Lettre ouverte d’un parent d’élève

Madame, Monsieur,

Parent d’élève, j’ai découvert la situation de la famille de « X » avec surprise, effarement et interrogation. Je me suis rendu compte que la petite fille qui venait chez moi jouer avec ma fille et dormir de temps en temps habitait dans une chambre d’hôtel « bas de gamme » depuis son arrivée en France en septembre 2004 et qu’aujourd’hui, l’Etat lui demandait de quitter son logement et le territoire français.
_ Avec d’autres parents d’élèves, avec les enseignants, je ne peux me résoudre à fermer les yeux, à offrir à mes propres filles l’image d’un père résigné, d’une société où certains enfants sont « jetables » ; je ne peux tout simplement pas accepter que « X », sa mère et son père se retrouvent dans la rue ou utilisent des méthodes dangereuses ou illégales pour se cacher… car c’est bien ce qui risque d’arriver tant leur peur de retourner dans leur pays est forte !

Pour les aider, il n’existe qu’une seule solution : que les parents d’élève se mobilisent concrètement en venant nous rejoindre au sein de l’association créée à cette occasion, en y adhérant ou en la soutenant financièrement, en participant aux actions engagées, concrètes : assurer des cours de français ; aider à la recherche de promesse d’emploi, trouver un logement d’urgence.

L. B. (parent d’élève)

Voici quelques éléments de fait qui peuvent vous permettre de comprendre la situation :

La situation de la famille en France :
La famille est arrivée en septembre 2004.
_ Une demande d’asile a été faite et la famille et a été refusée en octobre 2005.
_ « X » a reçu un enseignement adapté qui lui a permis de maîtriser rapidement le français. A la rentrée 2005, elle a intégré la classe de CM1.
_ Avril 2006 : invitation à quitter l’hôtel financé par la DDASS.
_ Depuis le 11 mai : expulsion de l’hôtel ; logement précaire via le collectif de soutien.
_ Seules aides concrètes : conseil général (280 euros/mois accordés mois par mois) ; CCAS (Mairie) pour la cantine ; resto du cœur pour l’essentiel de l’alimentation.

La situation de la famille dans son pays d’origine
_ La forte tension sociale entre les factions en présence (intégristes ; milices et police) génère la suspicion et la brutalité. Celui qui comme le père de « X » a été approché par l’une des factions à un moment donné ne peut revenir en arrière. Pour les groupes armés qui ont tenté de l’enrôler, il sera toujours un déserteur à abattre, d’autant plus qu’il a tenté de se mettre sous la protection de la police. Pour la police, il sera toujours considéré comme terroriste pour s’être approché à un moment donné des groupes armés. Et dans son milieu d’origine, pourra-t-il un jour être considéré comme avant ? Peut-il alors rester caché comme un clandestin dans son propre pays au risque d’ailleurs d’entraîner des représailles sur les siens ? C’est pourtant ce qui lui est arrivé pour avoir courageusement refusé d’appartenir à un groupe violent. Comment alors faire semblant de croire qu’un retour est possible ?

L’analyse de leur dossier
_ Toutes les pièces du dossier retraçant les démarches successives qui ont été entreprises montrent à la fois la détermination des demandeurs à franchir les obstacles et le manque de bienveillance manifesté par les commentaires parfois choquants qui tiennent lieu de motivation de refus. En particulier, il apparaît que les motifs invoqués par les autorités sont purement formels et artificiels, que les parents de « X » n’ont pas été à même d’expliquer la dangerosité de leur situation lors de leurs auditions, qu’aucun recoupement entre leurs explications et l’état politique et religieux du pays n’a été effectué et que, par conséquent, la réalité de la situation vécue n’a pas été prise en compte.

Qu’avons-nous fait ?
• Rencontre avec les différents partenaires publics et privés s’occupant de la famille.
• Rencontre avec une traductrice pour établir les CV des parents : le père est plâtrier, ce qui est recherché, et la mère est couturière.
• Discussions avec le Maire ; avec le Préfet lors de l’inauguration de la médiathèque.
• Création d’une association d’entraide et de solidarité pour avoir un cadre d’action.
• Quêtes en faveur de la famille, relayées par l’association.
• Rénovation d’un logement précaire utilisable environ un mois et demi.
• Tests des capacités professionnelles en vue d’une recherche de promesse d’emploi.
• Les enseignants sont en train de mettre en place des cours intensifs de français pour les parents.

Qu’avons-nous obtenu ?
_ Contrairement à ce que laissent penser certains articles de journaux, le Préfet s’est seulement engagé à ne pas expulser la famille tant que « X » est scolarisée (ce qui est conforme à la déclaration des droits de l’enfant). En d’autres termes, jusqu’à fin juin, pas d’expulsion du territoire… mais après ? Tout reste donc à faire…

{{Dire non à une famille dans la rue, NON à une enfant en errance, NON à la mort ou à la soumission qui guette au dans un pays ou un autre.
_ Non, à plusieurs voix, ensemble.}}