A l’occasion de l’arrêt du Conseil d’Etat validant le Contrat Nouvelle Embauche en octobre dernier, des internautes avaient déjà soulevé la question de la notion de « neutralité politique » des magistrats vue par une institution de cette nature. Voir, par exemple:

dont l’auteur écrit notamment:

« Quels sont les critères d’impartialité de la justice administrative française au plus haut niveau ? Force est de constater que les liens entre les conseillers d’Etat et le monde politique sont nombreux, et que les institutions françaises n’estiment pas que ça puisse mettre en cause l’impartialité de leurs jugements. C’est en soi un choix politique. Mais qu’en pensent le justiciable « de base », le citoyen, le travailleur… ? C’est une question ancienne, mais l’arrêt rendu hier par la Section du Contentieux du Conseil d’Etat sur le Contrat Nouvelle Embauche devrait nous inciter à l’examiner de plus près. » (fin de citation)

Le Conseil d’Etat est une pièce essentielle de la politique française, de par ses rapports et avis qui jouent un rôle très important dans l’élaboration de réflexions politiques au sommet, lois, décrets… Mais en même temps, il est l’un des juges de ces lois et le juge des décrets. De nombreuses personnalités du monde politique ou liées à ce milieu peuvent être tantôt ministres ou conseillers de ministres, ou directeurs de grands établissements, ou encore parlementaires… tantôt en activité au Conseil d’Etat et souvent membres de la Section du Contentieux qui juge les litiges impliquant ministères et grandes administrations.

Lorsqu’on s’adresse à des parlementaires pour évoquer un problème concernant une décision du Conseil d’Etat, on se heurte en général à des fins de non recevoir au nom de la « séparation des pouvoirs ». Mais y a-t-il vraiment séparation effective des pouvoirs, si on peut voir son litige jugé par des personnalités provenant par exemple de cabinets du même gouvernement dont dépend l’administration avec laquelle on se trouve en litige? Les « élites » du pays pensent que c’est très bien de cette façon, mais a-t-on demandé l’avis des citoyens?

Pour l’arrêt sur le Contrat Nouvelle Embauche,

sauf méprise de notre part seuls les noms du rapporteur d’audience et du commissiare du gouvernement ont été rendus publics. Les archives du Conseil d’Etat mises à la disposition des justiciables ne semblent pas contenir la feuille faisant état de la composition complète de la formation de jugement dont le Président aurait été le Président de la Section du Contentieux Bruno Genevois, mais on ne connaît pas les autres membres, pas plus que l’identité des rapporteurs réels qui ne sont pas forcément le(s) même(s) que le rapporteur d’audience. A ce jour, les centrales syndicales destinataires parties à l’instance et qui en tant que telles sont censées détenir ces informations n’ont pas jugé utile de les rendre publiques.

Avec tout le respect dû à la Haute Juridiction et à ses magistrats, le citoyen « de base », le travailleur salarié ou fonctionnaire, ou privé d’emploi… peuvent penser que ce fonctionnement est trop opaque et qu’il serait souhaitable de remplacer le Conseil d’Etat par un tissu institutionnel beaucoup plus proche des citoyens et du monde du travail. Demandons-le!

DANS LES MOBILISATIONS CONTRE LE CPE, DEMANDONS EGALEMENT LA SUPPRESSION DU CONSEIL D’ETAT ET SON REMPLACEMENT PAR UN ENSEMBLE D’INSTANCES PLUS PROCHES DU PEUPLE REEL!

Pour clore, et même si c’est un détail marginal, on remarquera qu’alors que le Conseil d’Etat et ses membres cautionnent et préconisent, dans ses rapports, avis, décisions… une évolution du pays vers une plus grande précarité des citoyens et des travailleurs et le renforcement des pouvoirs dicrétionnaires, la situation professionnelle des conseillers d’Etat eux-mêmes reste à l’abri de cette évolution. Sur le site du Conseil d’Etat, on peut lire à propos des « garanties d’indépendance »:

« C’est finalement davantage de la pratique que viennent les garanties dont jouissent les membres du Conseil d’État.

Trois pratiques sont à cet égard aussi anciennes que décisives :

– tout d’abord, la gestion du Conseil d’État et de ses membres est assurée de façon interne, par le bureau du Conseil d’État, composé du Vice-Président, des six présidents de section et du secrétaire général du Conseil d’État, sans interférences extérieures ;

– ensuite, même si les textes ne garantissent pas l’inamovibilité des membres du Conseil, en pratique, cette garantie existe, sauf situation tout à fait exceptionnelle, comme en 1940-44 ;

– enfin, si l’avancement de grade se fait, en théorie, au choix, il obéit, dans la pratique, strictement à l’ancienneté, ce qui assure aux membres du Conseil d’État une grande indépendance, tant à l’égard des autorités politiques qu’à l’égard des autorités du Conseil d’État elles-mêmes. « 

(fin de citation)

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