Vous ne le saviez peut-être pas mais il va falloir s’y faire: le bonheur du peuple passe par l’économique. Et il va falloir aussi se faire à l’idée que cet économique ce n’est pas n’importe quoi, c’est sérieux, c’est l’affaire d’ « experts ». Un seul hic, l’environnement.

On nous fait de brillantes démonstrations, toutes les plus alléchantes les unes que les autres pour gagner nos suffrages. Les candidats, quelle que soit l’élection, font appel à notre « bon sens », notre « esprit de responsabilité » et pour être sûr de nous convaincre à une panoplie d’ « experts » qui bien entendu ne sont pas d’accord entre eux.

Nous ne sommes pas suffisamment intelligents pour comprendre les subtilités de l’économie mais suffisamment quand même pour voter pour eux.

ESPRIT ECONOMIQUE ES-TU LA ?

La « science économique » est une science ambiguë, elle s’ampute, ou plutôt on l’ampute, d’une partie essentielle de ce qui l’a constitue, le social.

On nous présente l’économie comme une technique, quelque chose de l’ordre de la physique avec ses lois naturelles, ses principes intangibles, ses contraintes, ses savants, ses « prix Nobel ».

Pour bien s’en convaincre et en convaincre le bon peuple, les « économistes » ont même inventé de toute pièce un « Prix Nobel » qui en fait n’existe pas puisqu’il s’agit d’un prix accordé depuis 1968 par… la Banque de Suède (banque, institution neutre comme chacun sait !)…. Et quand on voit un certain nombre de lauréats de ce prix et la nature de leurs travaux, on est édifié.

La dimension sociale de la société ne serait finalement qu’un rajout plus ou moins flou, plus ou moins subjectif sur quelque chose de solide et de rationnel, l’économique. Et pour vous en convaincre, les « économistes » ne manquent pas d’arguments.

Par exemple le « bien être » peut-il être mesuré, évalué ? Bien sûr que non !… et bien pour cela les économistes ont pourtant ce qu’il faut. Ils ont inventé le PIB. Le Produit Intérieur Brut qui est que la mesure monétaire de la valeur ajoutée (différence entre les biens et services produits et les consommations intermédiaires, c’est-à-dire ce qu’il a fallu dépenser pour les produire).

Plus on crée de valeur marchande, que l’on mesure avec le PIB, lui-même à la base du calcul de la fameuse et sacro sainte croissance, plus on accroît, en principe, le bien être… pourtant rien n’est dit quant à sa répartition et encore moins sur tout ce qui échappe à la mesure monétaire : travail domestique, associatif, activités sociales mais aussi dégâts sur l’environnement de l’activité économique.

C’est cette « logique » qui est à la base de tous les raisonnements et discours des économistes « sérieux » et des politiciens gestionnaires du système marchand.

Ne dit-on pas que le moral des ménages est en hausse quand la consommation est en hausse et inversement quand elle est en baisse ?

On peut même démontrer à des pauvres qui se sentent pauvres, et qui sont pauvres, qu’en fait statistiquement ils se sont enrichis en divisant le PIB par le nombre d’habitants… ou que le chômage baisse alors que l’on licencie massivement, que les jeunes ne trouvent pas d’emploi et que l’on délocalise les entreprises…

Les « économistes » nous démontrent même, repris en cela par les politiciens démagogues, qu’il est logique de travailler plus, alors qu’il y a de plus en plus de chômeurs et que l’on peut produire de plus en plus avec de moins en moins de travailleurs… « Vous ne comprenez pas ? Pas étonnant,… vous êtes nuls en économie !… Mais n’oubliez pas d’aller voter, pour cela vous êtes suffisamment intelligents ».

Il est évident que celle ou celui qui ne comprend pas cela est incompétent-e en économie, il reste certes un citoyen à le droit de s’exprimer à condition de se taire.

Les « économistes » se passeraient bien du social, mais apparemment les citoyens y tiennent (ils se demandent d’ailleurs bien pourquoi ?), alors il faut bien faire avec !…

J’exagère ? Ecoutez bien les « économistes-experts» et les politiciens qu’ils servent.

L’ECONOMIQUE CONTRE LA CITOYENNETE

Ainsi, doctement, on nous expliquer d’un côté que les faits économiques sont donnés, nous sont imposés, que « c’est comme cela », que « l’on n’y peut rien » qu’il « faut être réaliste», que c’est « la mondialisation », que « ce sont les statistiques qui le montrent », qui bien sûr sont neutres ( ?)… etc.

D’un autre côté, on nous affirme, la main sur le cœur et l’œil sur l’urne, que nous sommes des citoyens et que les « affaires de la cité sont nos affaires »… sauf que les contraintes économiques sont telles que l’on n’y peut pas grand-chose et que si on s’y intéresse, on ne comprendra rien.

C’est la démarche idéale pour nous faire croire que l’ « on fait quelque chose alors que l’on ne peut agir sur rien ». Il faut reconnaître que c’est très fort.

Vous allez en conclure que l’on nous prend pour des imbéciles… Mais bien évidemment, c’est exactement la conclusion qui s’impose. On nous prend pour des imbéciles. Le problème c’est que, jusqu’à présent, on n’a rien fait pour le démentir. La preuve ? leur combine marche à tous les coups ! et, tenez vous bien, elle va encore marcher cette fois…. J’exagère ? Bon, rendez vous le soir des élections !

Autrement dit, le système économique dans lequel nous vivons ne serait qu’une machine actionnée par des mécanismes complexes et sur lesquels nous n’avons finalement que peu de possibilités d’action.

Oh certes, on peut s’exprimer sur ces mécanisme, mais il vaut mieux passer par des gens qui comprennent, des « experts » parce que généralement quand on fait une observation on nous signale poliment que l’on a dit une « connerie »… ou que l’on n’ « a pas une vision globale de la situation », ou…

Ce n’est pas que ce que l’on dit n’est pas intéressant, surtout pas, c’est même à prendre en considération,… mais dans les limites du possible, autrement dit du système marchand tel qu’il est sans jamais toucher à ses principes.

La citoyenneté est ainsi en liberté surveillée. Surveillée par qui ? Mais par les principes intangibles du système dans lequel nous vivons.

LE TROUBLE FETE : L’ENVIRONNEMENT

Rien ne semble arrêter la folie, ou plutôt le « tsunami » de la production et par voie de conséquence de la consommation. Le développement des forces productives apparaît pour tous comme à la fois une fatalité, mais aussi un désir qui permet, en principe, de satisfaire tous les besoins et d’assouvir tous les désirs.

Un premier bilan, dans le dernier quart du 20e siècle, montre clairement que le développement du système marchand, ne correspond décidément pas aux espoirs qui avaient été mis en lui. Ce constat, qui avait été subodoré par une minorité largement raillée, venait juste d’être fait, et largement et stupidement contesté par les gestionnaires du système, qu’un autre constat, beaucoup plus inquiétant sonnait le tocsin : la dégradation dramatique de l’environnement et l’épuisement des ressources naturelles.

On peut raconter, en effet, n’importe quoi au bon peuple et lui faire prendre des vessies pour des lanternes en le flattant et en l’impressionnant avec des discours d’experts et des statistiques,… la Nature elle, on ne peut pas lui raconter n’importe quoi.

Tricheries et autres mensonges qui trompent les salariés sur les salaires, la protection sociale, le chômage, les services publics, sont inefficaces quant aux impacts du système marchand sur le climat et l’environnement.

L’économique est ici pris en défaut et ne peut plus tricher…

La dégradation de l’environnement et l’épuisement des ressources naturelles remettent de fait en question les principes mêmes du fonctionnement du système marchand et réinterroge le sens de celui-ci. La contestation n’est plus simplement dans le domaine de l’idée et du choix politique sociétal, mais directement matériel et physique… C’est la survie des espèces vivantes et la pérennité du modèle de développement qui est en jeu et non plus la question de la répartition des richesses produites.

La sacro-sainte croissance qui est entrain de rendre exsangue notre planète est directement remise en question par la planète, qui a coup d’inondations, de cyclones et autre augmentation de la température de l’atmosphère tire, en quelque sorte, la sonnette d’alarme.

Devant les inquiétudes exprimées par les associations, les opinions publiques et les scientifiques,… les gestionnaires du système ont pris des dispositions en prenant bien soin de ne pas écorner le moins du monde les principes du système en place. Ainsi, des chimères telles que le développement durable, ont vu le jour pour apaiser les craintes. Les discours économiques ont été repeints en vert afin d’être présentables électoralement. Le tout emballé et présenté par des « écologistes de Cour » suffisamment médiatiques pour endormir les méfiances.

Cet économique, qui constitue la clé de voûte de tous les discours politiques est directement mis sur le banc des accusés.

Comment donc concilier, pour les politiciens, cette croissance écologiquement impossible, mais politiquement nécessaire ? Là est toute la question !

En jonglant avec les mots.

En tenant le discours de la croissance optimale en contradiction totale avec la limitation désormais nécessaire et vitale des ressources naturelles et des rejets polluants.

En inventant des chimères médiatico-écologiques du genre le « développement durable » ou la « croissance maîtrisée » ( ?), tout en prêchant la liberté totale des entreprises et grands groupes « écologicides ».

En incitant à la consommation marchande, c’est-à-dire au gaspillage illimité.

Bref en saupoudrant leurs « programmes » d’un peu de conscience écologique.

Ainsi, l’économique passé à la moulinette de l’écologie s’est transformé en bouillie généreusement servie au buffet électoral…. A consommer sans modération.

Ne vous faites aucune illusion, l’économique tel qu’il vient d’être défini sera le grand arbitre, quoique pas le seul, des prochaines consultations électorales.

Les discours sont donc aujourd’hui, sur l’ensemble de l’échiquier politique, écologiquement normalisés, « écologiquement modifiés ». L’économie a été « relookée ». Toutes et tous vont nous raconter les mêmes histoire, seule la couleur du ruban du cadeau va changer : plus de croissance, plus d’emplois, moins d’impôts, plus de pouvoir d’achat, plus de respect de l’environnement. Ils ont les mêmes recettes à quelques variantes près, en fonction de leur clientèle,… pardon, de leur électorat.

Patrick MIGNARD

Voir aussi les articles :

« DES CHIFFRES ET DES IDEES »

« LA DICTATURE DES APPARENCES »