Civilisation et effondrement

Commençons cette discussion en définissant deux choses : la civilisation et l’effondrement.

Civilisation

Avec sa racine provenant du mot latin « civis » qui signifie « citadin », la civilisation peut être interprétée comme le produit final d’une suite d’institutions (l’église, l’état et l’industrie, pour en nommer certaines) qui ont combiné leur influence et leur pouvoir pour créer et maintenir des villes, comme un moyen de faire durer leur pouvoir.

Vu l’incapacité physique des villes à maintenir de grands nombres de vies humaines qui seraient indépendantes de ces institutions, ielles ont créé une structure-pouvoir qui a pour but final la dépendance totale de tous ses sujets, cet empire a grandi au point que même celleux qui dirigent l’agrandissement de la civilisation seraient maudits sans elle.

Telle est la nature de toutes les civilisations, passées et présentes, qui s’élèvent tout autour du monde à travers le temps, avec peu ou aucun contact entre elles, s’effondrant lorsqu’elles ont épuisé toutes les ressources qu’elles pouvaient atteindre physiquement. Seulement maintenant, avec le modèle techno-industriel, une seule civilisation est capable de s’étendre globalement sans même atteindre sa masse critique, maintenant l’épuisement de cette forme de ressources de civilisations porte avec elle la mort de la plupart des formes de vies sur terre, puisque chaque arbre, rivière, montagne et océan est maintenant capable d’être récolté et l’environnement naturel est rendu obsolète avec des technologies hautement sophistiquées comme les nanotechnologies utilisées pour tenter de maintenir la civilisation et le pouvoir qu’elles donnent à celleux qui se trouvent en haut des hiérarchies sociales.

La civilisation peut aussi être interprétée comme une mentalité ou une façon de se comporter – caractérisée par le terme « civilisé » – la totalité de la domestication humaine, la soumission totale au mythe du progrès qui a, dans le monde civilisé, complètement remplacé le vieux dogme religieux barbare avec un nouveau modèle scientifique « civilisé » qui recherche à « comprendre » chaque aspect du monde physique et psychologique via un contrôle total et la manipulation de l’échelle sociale à l’échelle atomique.

 

Effondrement

D’un point de vue anti-civilisation, « effondrement » fait référence à l’arrêt définitif des institutions qui rendent la vie civilisée possible. Certaines personnes pensent que l’effondrement du monde est synonyme de « révolution » et partage le même processus systématique et le même effet global, mais ce n’est qu’une autre forme du mythe du progrès qui pénètre les esprits de tellement de « révolutionnaires » ou d’activistes politiques. Nombreux-es qui se disent s’opposer à la civilisation et rêvent d’ « effondrement » rêvent d’un futur où la civilisation se rapproche de sa ruine et où l’immense population humaine et ses nombreuses factions de guerre atteindraient une quelconque « illumination » dans la perspective des catastrophes globales irréversibles amenées par la civilisation industrielle et son fonctionnement. Cette réalisation soudaine encouragerait les factions de guerre et la population humaine à stopper la production industrielle, s’abstenir de se reproduire, s’auto-organiser horizontalement et revenir à un mode de vie plus agraire dans d’abondants pâturages de permaculture. Ce n’est pas plus un rêve irréaliste, utopique, progressiste et anthropocentrique que celui des civilisations vertes, « eco-friendly », durablement approvisionnées et technologiquement sophistiquées que les anarchistes sociaux et travaillistes et que les organisations et partis capitalistes environnementaux prônent.

Où on va à partir de ça ?

Soyons honnêtes, il n’y aura pas de pâturages abondants, chaque chose que la civilisation a créé, elle la détruit et maintenant nous contemplons un monde où la plupart des biorégions sauvages habitables par les humain-e-s sont complètement détruites ou toxiques et la majorité de la faune humaine et non-humaine a été exterminée ou réduite en esclavage.

En partant de ce constat, nous devons nous rendre à l’évidence que nous – anarchistes, nihilistes, insurrectionnalistes, amoureu-se-s de la nature et ainsi de suite – ne déclencherons jamais un effondrement industriel à grande échelle, les structures-pouvoir sont trop fortes, et celleux qui tentent de réaliser leurs tendances vers la liberté sont trop peu nombreu-se-s.

Ce qui est resté intacte de la nature ne pourrait pas maintenir une fraction de la population humaine actuelle, et les choses ne vont faire que s’empirer pour très longtemps encore.

Même si la civilisation s’arrêtait à cette seconde même, nos sacs plastiques et filets de pêche perdus en mer continueraient à ravager les océans pour des siècles, les centrales nucléaires continueraient à fondre et les déchets déjà produits par elles continueraient à empoisonner l’air et la terre pour des millénaires, tandis que les mentalités violentes produites par la civilisation survivraient à tout ça, si, bien sûr, les humain-e-s sont capables de survivre à tout cet environnement toxique créé par leur propre imprudence.

Abandonner les béquilles de l’espoir

L’espoir, qui est un synonyme de la croyance dans le « futur », est l’élan derrière lequel la plupart des mouvements sociaux anarchistes se rangent, cependant, celleux d’une tendance anarcho-nihiliste cherchent à abandonner cet espoir, et avec lui le poids mort du passé et le fardeau du futur, et à la place commencent à vivre dans le vrai monde, et non dans le monde imaginaire de ce qui devrait arriver ou de respirer la vie dans le cadavre obsolète de l’anarchisme social. Si nous devons combattre la civilisation avec une quelconque chance de réussir, nous devons nous focaliser et nous concentrer pour frapper son infrastructure là où elle est le plus faible ; mais ces faiblesses, pour la plupart, ne se trouverons pas dans des villes, car les villes sont le cœur des forteresses de la civilisation. En ce moment, la mégamachine est encore assez forte pour que n’importe quelle révolte sous forme de « mouvement » et dégâts dans les villes ne la blesseront pas vraiment ; et si par on ne sait quel moyen, cela posait une menace suffisamment grande pour que les agissements de la civilisation soient un tant soit peu dérangés, les coupables seraient de toute façon tué-e-s ou enfermé-e-s et les choses retourneraient très vite à leur cours habituel ; deux bons exemples sont la campagne SHAC(Stop Huntingdon Animal Cruelty) et l’insurrection d’août 2011 en Angleterre, mais il y a d’innombrables autres exemples.

La liberté hors de la tyrannie ne peut se trouver dans les villes non plus, en tant qu’individus qui vivent pour défier le système, ou en tant qu’individus qui vivent tout court, il est dans notre intérêt de nous évader des villes tant qu’on le peut, car lorsque la civilisation commencera à décliner, elle commencera inévitablement par un stade de renfermement dans les régions-forteresses, et les punitions pour avoir créé ou promu la rébellion seront probablement beaucoup plus sérieuses. Comme si l’état des choses actuelles n’était pas suffisamment mauvais, faisant face à un état policier de plus en plus sophistiqué, à la pollution qui s’empire, l’infini bombardement de substances abrutissantes et de propagandes d’endoctrinement sous forme d’informations et de publicités, et – peut-être le plus préoccupant de tous – la misère de l’aliénation sociale généralisée soutenue par une toile complexe d’institutions et une dépendance manufacturée aux technologies pour guérir la plaie là où nos connexions à la nature sauvage et nos instincts ont été amputés.

Cette analyse nous amène à la compréhension actuelle que les points faibles déjà mentionnés se trouveront le plus souvent dans des zones récemment ou peu industrialisées, et il est presque certain que ces faiblesses ne seront pas dues à l’action de révolutionnaires, mais le résultat des actes mêmes de la civilisation ou de catastrophes environnementales hors de l’influence ou du contrôle humain.

Ces faiblesses se présenteront sûrement sous la forme de débâcles économiques, famines, guerres de ressources, tempêtes, tremblements de terre et ainsi de suite, en tant que résultat direct et indirect de la civilisation industrielle. Ceci couplé avec une agitation croissante des populations humaines, ou des factions diverses combattant le pouvoir, il est fort à parier que celleux avec un grand pouvoir investi dans la civilisation industrielle tenteront de préserver leurs ressources et opéreront une retraite tactique loin des zones affectées par ces faiblesses, laissant derrière elleux ce qui peut être reconnue comme une zone « effondrée ». Cet « effondrement » laisserait de nombreuses infrastructures de valeur, dont la régénération de la civilisation sera dépendante, tels que les barrages, les systèmes de télécommunication, les routes, les chemins de fer et les réseaux électriques (et je sais que tu peux penser à quelques autres), vulnérables à des attaques. S’ils se faisaient attaquer pendant leur retrait de la civilisation, il deviendrait bien plus dur de les ré-établir et les biorégions auraient une chance de se régénérer.

Néanmoins, cette tactique est dure à supporter pour beaucoup de gauchistes, anarchistes-civil-e-s [1], activistes et ainsi de suite. Par exemple, ielles voudraient que tout le monde pense que détruire un réseau électrique dans une région touchée par une tempête est « immoral » et « irresponsable » à cause des risques accrus de mortalité humaine [2], ou que ce ne serait pas une action que « le peuple » soutient, mais en attendant tout le temps une « révolte populaire » et en soutenant la civilisation, des mentalités si anthropocentriques et gauchistes ne sont utiles qu’à rendre le système techno-industriel plus fort, et une tentative de désarmer celleux qui veulent le voir détruit.

Cette référence à la mortalité humaine nous amène à la prochaine étape de notre analyse. Il a été précédemment dit que la plupart des points faibles dans la mégamachine ont peu de chances de se trouver dans des villes, mais il y a une faiblesse mortifère qui leur est inhérente qui est une cible nécessaire pour nos attaques. Cela a peu d’utilité d’attaquer l’ascension financière ou scientifique, car le sabotage économique ne marche que jusqu’à ce que l’État trouve de nouvelles manières de se procurer les ressources dont il a besoin pour continuer son travail, ou de nouvelles méthodes pour détruire la résistance (encore une fois, comme on a pu le voir dans la collaboration globale des États impliqués dans la répression contre la campagne SHAC).

Les scientifiques, ces prêtres de la civilisation qui poussent les limites de l’esclavage et de la domination technologique toujours vers l’avant, sont celleux qui rendent la destruction de la liberté même possible, d’un niveau social à un niveau moléculaire. Ielles sont les cerveaux informatisés qui contrôlent les mécanismes de la civilisation, et ce sont les cerveaux dans lesquels nos balles seront les plus utiles.

Nous pensons que ceci est la vraie faiblesse qui se trouve dans les villes, car ce sont les humain-e-s-les propriétés les plus chères à la civilisation et c’est dans le meilleur intérêt des dominateur-e-s de protéger leurs servant-e-s dans leur état de surveillance en villes-forteresses, mais un bon nombre d’attaques autour du monde nous l’a montré, ielles ne sont pas suffisamment protégé-e-s.

Pour une résistance sauvage

Maintenant que j’ai donné mon opinion, que les villes sont des prisons du civilisé et que la révolution dans ces lieux n’est pas grand-chose de plus qu’une illusion pour celleux qui sont condamné-e-s à l’espoir. Nous cherchons à proposer un tournant tactique auprès des anarchistes anti-civilisation et insurrectionnalistes de toutes tendances, que la migration en tant que collectifs autonomes d’allié-e-s et ami-e-s de confiance ou en tant qu’individus, loin des villes vers des endroits que la civilisation n’a pas encore détruit ou domestiqué entièrement, avant que le filet de l’autorité ne se referme complètement dans la tempête qui vient. Ceci n’est pas une suggestion de fuir la civilisation et de s’enfermer dans l’isolation, entretenir des parcelles de légumes et s’entraîner à avoir des compétences primitives en « paix » – c’est une proposition de prendre l’initiative de s’améliorer tactiquement, de continuer et intensifier la guerre contre la civilisation dans ce qui sera certainement des temps difficiles. Nous voulons rappeler notre opinion que les choses vont seulement s’empirer, et qu’adopter cette stratégie de résistance sauvage signifie l’appliquer immédiatement, pas attendre pour d’autres « signes » de ce qui va arriver.

Depuis ces endroits sauvages, nous aurons la chance de mieux nous armer, redevenir sauvages, et s’entraîner pour la préservation de notre propre liberté, la défense des régions non touchées ou abandonnées par la civilisation industrielle et d’attaquer de façon effective son infrastructure et ses mécanismes là où ils sont faibles, enfonçant le dernier clou dans le cercueil de cette société mourante.

Comme l’histoire nous l’a appris, ces « refuges » de résistance seront menacés dès que celleux qui dirigent la société industrielle décident de chasser d’autres ressources, ou si ses attaqueur-se-s sont suivi-e-s jusque chez elleux. Néanmoins, si les attaques contres les infrastructures déjà affaiblies sont efficaces pour ralentir l’expansion de la civilisation dans les moments d’instabilité, et que les locations de cellules ou d’individus subversif-ve-s sont choisis stratégiquement, il n’est pas impossible que nous soyons capables de nous défendre suffisamment longtemps pour que l’État puisse reconsidérer une extension vers des zones à nouveau sauvages à cause du poids supplémentaire de la nécessité de mener une guérilla de basse intensité contre des milices autonomes à chaque fois qu’ielles essaient de régénérer. Cela peut s’avérer être trop de choses à gérer, en devant en plus mener des guerres de ressources contre d’autres pouvoirs globaux aux nouvelles frontières amenées par le réchauffement climatique et des frontières politiques changeantes.

Dans ce sens, il ne sera pas possible de créer des communautés ou situations dans lesquelles nous voulons vivre, préserver notre propre sauvagerie et liberté et tenter de défendre la nature sauvage au bord d’une civilisation mourante, la possibilité d’encourager la croissance de la nature sauvage dans les régions « écroulées » en arrêtant celleux qui cherchent à recoloniser ces zones sous la bannière du système techno-industriel par tous les moyens nécessaires se présentera elle-même à des individus/groupes. Un appel aux armes à l’Internationale Noire des anarchistes de praxis et au projet Green Nemesis. Force à toutes les cellules et affinités de l’ELF/FAI/IRF.

Pour la mort de la civilisation !

Vive l’anarchie !

NOTES

[1] Certaines attaques très inspirantes contre des scientifiques dans les dernières années ont notamment inclus la campagne encore en cours dirigée contre les nanotechnologies, les biotechnologies et d’autres temples de la civilisation industrielle au Mexique, et les balles dans les genoux de Roberto Adinolfi, le chef exécutif de Ansaldo Nucleare, une attaque orchestrée en Italie par l’Olga Nucleus de la FAI/FRI. Nicola Gai et Alfredo Cospito sont maintenant incarcérés en Italie pour cette action et leurs adresses sont disponibles sur internet.

[2] Note de Breakdown Edition : On pense vraiment que c’est une méthode de merde, s’il vous-plait, réfléchissez un peu plus avant de faire des actions à la Ted Kaczinsky

via Breakdown Edition