La réputée chercheuse Marie-Victoire Louis estime qu’il n’y a rien pour les femmes dans ce projet: «Je suis femme, je suis féministe. Je vote «non» au projet de constitution européenne, écrit-elle. Parce qu’il n’y a rien dans ce texte qui puisse donner de raison positive à une femme de le voter, tandis que les motifs de refus sont légion. Pour toutes et tous. Pour aider à sa compréhension, je me suis posée certaines questions que je n’avais pas vues traitées dans les textes critiques et/ou dont les réponses ne m’avaient pas satisfaites». (Lire: «Je suis femme, je suis féministe. Je vote «NON» au projet de Constitution européenne», par Marie-Victoire Louis. Aussi sur le site de l’auteure). L’auteure décortique les principaux articles du projet de Constitution.

La Coordination féministe, qui regroupe plusieurs associations et collectifs (Coordination des Groupes Femmes «Egalité», Femmes Solidaires, Femmes, Genre et Mondialisation d’Attac, Initiative Féministe Européenne pour une Autre Europe, Les Pénélopes, Réseau Féministe «Ruptures») se prononce elle aussi pour le « NON » à la Constitution européenne: «Partout en France, de très nombreux débats sur la Constitution sont organisés, très souvent de façon unitaire, écrit la Coordination féministe. Leur succès montre à l’évidence que, pour un nombre croissant de salarié-es, il existe effectivement un lien entre les politiques néolibérales qu’elles-ils subissent et ce qui demain serait inscrit en dur dans la Constitution européenne puisque le marché et la libre concurrence en seraient les valeurs et l’objectif central, tout le reste y étant subordonné.

«Le règne du marché et de la concurrence a provoqué l’augmentation du chômage, de la pauvreté et de la flexibilité de l’emploi au cours de ces vingt dernières années. Les femmes ont été particulièrement touchées par cette régression sociale. Dans ce contexte, alors que les droits des femmes n’ont jamais été prioritaires en Europe, ils seront encore moins considérés comme une exigence éthique ou simplement démocratique (…). (Lire: «La Plateforme de la Coordination féministe pour le « NON » à la Constitution européenne»).

Monika Karbowska explique, de son côté, pourquoi «le projet de constitution européenne est un piège pour les femmes d’Europe centrale et de l’Est», en illustrant ses propos par l’exemple de la Pologne, dont la politique est sous l’influence de l’Église catholique.

«L’ingérence massive et continue de l’Eglise catholique dans la vie politique en Pologne est tellement visible qu’on peut parler d’absence de démocratie dans ce domaine. C’est ainsi que la laïcité a disparu avec le Concordat de 1995, le mariage civil a été limité par le mariage concordataire, l’avortement a été interdit en 1993. L’Eglise possède un énorme pouvoir économique du fait de ses privilèges fiscaux. Elle a aussi le droit de faire sa propagande politique non seulement via les partis qu’elle crée, via sa presse, sa radio et sa télévision, mais aussi directement dans les lieux de cultes, pendant ou après les offices religieux, où elle appelle à voter pour ses candidats. Enfin, elle s’immisce dans l’éducation des jeunes du fait de sa participation aux conseils de classes dans les écoles publiques par le biais de l’enseignement du catéchisme introduit en 1989. Elle influence aussi les politiques publiques en matière de contraception et de prévention du sida.

«Pourquoi dans cette situation le projet de constitution européenne est-il néfaste pour l’évolution de l’Europe centrale?

«Ce projet est tout d’abord néfaste parce qu’il ne mentionne pas la laïcité. Il s’avère, selon ce projet, que la laïcité ne fait partie ni des valeurs, ni des objectifs, ni des bases de la construction de l’Union européenne. Ce principe serait pourtant indispensable pour contrecarrer l’influence exorbitante de l’Eglise catholique et empêcher des aberrations délirantes telles que la présence du chef de l’Eglise polonaise aux cérémonies publiques ou ses interventions au Parlement pour influencer les votes …».
Lire: «Le projet de constitution européenne, un piège pour les femmes d’Europe centrale et de l’Est».

Sisyphe