Les actions de pointe ne sont pas la priorité

Les actions de pointe, comme les manifs sauvages par exemple, doivent s’appuyer sur une base solide. Quand cette base s’effrite, les actions de pointe deviennent de moins faciles à réaliser car de moins en moins populaires ; le nombre de participants s’affaiblit, et, pour compenser, les actions se radicalisent et virent facilement au terrorisme, qui finira

toujours

par être manipulé par l’État.

Or, que vois-je, nous perdons chaque jour certaines de nos bases, et le simple fait que la coordination de Lyon n’ait pas pu se tenir à l’endroit prévu au départ parce que le blocus de Lyon2 a été levé est un signe qui ne trompe pas. C’est un puissant avertissement, c’est même un coup de semonce, dont nous devons tenir compte.

Nous sommes à un moment critique du mouvement. Rien n’est perdu si nous savons établir un état des lieux correct et une bonne stratégie pour la suite. Nous allons gagner à la condition de nous préoccuper de consolider nos bases afin d’être bien sûrs de ne pas les perdre, et de faire ce qu’il faut pour reconquérir celles que nous avons perdues. Ceci doit passer avant de savoir comment et où réaliser la prochaine action de pointe ; sinon, bientôt, ce sera la fin du mouvement et de la vraie vie qu’il nous a donnée en cadeau de bienvenue et en signe de ce que pourra être le monde nouveau dont nous rêvons toutes et tous.

CONSOLIDER NOS BASES
Je vais parler ici des bases que le mouvement tient encore.

L’on entend dire de ci de là que chaque jour le nombre d’antiblocages est plus nombreux que la veille dans les AG. Il faut remédier à cela en démontant systématiquement dans chaque AG la propagande télévisuelle destinée à tuer le mouvement.

Bien expliquer dans chaque AG qu’en mai 68 il y a eu 99% de reçus aux examens et qu’il ne se peut pas que les diplômes ne soient pas livrés comme chaque année aux étudiants ou aux lycéens ; car, sinon, les universités devraient fermer leurs portes.

Bien expliquer dans chaque AG que les antiblocages sont manipulés par le pouvoir. Que leur base sociale c’est l’UNI et l’extrême droite.

Bien expliquer dans chaque AG qu’il n’est pas question de lâcher car les meilleurs d’entre les nôtres sont en tôle et que nous devons les sauver. Une amnistie généralisée doit bien entendu faire partie des principales revendications et être systématiquement rappelée comme étant prioritaire de même que la lutte contre la répression et pour l’abolition de l’État policier qui est flagrant depuis que Chirac a confié au chef de la police (Sarkozy) le soin de « résoudre la crise ».

Bien expliquer dans chaque AG que les médias du pouvoir manipulent pour pousser à la reprise. Prendre systématiquement et chaque jour le temps de démonter chaque manipulation du pouvoir. Et en particulier bien démonter le piège classique par lequel meurt chaque mouvement un peu puissant :

Les discours dans le stile « on arrête le blocus (ou même la grève) mais pas la mobilisation, la mobilisation peut prendre une autre forme », ce genre de discours doit systématiquement être détruit avec des arguments solides. Par exemple, en faisant remarquer que c’est le blocus qui a permis de construire le mouvement et que c’est en supprimant le blocus que l’ennemi le tuera. Cet argument me semble facile à développer.

L’attitude à tenir vis-à-vis des antigrévistes et des antiblocages est variable. Il faut savoir discerner entre les antigrévistes et antiblocages virulents et les suivistes.

Bien expliquer à tout le monde dans chaque AG quelle est la base sociale, c’est-à-dire qui sont les chefs des antigrévistes et antiblocages virulents : l’UNI et les fascistes.

Partant de là il nous sera permis de faire ce qu’il faut faire pour que la grève dure avec un vrai blocage et une vraie occupation des locaux.

Nous devons être « COOL MAIS FERMES ! », c’est-à-dire accepter de discuter amicalement ou presque avec les non-grévistes et antiblocages non-virulent afin de leur expliquer la situation, être cool avec eux autant qu’il est possible. Mais, nous devons être d’une telle fermeté avec les antigrévistes et les antiblocages virulent qu’ils en soient au bout d’un moment découragés de revenir ! Je vous précise qu’en 1975, dans ma fac, j’ai discuté pendant des heures avec une vingtaine de non grévistes non virulents et que l’année suivante ils faisaient partie des meilleurs grévistes ! Donc, la distinction entre antigrévistes virulents et non virulents est essentielle à tous les niveaux.

Voilà, c’est comme cela qu’il nous sera possible de renforcer nos bases, celles qui tiennent encore, celles qui appartiennent encore au mouvement.

RECONQUÉRIR NOS BASES

Après avoir suffisamment rafermi nos bases et être sûrs de ne plus pouvoir les perdre, nous devons nous préoccuper de reconquérir les bases que nous avons perdues. C’est-à-dire qu’il faut essayer de remettre en grève les universités et les lycées qui ont été en grève mais qui n’y sont plus.

Pour les universités, je propose que chaque base solide envoie dans une université perdue, c’est-à-dire où les cours ont repris, une délégation massive afin de la remettre en grève en aidant une fois sur place les activistes déjà présents à envahir les amphis pour expliquer l’urgence de la situation aux personnes présentes en utilisant bien sûr les mêmes arguments que ceux qui ont servi à raffermir nos bases. C’est ainsi que nous procédions après 68 et dans les années 1970

Pour les lycées, la technique la plus efficace que je connaisse est celle qui avait été utilisée par les lycéens en 1986 :

Les lycées se mettent en grève les uns les autres : un lycée en grève se déplace massivement, c’est-à-dire en entier, vers un autre lycée de la même ville, rentre dedans ce lycée sans demander la permission à qui que ce soit et rentre sans plus de permission dans les salles de classe pour demander à toutes et à tous de sortir de l’établissement afin d’aller mettre les autres lycées en grève par la même méthode. Cette méthode a aussi été employée pour les lycées privés. Des lycées publics aidant les lycées privés à se mettre en grève. C’est d’une efficacité absolue. Et ça fait une belle manif sauvage. En 1986 de telles manifs sauvages faisant le tours de tous les lycées de la ville avaient lieu chaque jour dans chaque ville de ce pays !

CONCLUSION :

J’espère vous avoir convaincu qu’avant même de songer à faire des actions de pointe, il faut se préoccuper de consolider et de reconquérir la base même de notre mouvement ; car, je le rappelle une fois encore : les actions les plus offensives doivent s’appuyer sur une base solide sous peine de perdre tout leur sens avant de disparaître ou de très mal tourner.

Ceci veut dire qu’à mon avis, les meilleurs activistes devraient avant toute autre chose s’occuper de renforcer nos bases puis de les reconquérir. Et ne faire des actions de pointe que s’il reste du temps et de l’énergie pour cela.

les actions de pointe sont la cerise sur le gateau, mais faut-il encore qu’il y ait un gâteau !

Merci pour votre attention,
_ Meilleures salutations,
_ do
_ http://mai68.org

Post-scriptum :

Il faut démonter en AG la propagande de peur faite à la télé par rapport aux examens et lire ceci :

Faire même dans chaque AG du pays une lecture de l’étude en question et en discuter collectivement avec tout le monde.

FAIRE CIRCULER CE MESSAGE PARTOUT OÙ CELA SERA UTILE. Notamment à la coord mais aussi auprès des activistes de chaque ville.