Rendre leurs prières inaudibles par la lutte

« Je ne peux vivre honnêtement dans un système économique et politique qui mutile l’être humain, tant physiquement que psychiquement, qu’en me battant contre lui et pour un autre plus juste.« 
OLRIK Hilde, 1978, La lutte des femmes à Grenoble de 1968 à 1977, Romansk Institut Kobenhavn

Aujourd’hui, samedi 15 novembre 2008, SOS Tout Petits organise une prière nationale pour son 22ème anniversaire. Cette association catholique intégriste pro-vie (c’est-à-dire contre le droit à l’avortement, à la contraception et donc contre la liberté des individu-e-s de disposer de leur propre corps) est connue pour ses commandos anti-IVG (occupations violentes et illégales des centres pratiquant l’avortement) et les procès qui en ont découlés. Culpabilisation des femmes ayant avorté, réduction de la femme à une simple reproductrice, fanatisme religieux sont pour nous des raisons suffisantes pour contre-manifester, critiquer leurs positions et rappeler que le droit à l’avortement, à la contraception et les droits des femmes en général sont le fruit de luttes passées et qu’ils ne peuvent être sauvegardés qu’en luttant aujourd’hui.

sur dieu

Par chance et par naïveté de leur part, les prières publiques de réparation, d’intercession et de conversion de SOS Tout Petits ne seront entendues que par eux-mêmes. Si elles atteignent un volume sonore trop important à nos yeux, nous tâcherons de hausser le ton à notre tour et d’empêcher qu’elles agressent nos tympans.

Il est nécessaire de rappeler que lier n’importe quel destin à dieu est s’aveugler d’une lumière qui n’existe pas. Plutôt que de partir de dieu, il serait temps de partir des intérêts, des souffrances et des désirs des personnes réel-le-s. Revenir sur terre; celles et ceux qui se sont battu-e-s pour leurs droits ont compris que c’était un préalable nécessaire.

Et lorsqu’ils ne citent pas dieu, l’inspiration de SOS Tout Petits leur vient de Benoît XVI1, ce conservateur radical, sexiste et homophobe.

sur la famille

Dans un tract diffusé pour la prière du samedi 20 mars 2004 à Paris, SOS Tout Petits cite Lénine (!) : qui tient la femme tient la société, puis rappelle que c’est à Eve que le serpent s’est adressé pour la perdition. En somme, les femmes tenues, coupables, pécheresses. Ils font donc de la négation de la liberté une cause. Xavier Dor (leur représentant) profère qu’il [l’avortement] est un crime et que rien ne peut blesser davantage une femme que de rejeter de cette façon ce qui est inscrit au plus profond d’elle-même : sa maternité. Ce qui est inscrit au plus profond de chacun-e d’entre nous est bien plutôt la liberté. Entre autres, la liberté de choisir comment se comporter indépendamment du fait que l’on ait un pénis ou un vagin.

Ce n’est pas la contraception qui lamine les consciences, mais l’ordre moral et ses émules.

Aujourd’hui ?

Si ces prières semblent bien inoffensives (SOS Tout Petits et ses clones restent un lobby à ne pas négliger), il ne faut pas sous-estimer l’importance des attaques faites aux femmes. Le sexisme reste bien présent à l’heure actuelle dans notre société2, et les conditions d’avortement sont loin d’être idéales : délais d’attente pour avorter trop longs, délai légal de 12 semaines trop court amenant certaines françaises (5000 en moyenne chaque année) à avorter ailleurs en Europe, refus de certains services de le pratiquer, formation des médecins insuffisante, disparition de structures d’IVG, qui se fera de plus en plus dans des maternités où tout sera là pour que les femmes culpabilisent… et n’oublions pas le manque d’information sur la contraception. Il reste à rappeler par des mots et des actes le rôle qu’ont joué et que joueront les femmes et ceux qui les soutiennent dans cette histoire3.

[1] lire La sainte trinité de Benoît XVI : haine des libertés, obscurantisme et extrême-droite, disponible sur http://atheisme.org/ ;l’ouvrage est critiquable sur certains points malgré tout

[2] lire Colette Guillaumin, Sexe, Race et Pratique du pouvoir – L’idée de Nature, Côté-femmes éditions, 1992

[3] lire à ce sujet la brochure Avorter – Histoires des luttes et des conditions d’avortement des années 1960 à aujourd’hui, téléchargeable sur le site https://infokiosques.net/

Dernières menaces légales sur l’IVG

Sur le plan législatif, l’IVG est insidieusement remise en cause. L’amendement Garraud, qui faisait reconnaître le statut de personne juridique au foetus lors d’interruptions volontaires de grossesse, a tout d’abord été adopté en novembre 2003, puis a été rejeté en janvier 2004, sous la pression des mobilisations pour la contraception et l’avortement. Rappelons la décision du 6 février 2008 de la Cour de cassation autorisant l’inscription à l’état civil d’un foetus non viable (Acte d’enfant sans vie), modifié en août dernier, mais aussi la tentative de qualifier d’homicide involontaire la perte d’un foetus, par exemple lors d’un accident de voiture.

note : la dernière partie du tract est inspiré de celui de « Ces Chieuses De Féministes » que l’on peut trouver ici : http://lezstrasbourg.over-blog.com/article-24749176.html