DE LA HONTE D’ETRE FRANÇAIS

Voilà déjà trois jours, voilà quatre matins
Que submergés de honte, consternés, incrédules,
Nous levons nos regards sur la France assombrie.

« Donc c’est fait. Dût rugir de honte le canon
Te voilà, nain immonde », trônant à l’Elysée !
« Cette gloire est ton trou, ta bauge, ta demeure !
Toi qui n’as jamais pris la fortune qu’à l’heure,
Te voilà presque assis sur ce hautain sommet ! »

Le spectacle était beau, sur la Concorde en deuil,
Pitoyable et bruyante, la vieille France des beaufs
Eructait sa victoire dans un fracas puant.
Tandis que dans la nuit Mireille déraillait,
Aux côtés du nain bleu, Macias s’enrayait.
Sourde à tes cris, ô peuple, et loin de la Bastille,
La France faisandée goûtait son unité,
Volet clos, entre soi, ceinturée, encadrée,
De hordes bienfaisantes de CRS casqués.
La France paresseuse allait enfin payer,
Marcher à la baguette et se lever matin !
Il fallait en finir avec les fainéants,
Les tricheurs en tout genre allaient travailler dur !
Et le grand patronnat regardait amusé
Cette foule servile, fêtant avec candeur,
De ses tout nouveaux fers, la gloire pathétique.
Le nabot l’avait dit : « Travail, Famille, Patrie » !
On rétablirait l’ordre ; et la foule aujourd’hui,
A l’écho des médias, adore le Dieu sûreté !
Le nabot l’avait dit : qu’on ose la rupture !
Cassons dès maintenant ce modèle social,
Tout comme un vieux jouet devenu détestable !
Et l’Europe, l’Amérique, le monde des marchands,
Pourraient alors fêter la mise au pas de France :
L’orgueilleuse nation allait enfin plier et se normaliser !
Tandis que le soir même, le premier homme de France
S’étalait au Fouquet’s, c’est sur un yacht doré
Qu’aux vêpres s’exhibait le frère des ouvriers,
Le poignant défenseur des femmes martyrisées.

Mais la France était sauve, Doc Gynéco veillait
Et Johnny patriote s’en revenait de guerre !
Enfin décomplexée, cette droite exultait ;
Et la ronde des beaufs vomissait son bonheur.
Sans culture, sans histoire, tout devenait possible !
Il faut le dire, c’est vrai, la France se régénère :
Aubrac nous a quittés et la Veil est sénile !
La place était donc nette et rien n’arrêterait
Ni la fête impériale, ni la bête tricéphale !
La France faisandée accouchait en même temps
D’un fier Berlusconi, d’un Bush ragaillardi
Et d’un nouveau Pétain, « Petit, Petit, Petit ».
Et le nabot, déjà, susurrait aux Français :
Toi, mon voisin, mon frère, qui refuses si prompt
De rentrer dans le rang ! Je le sais, je le sais,
Tu es le délinquant, le déviant de demain
Qu’il me faudra faire taire, qu’il me faudra boucler !

A toi, « Petit, Petit », nous disons à ce jour,
Nous disons qu’à chaque heure tu nous trouveras tous,
Debout, fiers et sans peur, résolus à combattre
Cette honte funeste qui aujourd’hui salit
Notre chère République.

Le Collectif RESISTER, Rennes le 10 mai 2007