Pays Basque:La France doit s’impliquer

Le courage politique du président du gouvernement espagnol, Jose Luis Rodriguez Zapatero, et celui de la direction d’ETA entrouvrent pour le pays basque les portes de la paix. Le « cessez- le- feu permanent » annoncé par l’organisation clandestine permet d’augurer la mise en route d’un processus « à l’irlandaise » : des négociations assurément longues et hérissées visant à mettre à un conflit armé devenu d’un anachronisme insupportable au sein de la communauté européenne. Tandis que le gouvernement espagnol et ETA règlerait en tête à tête les modalités d’un retour définitif à la paix, une table ronde réunissant l’ensemble des forces politiques concernées et disponibles rechercherait les voies et moyens de donner une solution démocratique au problème basque.
La France s’est lourdement impliquée dans le conflit et d’une manière le plus souvent peu glorieuse. Faut-il rappeler qu’elle viola pendant des décennies sa propre légalité en livrant à l’Espagne, en dehors de toute procédure d’extradition, des Basques qui avaient purgé la peine infligée par les tribunaux français et à qui la loi permettait, en l’occurrence, de choisir le pays vers lequel ils seraient expulsés ? Est-il besoin d’évoquer les tortures auxquelles étaient soumis systématiquement les prisonniers ainsi livrés, tortures dénoncées par l’ensemble des organisations humanitaires, mais qui ne suscitèrent aucune émotion dans l’opinion publique ni chez les intellectuels français, de sorte qu’on assista au spectacle étrange d’une presse parisienne dénonçant avec la dernière vigueur la torture pratiquée en Algérie quarante an plus tôt sans que fussent jamais évoqués les supplices auxquels était promis tel basque dont la livraison était annoncée en trois lignes ? Pis encore : ces policiers français qui renseignaient les commandos de tueurs de droit commun envoyés par Madrid pour assassiner les militants basques réfugiés en France…Ces commandos firent des dizaines de victimes, dont certaines tuées par méprise, n’avaient rien à voir avec le conflit basque.
Cette page noire, il faut aujourd’hui la tourner, de même que celle où sont inscrites les souffrances infligées par les actions conduites par ETA. Non point pour oublier, mais pour ouvrir le nouveau chapitre de la paix.
La France ne saurait rester à l’écart du processus engagé à Madrid et au Pays Basque sud.
Mme Alliot-Marie, ministre de la défense, élue de Saint- Jean- De- Luz, semble l’avoir compris puisqu’elle déclarait après l’annonce du cessez-le-feu que, si cette volonté d’en finir avec la violence armée était confirmée, « tous les sujets pourront être abordés », y compris celui du rapprochement de leur territoire d’origine des basques détenus en France. En revanche, des responsables politiques estiment que le France, non concernée par le problème, devrait rester sur la touche et assister en simple spectatrice aux développements politiques à venir.
Que la France soit impliquée, la seule question des prisonniers basques suffirait à le démontrer. Les prisons françaises en détiennent 153. Ils sont dispersés entre 31 établissements. Au mépris des conventions internationales et de la législation française qui prévoient qu’un détenu doit purger sa peine dans un lieu proche de son environnement familial, les prisonniers basques en sont éloignés de 822 km, ce qui signifie que leurs familles, pour un parloir d’une heure, doivent parcourir en moyenne 1644 km.
La situation est la même en Espagne. Il en résulte des accidents de la route qui, ces dernières années, ont fait plus de victimes qu’il n’en était imputé aux actions d’ETA. L’apaisement nécessaire au bon déroulement des négociations à venir exige que les états espagnol et français apportent une solution commune à des conditions pénitentiaires en totale contradiction avec leurs législations respectives.
Au-delà du problème particulier des prisonniers, la France, son gouvernement et ses organisations politiques ne sauraient rester à l’écart de l’initiative en cours. Ils doivent s’y engager parce que, même si les tensions n’ont pas eu au Pays Basque nord la même intensité dramatique qu’au sud, on trouve, de part et d’autre des Pyrénées, un même peuple nourri de la même culture et attaché à préserver la même langue. La France doit enfin s’impliquer parce que le retour à la paix est un objectif si précieux qu’une dérobade serait inconcevable de la part de toute partie susceptible d’aider à l’atteindre.

Gilles PERRAULT écrivain
Jacques GAILLOT évêque de parthénia