Réflexions sur un cas pratique exemplaire.

La sourde polémique qui enfle autour du 2e aéroport de Toulouse constitue le type même du « faux débat » sur fond de polémique et de démagogie politiciennes.
Il est l’illustration parfaite du double discours que tiennent les gestionnaires, de Gauche comme de Droite, du système marchand à propos de la protection de l’environnement.

Sans entrer dans les détails chiffrés, et les projections plus ou moins fantaisistes, allègrement manipulés par les uns et les autres, ce qui ce joue, c’est le développement du trafic aérien en général et dans dans la région Midi-Pyrénées en particulier. Il est évident qu’au rythme où celui-ci se développe, et vu les contraintes qu’il impose, et qu’on lui impose, l’aéroport de Toulouse-Blagnac est entrain d’atteindre les limites de ses capacités. Dans la logique actuelle du développement aérien un deuxième aéroport est nécessaire, et plus tard un troisième… Mais est ce là la véritable solution ?

CE QUI SE JOUE DERISOIREMENT

La mairie de Toulouse à bien évidemment tout intérêt à limiter le développement de l’aéroport de Blagnac pour apaiser la colère des riverains de la ville qui subissent ses nuisances. Obtenir pour elle un nouvel aéroport loin de la ville est d’un avantage électoral non négligeable.

Les Conseils généraux du Tarn et Garonne et de l’Ariège, sont les premiers visés par une telle perspective… puisque c’est dans un de ces deux départements que devrait se situer le site choisi. Les populations de ces départements qui ne souhaitent pas voir s’implanter un tel monstre de nuisances font pression sur leurs élus, pour les éviter. Les élus craignant pour leurs sièges, adhèrent courageusement et spontanément aux souhaits de leurs électeurs. Leur position est surdéterminée par le fait que leur principal « adversaire » dans cette affaire, la Mairie de Toulouse, n’est pas de la même couleur politique. Gageons que dans le cas inverse, les rôles seraient strictement inversés.

Tout cela tient en fait de la cuisine politicienne et électorale. Droite et Gauche au lieu de poser le véritable problème, manipulent chacune de leur côté les populations, par des batailles de chiffres que personne ne peut vérifier. Pourtant, que ce soit la Droite ou la Gauche, leur raisonnement est le même quoique, nous venons de le voir, leurs intérêts électoraux sont opposés : il faut développer le trafic aérien. Chacun est pour à condition que ce soit le voisin qui supporte les nuisances.

CE QUI SE JOUE FONDAMENTALEMENT

Car quel est le véritable problème ? C’est celui de la logique du développement du trafic aérien. Accepter cette logique qui est fondée sur une expansion illimitée est une véritable absurdité économique et écologique.

Autrement dit, disons le clairement : il ne faut pas de deuxième aéroport. Est-ce à dire que l’on va stopper le développement de trafic aérien ? Bien sûr. Il est même aujourd’hui nécessaire de limiter ce transport ruineux en énergie et destructeur sur le plan de l’environnement…. Mais cela aucun politicien n’aura le courage de le dire… pas même les écologistes officiels. Ceci implique de repenser sur des bases nouvelles le développement industriel… tâche insurmontable et inimaginable pour les politiciens.

Dans un système où tout est fait pour l’argent, pour les apparences, pour le prestige, les autorités sont incapables de penser l’avenir : les économies d’énergie, la sauvegarde de l’environnement, la mise à l’étude de nouveaux moyens de transports (le dirigeable par exemple). J’exagère ? Mais qui aurait pu imaginer il y a trente ans que l’on serait revenu au moulin à vent – l’éolienne ?

Dans un système économique où tout est subordonné à l’argent, il n’y a pas place pour la réflexion, l’imagination et la consultation orientée vers le mieux-être des populations et le respect de l’environnement.

Il est évident qu’à terme le transport aérien tel qu’on le connaît sera condamné ou du moins extrêmement limité. Il n’y aura plus ces monstres de pollution atmosphérique et de consommation de carburant que sont les A380 et autres machines du même genre. Il faudra alors limiter les voyages aériens… Quel homme/femme politique va oser poser ce problème ?… Aucun-e.

On ne peut pas éternellement parler doctement d’économie, de soit disant « développement durable », de défense de l’environnement et ne jamais prendre des mesures efficaces. Ici il y a la possibilité de prendre une décision courageuse… mais aucune autorité n’osera la prendre, pas même l’évoquer.

L’affaire du 2e aéroport n’est qu’un exemple de l’incompétence, du manque de lucidité et de l’indétermination des autorités. Le problème de la circulation automobile, de la distribution de l’eau, du traitement des déchets et bien d’autres encore… sont les aspects multiples du problème plus général, celui de la gestion raisonnée des ressources et de l’espace.

Cette affaire est une bonne illustration de ce qui se joue et de comment ça se joue. Aucune disposition positive n’est prise. Au lieu d’avoir un rôle éducatif et pédagogique sur l’urgence des mesures à prendre, les autorités, prisonnières, et finalement complices, des contraintes marchandes et des intérêts politiciens s’enfoncent dans des solutions conflictuelles qui non seulement accroissent la tension, mais nous éloignent socialement des véritables dispositions à prendre, jouant à terme les populations les unes contre les autres… pour finalement emporter la décision (diviser pour régner). Elles démontrent leur soumission à un système à l’égard duquel elles sont incapables d’avoir une vision critique… elles montrent qu’elles sont les garantes non pas de l’avenir de notre société mais d’intérêts mercantiles immédiats.

Les problèmes ne sont jamais pris dans leur globalité.. Les politiciens n’ont aucune vision globale de l’évolution de la société humaine mais ne sont que les porte paroles de processus économiques aberrants et qui nous conduisent à la catastrophe.

Dans cet affaire du 2e aéroport nous allons assister à des conflits mesquins qui vont aboutir à des conflits beaucoup plus sérieux : aucune population n’acceptera, et à juste titre, une telle infrastructure…. L’affrontement entre population et autorités est inévitable.

J’exagère ?…. Dès aujourd’hui je prends date.

Patrick MIGNARD

Toulouse- janvier 2006