrôlé socialement, économiquement, et géographiquement. Quand donc, une bande de jeunes allumés décident de faire de la place piétonne – hyper-touristique, vitrine de la mairie « de gauche » – un espace de jeu et de fête, il y a de quoi s’attendre à une soirée chaude et musclée. Ce fut chose faite, lorsqu’après 30 minutes après le début du rassemblement, de petits jeux, et de discutions pour connaître les personnes, de jeunes gens se piquent de vouloir se réchauffer et de faire un petit feu, histoire de rajouter un côté champêtre à cette soirée. Qui ne ressemblait au début qu’à une fête – certes plus grande – d’amis.

Feu allumé, nous savions, le groupe de militants venus sur place, que les forces de l’ordre ne laisseraient pas faire. Le camion des pompier arrive (hé oui…), accompagné de deux bagnolles de flics et une autre de la Bac. Lorsque les pompiers sortent du camion, et préparent leur matériel (pour un feu qui n’était pas d’une grosseur hallucinante – j’en ai vu des plus importants dans les rues d’Amsterdam le soir du réveillon), les flics nationaux s’équipent, ainsi que leurs collègues de la BAC, de casques, tonfa, lacrymo, flashball et j’en passe.

Chaud. On sent
que
c’est
chaud
bouillant…

Les flics profitent de la fumé dégagée par le feu qui s’éteint pour gazer sans prévenir, sans sommation. Facile. J’aurais fait pareil. Reflue de la place.

Là çà part en live. Un mec de la zone se fait serrer par les condets. Réactions « police partout justice nulle part ». Les gens avancent. Pas mal de militants, mais aussi des jeunes venus sur la place pour s’amuser ou boire un coup en terrasse, choqué par la brutalité de l’arrestation. Les flics se sentent pas bien. ils l’embarquent. Arrivé du camion qui sort, avec comme voiture ballet la voiture de la Bac qui gaze au passage, ainsi qu’une bande de flics à pieds équipés en robocop, avec aussi des poulets de la Bac.

Gazage. Un handicapé y passe, que j’avais conseillé de partir puisque les flics montraient leur détermination à faire disparaître la racaille jeune et communiste et anarchiste et pd et rmistes et paumés et … Dispersion, un tir de flashball, gros coup de lacrymo dans une petite rue. Malheureusement, les personnes ont réagi sans être eux-même souvent en position de face à face avec des robocops. Donc, dispersion dans tous les sens. Début de poubelle en travers de la rue.

On se regroupe.
On fume une clope.
On hallucine.
Jamais vu ça dans cette ville.
Personne. Les jeunes comme les vieux.

On décide de retourner à la place. Plus de flics, mais du monde. Des jeunes arrivent.

Plusieurs d’entre nous considère que c’est fini. La place reprend sa vie, avec ses commerces et ses amoureux. Les militants se dispersent.

Nous partons.
Une fête, soutien à une asso, du son. Je me défoule, je profite pour sortir mon énergie, mon stress, mon adrénaline. Une petite bière, un petit joint. Mais je ne sais pourquoi, je pensais que la nuit allait être agitée. Ce qui fut le cas.

Coup de téléphone d’une amie : re-départ de feu place plume, les jeunes veulent « remettre le couvert », comme on dit. La partie n’est pas finit. Nous allons sur place. Du bout de la rue, à 100 m, nous pouvions voir la fumé des gaz et des lacrymo dans l’air. La petit place était un univers que je ne connaissait pas. Je ne me croyais pas dans ma ville. Rien avait changé, et pourtant tout avait changé.

Les flics bloquaient une rue. Pas n’importe laquelle.Celle qui est occupé par la zone, juste en face du tabac et à côté de l’épicerie. Une masse de gens se tenaient devant, à chercher le contact avec les robocops. Face à face digne d’une manif de sans papier devant une préfecture, sauf que le mot d’ordre était « you have to fight for your right to party ! ». Le droit de faire de la rue autre chose qu’un réseau de marchandises, de capitaux, de touristes. Le droit de faire la fête.

Pendant 3 ou 4 h les rues adjacentes ont vu des groupes se créer, pour faire des feux de joie, ou bien parfois des barricades sommaires. Quelques militants autonomes se chargent de pousser les jeunes à occuper le terrain. Les feux devinrent des barricades face aux flics qui ne bougeaient pas tellement. Pas de bac infiltré parmis les jeunes. Car ce ne sont pas 1 000 personnes, mais peut-être tout au plus 300 au plus fort, et une centaine à la fin. Peu, mais énergique.

Les flics se sont retiré très vite après l’extinction de la plus grosse barricade de la soirée. Peur que d’autres viennent, de plus loin, avec d’autres méthodes. Les cousins…

Apparemment 4 arrestations dès le début de soirée (avec le zonard). Il sera difficile d’en savoir plus plus tard, puisque les flics ont tapé au hasard.

Cette soirée devait être une fête. Elle fut un brasier. Évènement qui ne s’est jamais passé ici.
Qui ne doit pas être pris comme un élément mineur, annexe à la situation de crise du capitalisme. La rage gagne bien des cercles sociaux. Les mélanges sont explosifs et détonnant. Un simple feu de cartons et de planches, des bières, des chants et des danses mettent en rage les chiens de l’état, et leurs collaborateurs, certains commerçant, bourgeois la plupart (la dénonciation a aussi été aussi au rendez-vous).

Les grèves se multiplient. Les mouvements prennent de l’ampleur. La barricade refait surface. L’action directe et le sabotage ne sont pas tombés dans l’oubli. Grèce, Guadeloupe,… Ma petite ville de province. Nous ne voulons plus de ce système. Nous ne demandons rien. Nous prenons. Nous prenons notre liberté de faire la fête où nous le souhaitons. Dans votre cuisine si coûteuse et si belle. Dans la rue. Nous sommes la rue. Vous êtes la bête démocratique, républicaine, cette chose qui n’a de valeur que le nom, car nous n’avons d’usage que de nos larmes.