La décroissance, ce journal que nous n’achèterons pas
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Par exemple, la rubrique “la saloperie que nous n’achèterons pas” de mars 2018 concernait l’écriture inclusive. En 2006, on peut déjà trouver des articles critiques de la décroissance (« le journal de l’ordre »).
Le numéro de juillet-août 2019 est particulièrement problématique. Si l’idée d’avoir une critique construite et approfondie de la technoscience, des systèmes techniques, du capitalisme et de la croissance est importante, dans ce numéro on se demande bien quelles sont les intentions réelles des auteur·es.
En effet, près de la moitié (12 pages) est consacrée à un dossier intitulé « Grande confusion ou altérité ? ». Toutes ces pages sont employées à s’opposer à la suppression des “dualités importantes” de la société, défendant la morale de base du christianisme. Plusieurs articles citent la bible comme référence (« Dieu va lui créer un vis à vis en séparant les 2 sexes. Cependant, l’entrée en relation n’est possible que si chacun accepte un manque. La reconnaissance du vis-à-vis implique une perte »). Pour faire ce dossier, le journal recourt aux corps les plus réactionnaires à ce sujet : des théologiens et des freudiens (voir la fin de l’article).
On assiste alors en une succession d’articles insultants qui regroupent un florilège de discriminations. Ils sont tour à tour âgistes, spécistes, homophobes, transphobes et sexistes, sous couvert de suivre leurs maitres à penser que sont Bernard Charboneau et Jacques Ellul.
Ce dossier est là pour nous expliquer que la base fondamentale de la société, c’est de créer une famille avec un couple hétérosexuel qui souhaite faire des enfants (l’article « le soi – l’autre » nous apprend que les gens qui ne veulent pas faire d’enfants seraient égocentriques), une figure du père forte et autoritaire, des enfants soumis jusqu’à l’âge adulte, surtout pas de sexualité déviante, pas de passion viciée et pas de considération pour les animaux non-humains.
Journal la décroissance, un bastion des manifs pout tous ?
Ce dossier veut nous imposer une seule et unique forme de sexualité. Il est confusionniste, car il mélange des concepts qui n’ont absolument rien à voir : transgenre, transexuel, transhumanisme, dysphorie de genre, LGBT, homosexualité, bisexualité, gender studies, etc.
Un article parle d’ailleurs de « couples LGBT ». LGBT signifie : Lesbien, Gay, Bi, Trans. Un “couple LGBT” n’a aucune signification en soi, si ce n’est vouloir cataloguer des individu·es pour désigner leur identité comme un problème.
Dans ce dossier, tout ce qui commence par « trans » est considéré comme indentique, les auteurs vont même jusqu’à inventer des mots pour entretenir cette confusion : « Ce mouvement transidentitariste est essentiellement constitué par les différents groupes de pression, les nombreuses petites sectes et autres groupuscules cyberactifs que sont les transgenres, transsexuels, transbiomorphismes et transhumanistes ». Par extension, tout ce qui est compris par les auteurs de ce dossier comme étant lié au “trans” (queer, LGBT, homosexualité) c’est pareil.
Le dossier nous explique que la différence homme-femme est naturelle (c’est bien inscrit dans les chromosomes) et non construite socialement. Par la suite il nous explique que les modifications sociales de genre sont regrettables pour la nature humaine. Il ne nous explique pas pourquoi, si cette construction genrée de la société est « naturelle », c’est à dire universelle et inamovible, elle se modifierait socialement ? Première contradiction énorme, s’il pense réellement que cela vient de la nature, la masculinité et la féminité ne pourraient pas changer, n’est-ce pas ? Or le journal établit les causes sociales de ces modifications : ce serait le capitalisme et les « idéologues du gender ».
« En ce qui concerne plus précisément la question du transgenrisme qui sévit actuellement dans la presse mais aussi à l’université via les gender studies constituées en véritables maffias herméneutiques et cliques censureuses, vous avez raison, il s’agit d’une vaste offensive pour nier l’existence même des deux sexes, homme et femme ou mâle et femelle.
[…] Les communauté LGBTIQ+ mais aussi celles des bods mods et des trans ou post-humanistes ont réussi à imposer divers débats sociétaux qui, même s’ils concernent une infime minorité de petits-bourgeois mals dans leur peau ou de geeks délurés devenus incapables de faire la différence entre la réalité effective et leurs délires cybernétiques […] »
Rappelons que la notion « d’idéologie du gender » n’existe pas, et encore moins des « théories du gender studies », comme le journal peut nous l’insinuer. Ca fait plus classe de citer en anglais, comme une marque déposée, mais “gender studies” veut simplement dire “études de genre”, c’est à dire que ce sont des études qui regroupent des analyses sociales et historiques sur les constructions liées au genre.
Le capitalisme est basé sur la différence genrée de la société. L’éducation, les structures sociales sont basées sur une différenciation genrée tant proclamée par le journal, la transphobie et le patriarcat sont des bases importantes de cette société. Il est complètement faux de dire que « l’idéologie » des trans et des lgbt sont soutenus par la « presse bourgeoise » et que ce sont des piliers du capitalisme, c’est tout le contraire. Par ailleurs les individu·es qui ne se reconnaissent pas dans leur genre assigné à la naissance ont toujours existé dans l’histoire, bien avant le développement du capitalisme. S’il y a un doute à ce sujet, voir la chronologie “L’Enfer n’a de Furie plus grande” de la brochure Queer Ultra Violence.
« Il n’est pas dénué de sens de voir d’ailleurs dans ce « troisième type » la capacité de « penser pouvoir vivre dans un troisième sexe : celui-ci relèverait de ce que la possibilité existerait désormais de rester dans le no man’s land du bisexuel, dans ce lieu où il n’y aurait pas à choisir son camp, lieu de libre arbitre qui permettrait de préserver la double appartenance pour se mettre – à son corps défendant – à l’abri d’un engagement face à l’indécidable ».
Il est à rappeler que personne – religions, capitalistes, publicitaires ou le journal de la décroissance – ne pourra décréter comment notre sexualité doit fonctionner, qu’on ne puisse pas être jugé sur le fait qu’on ait des « passions ». Il est à rappeler de même qu’aucun réactionnaire ne pourra décider de quelle identité on doit faire parti, ou juger quel style vestimentaire on doit porter.
L’article « le beau – le laid » nous explique que le problème de la société réside en cela : « Les transgenres popularisés par le showbiz, l’écriture inclusive, les vêtements unisexes, la gastronomie mondialisée, les formulaires administratifs neutre », ou encore dans le sain – le malade le problème sociétal c’est de vouloir “changer de sexe à sa guise, fétichiser l’anus, fabriquer des enfants grâce à des machines (humaines ou non), réinventer la langue etc“
Ce journal veut nous inculquer les bonnes valeurs de ce que le « mâle et la femelle » doivent porter, et tout individu qui essaierait d’y déroger serait un malade à soigner. « Si un travesti savait qu’il « jouait à la femme », il n’en est, malgré le délire évident, pas réellement autrement du transgenre, sauf que cette fois-ci, et ce n’est pas rien, il est persuadé en se persuadant, avec l’appui du social et de la technique, qu’il est réellement ce qu’il voulait être ».
Non, vouloir s’habiller comme on le sent n’est pas « jouer à être une femme », ne pas vouloir correspondre à la norme de genre établie par la société n’est pas une pathologie. Vouloir ne pas être cis-genre (c’est-à-dire avoir son genre perçu qui correspond à celui donné à la naissance) n’est pas quelque chose à soigner, de la « dysphorie de genre » ou pire une « crise de dysmorphobie ». Par définition, la norme est le construit de la société capitaliste, s’échapper de la norme ne peut donc pas être une contribution à ce libéralisme.
Pour rappel : le transhumanisme est une idéologie considérant l’humain comme une machine, et donc comme pouvant subir des extensions par la technologie, voir un remplacement par celle-ci. Le transhumanisme souhaite uniformiser, normaliser, calibrer l’être humain. La branche transhumaniste de google s’appelle d’ailleurs l’université de la singularité.
Alors que les perspectives LGBTQI souhaitent au contraire lutter contre les discriminations des différences. Le dossier présente toujours les idées queer comme souhaitant « nier les différences », sous entendant qu’elles sont uniformisantes. Au contraire, ces idées poussent à s’échapper de la normalisation des êtres humains sur des critères biologiques. Le journal ne précise à aucun moment ce qu’il considère comme « masculin » ou « féminin », car il considère que ça va de soi. Il navigue en permanence sur ce flou artistique pour amener le reste de son idéologie dérangeante.
Transphobie dans le milieu technocritique
Penser la critique de la technique dans le champ de la société capitaliste est un élément important. Mais de nombreux groupes (pièce et main d’oeuvre, site internet “le partage”, des membres de deep green écologie, etc) tombent dans les travers d’analyser un « état de nature », où la nature nous voudrait cisgenre, héterosexuel.le et en couple. Ces éléments ne sont pas « naturels » ou « universels » car chez tous les individu.es que composent les animaux (humains ou non humains) on ne retrouve pas ces critères.
Tout est bon pour essayer de faire des liens entre la technocritique et une vision moraliste réactionnaire. Dans le dossier on n’hésite pas à faire un lien, comme un cheveu sur la soupe, entre les gens qui se permettent de rouler en 4*4 avec les gens qui veulent modifier leur corps…
Pour ce qui est d’une soi-disant critique de l’intervention chirurgicale, ou de la médicamentation qui est portée contre les personnes qui ne se reconnaissent pas dans leur genre assigné à la naissance, on en voit une limite évidente. « Le nombre d’enfants traités par le service de genre a augmenté de 2500 %, passant de 97 à 2590. » nous dit un des articles. Pourquoi « oublier » que la majorité des interventions hormonales / chirurgicales / médicales sont pratiquées pour justement correspondre au genre assigné à la naissance ? Pour tout ce qui permet de revenir à la norme, curieusement, zéro accusation « de transhumanisme ».
Entre 1 et 4 % de la population nait intersexe, 96 % d’entre elleux subissent une intervention médicale souvent imposée et injustifiée [1].
De plus, combien de personnes doivent prendre des hormones, faire des épilations (définitives ou régulières), faire des opérations pour correspondre à la norme de cette société genrée ? Ces articles n’en parlent pas, car ils ne portent pas de regard critique sur notre rapport à la médecine ou aux lobbies pharmaceutiques, ils ne sont là que pour nous dire comment on doit être et comment on doit s’identifier.
Le dossier nous parle d’opération des personnes trans (la chirurgie génitale) sans connaître la problématique. Iels pourraient faire des articles sur les riches qui utilisent la chirurgie comme iels l’entendent, ou sur certaines problématiques liées aux questions de genre abordées dans le paragrape au dessus. Non, le dossier a choisi comme cheval de bataille une minorité qui subit déjà une oppression systémique.
Premier élément de confusionnisme, toute personne qui ne se reconnaisse pas dans le genre attribué à la naissance ne souhaite pas se faire opérer. Deuxième élément, iels ne parlent pas du cadre légal qui oblige en france de recourir à une chirurgie génitale pour être reconnu et pouvoir prétendre à un changement de l’Etat Civil, ou encore de la pression du corp médical. Ce cadre a pour objectif principal de stériliser les personnes trans :
« Les interventions touchant les organes génitaux femelles internes visent, d’une part à stopper la production d’hormones femelles, et d’autre part, par le biais de cette stérilisation, dans la majorité des cas en France, à pouvoir prétendre juridiquement aux trans FT* au changement d’État-civil. Il ne s’agit pas nécessairement d’un choix mais d’une obligation juridique et psychiatrique afin que les trans FT* ne puissent se reproduire. Il s’agit donc d’une stérilisation car à ce jour, nous avons peu de témoignages de trans FT* ayant eu recours à cette opération à cause de problèmes de santé liés à la prise de testostérone. Il n’y a pas non plus d’enquêtes épidémiologiques menée à ce sujet. La loi vise à être changée pour que les stérilisations ne soient plus une obligation au changement d’État-civil. » (brochure Ft* du collectif outrans, voir aussi la brochure Mt*)
Et surtout, au delà de ces confusions entretenues volontairement, il semble problématique de parler d’opération sans s’intéresser aux personnes elles-mêmes qui le pratiquent ainsi qu’à leurs motivations, d’autant plus dans un texte à forte tendance moraliste. Ces garant.es de ce qui devrait être dans l’ordre de la nature ne s’intéressent pas au bien être de personnes souhaitant avoir une chirurgie génitale : elles ne font que les discréditer et les étouffer.
Confusionnisme et PMA
De la même manière, ces articles entretiennent la confusion sur ce qu’est la Procréation Médicalement Assistée. Il s’agit d’un ensemble de techniques médicales très variées pour pouvoir avoir un enfant. Les sources réactionnaires ne définissent jamais les méthodes exactes critiquées. L’article « le masculin – le féminin » nous parle de l’horreur de pouvoir procréer sans père, d’avoir des enfants seuls ou en couple homosexuel.
La PMA est aujourd’hui largement pratiquée non pas par les personnes homosexuelles, mais le plus souvent par des couples hétérosexuels qui ne sont pas fertiles (ou qui ont du mal à faire des enfants). Pourtant ces articles n’en parlent pas car leur problème encore une fois n’est pas la PMA, mais savoir que des « contre natures » puissent y avoir accès, c’est à dire quand des gens ne se fondent pas dans un couple hétérosexuel (chrétien ?).
D’ailleurs, Dany-Robert Dufour qui est interrogé dans l’article « le moi – le nous » et qui est cité dans les autres articles, nous explique dans l’article « 2015 – Sur l’état civil des enfants du mariage homosexuel – Le Débat » :
« Que les homosexuels qui se marient sachent qu’ils ne pourront pas à cet endroit invoquer l’égalité avec les couples hétérosexuels infertiles qui peuvent avoir recours à des techniques médicales de réparation. D’une part, parce qu’il s’agit non pas d’un droit juridique dont disposeraient les hétérosexuels, mais d’une disposition naturelle que la médecine peut de plus en plus souvent restaurer si elle est altérée. […] Un couple homosexuel se trouve non pas dans un cas de défaillance naturelle, mais d’impossibilité absolue puisqu’il manque à la règle nécessaire et suffisante pour avoir des enfants : qu’il y ait deux sexes ».
Un autre mécanisme utilisé par le journal est de se présenter comme victime alors qu’il est en train de justifier idéologiquement les dominations structurelles en cours (inversion de bourreau à victime).
“Ceux qui diront non à cela seront qualifiés de néoréactionnaires, avant d’être psychiatrisés comme straights, c’est à dire « psychorigides » ou « normolâtres », ou encore mentalement retardés pour cause de « patro-centrage » observez-vous. » Ils poussent la manipulation jusqu’à inventer des mots. Le mot normolâtre n’existe à priori pas (du moins n’apparait pas sur internet) de même que « patro-centrage ».”
NON, les personnes transphobes – homophobes – sexistes ne sont JAMAIS psychiatrisées (= être pathologisé.e par le système psychiatrique qui souhaite vous soigner par l’enfermement ou les médicaments) pour ces faits, par contre les personnes trans le sont régulièrement en france pour ne pas correspondre aux normes de genre (“dysphorie de genre” est inscrit dans le DSM – la bible des psychiatres américain.es, l’Organisation Mondiale de la Santé a changé la maladie de “transsexualisme” par “incongruence de genre” dans sa CIM-11 qui sera appliquée en 2022).
Des articles pro virilisme et âgiste
« Ce discours actuel m’apparaît à la fois effrayant et grotesque, mais il remonte à plusieurs décennies, lorsque certaines féministes faisaient déjà l’équivalent entre virilité et violence, voire viol, entre masculinité et brutalité et lorsque des hommes se mettaient à cultiver leur « part féminine » – nouveaux pères et gentils copains, hommes doux, mous et flous….
Un tel rejet haineux de la masculinité témoigne d’un refus de la loi et de l’autorité, il veut abolir la figure du Père qui distingue et sépare, au seul profit de la Mère qui rassure et englobe. Ce discours ignore aussi ce que représente la vertu de Force. » (le sain – le malade)
Le « masculin – le féminin » nous explique la décadence de notre société qui met de côté la part du Père qui doit marquer son autorité dans la famille (l’effacement du rôle du père mène pour ce dossier à l’évolution du capitalisme !).
L’article « l’adulte – l’enfant » nous explique sérieusement qu’il est anormal que la militante Greta Thunberg soit promulguée dans les médias pour son activisme pour le climat. En effet pour Jean Pierre Lebrun le problème n’est pas une question d’approche politique mais, 1) que les enfants ne doivent pas lutter, 2) une enfant de 15 ans n’a pas à être prise en considération par les médias. Pour lui un poids excessif est donné aux enfants. L’article nous dit alors que les mouvements anti-agistes sont des mouvements de pédophiles et que penser une domination de l’adulte sur l’enfant (l’auteur nous dit que c’est “nier la différence adulte-enfant”) amène à une mal formation des êtres. [2]
Nouvelle absurdité, après avoir expliqué pourquoi les enfants n’ont pas leur place dans la lutte pour le climat, ça finit par « où irons-nous alors chercher chez des individus ainsi (mal) construits psychiquement les personnes adultes dont nous aurons besoin pour affronter les immenses problèmes -dont celui du climat – qui se préparent ? »
Les enfants sont une population qui subissent une oppression importante, la nature sert encore une fois de base pour justifier la normalité de ces oppressions. [3]
Une décroissance anti-antispéciste
Après Paul Ariès qui nous sort un brûlot caricatural contre les vegans, voilà dans « l’humain – l’animal » un portrait de l’antispécisme, qui serait au service du scientisme, qui ne ferait plus de différence entre l’homme et l’animal. Pour ce journal, toute critique d’un système dominant correspond à une négation de la différence. Avoir une analyse sociale d’un sujet ne revient pas à le nier, au contraire c’est chercher à mieux l’appréhender et pas le mysticiser comme c’est le cas ici.
Après un détour qui nous explique en substance que les êtres humains sont supérieurs aux animaux car « nous sommes la seule espèce qui parle », on nous dit que « L’élimination de la différence sexuelle, animalisation de l’homme, effacement de la mort, refus de l’idéal, tout fait sens. » Nouveau confusionnisme ?
L’article « L’humain – la machine » nous dit que « Le risque de cette confusion est en effet de faire de l’être humain un être purement naturel, analogue à un animal, à une plante et à un massif montagneux » complétant qu’ « un principe supérieur, de type éthique ou juridique, tel que le respect absolu de l’animal ou de la nature ». Pour le théologue Fréderic Rognon qui a écrit l’article, non seulement ce qui n’est pas humain n’a pas de liberté propre, animaux non humains et végétaux ne suivent que des lois de la nature. Mais l’humain serait la seule espèce pouvant avoir du respect pour l’animal ou la nature. Encore une fois les êtres qui détruisent le plus sont celles qui seraient le plus à même d’avoir une considération pour ce qu’iels détruisent ?
L’antispécisme, c’est à dire la critique de l’idéologie portant l’humain supérieur aux autres espèces, est une approche nécessaire d’une pensée critique de la technique et de la société capitaliste. Il faut en effet avoir une considération pour les autres êtres vivants pour pouvoir construire cette approche critique.
Des intentions de nuir
Ce dossier instrumentalise énormément les images. Il met en scène des individus qui « représenteraient » les mouvements dénoncés, avec des petites phrases provocatrices telles que « suicidé à 54 ans », ou « encore vivant ».
Qui plus est, il généralise systématiquement, alors qu’en réalité l’antispécisme ne se réduit pas à Peter Singer ou à Aymeric Caron, que les mouvements LGBTQI et anti-âgistes ne sont pas réductibles non plus par 2-3 références sorties d’on ne sait où, inventées par elleux mêmes. Ces pratiques essayent de construire l’image de sectes. Le mot secte est d’ailleurs employé, et un article nous dit « [le discours transidentitaire cimente] une communauté autoproclamée (par les mots d’ordre, les contenus doctrinaux, le langage ou la novlangue, les signes de reconnaissance, les codes, les crypages, etc) ». Encore une nouvelle invention de Fabien Ollier qui nous parle d’une communauté autoproclamée alors que c’est lui même qui l’invente de toute pièce. En effet il existe une multitude de visions de ces questions là. Le mot novlangue revient tout au long des articles, alors qu’elleux mêmes sont des champions en ayant inventé plusieurs mots afin de pouvoir produire ce contenu.
On peut en revenir sur les intentions de ce genre de dossier qui commence à se faire à répétition, et qui se retrouve dans différents groupes. Leur objectif ne serait-il pas d’exclure les populations jugées indésirables par ce journal des luttes éclogistes / décroissantes / antitech’ ? Mais pour garder qui au final ? Ne restera-t-il comme exemple que cette famille, un couple hétéro avec un enfant, démissionnaire, ancien ingénieur au CEA et une ancienne chercheuse liée à la finance qui nous parle de leur maison de 170 m² avec une belle photo de la famille, article écrit 2 pages avant le dossier ? Serait-ce donc ça l’image type de la société de partage selon le journal la décroissance ? A moins que l’intention soit de recruter massivement chez les manif pour tous et chez les branches réactionnaires néo-rurale (soraliennes et autres) présentent dans certaines campagnes ?
Et donc … ?
Il est bien possible de réagir sur les idéologies portées dans ce dossier. On peut leur écrire :
La Décroissance/Casseurs de pub – 52 rue Crillon – BP 36003 – 69411 Lyon cedex 06.
Il y a la technique du coup de marqueur (ou du briquet) lorsque votre route croise ce journal (dans les bibliothèques – sur des tables de presse). Voir aussi avec des camarades qui peuvent encore les diffuser sans se rendre compte du contenu de ce torchon. En parler avec les gens que vous connaissez qui publient dans ce journal.
On peut, tant qu’iels n’auront pas changer leur idéologie, éviter d’inviter, ou venir perturber les conférences parlant de genre ou de l’enfance de ces personnages ayant contribué au côté réactionnaire de ce dossier (avec des citations du dossier) :
Fabien Ollier qui récolte la palme de l’insultant « l’idéologie transidentaire sert aussi à légitimer l’ordre établi car tous les discours sur la fluidité du genre entrent en congruence avec le nomadisme ultra libéral des nouveaux entrepreneurs du soi-même ou des start-upers du souci de soi, et avec l’injonction qui est faite à chacun d’exploiter son capital corporel, de le performer, de le désigner, de le personnaliser ou de le dépasser en vue de le faire circuler sur les marchés transnationaux du corps compétitif ».
Jean-Pierre Lebrun, entre autre dans une association Freudienne internationale spécialisé dans l’analyse d’éducation autoritaire des enfants, dans la chasteté et sur le rôle « maternel » et « paternel ». « Le sexuel est traumatique pour le sujet, puisqu’il est l’irruption de quelque chose qui ne trouvera jamais sa place adéquate dans l’appareil psychique. Ca fait irruption, ça fait intrusion. Nous le savons bien parce que l’adolescence, par le biais de l’imprégnation hormonal, le sexuel est en train de tout à coup l’agiter, non seulement le sexuel mais aussi le génital » nous dit-il dans une vidéo qui s’appelle “En quoi la sexualité pose question, est-elle traumatique ?”. Les titres des autres interventions de sa part sur ce site sont tout autant éloquents : “Quand les enfants se tripotent…“, “fonction maternelle, fonction paternelle“, etc.
Alexandre Penasse (rédacteur en chef de Kairos déjà alpagué par une émission féministe dans radiopanik), grand opposant à l’homoparentalité. « Comment en effet se confronter à la différence, si désormais, la mêmeté des places de père et de mère épargne au futur sujet de faire son apprentissage dans cette confrontation »
Jacques Luzi qui nous explique que le suprême du transhumanisme c’est la PMA.
Dany-Robert Dufour : « Le devenir unisexe sans amour est présenté comme le summum de la liberté. J’ai été il y a peu en Amérique du Nord où beaucoup d’enfants, souvent de couples LGBT, mais pas seulement, reçoivent des inhibiteurs de pureté qui empêchent le développement des parties sexuées du corps. […] Ces gens très « libres » sont donc de véritables aliénés du marché ».
Fréderic Rognon (Directeur de publication de la revue “Foi et Vie”)
Alain Troyas « Cette non société en marche on peut la deviner ni féminine, ni masculine, ni patriarcale ni matriarcale mais tout à la fois et en même temps », qui dénonce la « queerisation systémisée ».
Jacqueline Kelen, dont sa référence principale est la bible.
« Le discours médiatique contemporain tend à développer l’idée que « le mâle c’est le mal ». Ainsi l’homme devrait « trouver la femme qui est en lui » pour en chasser la masculinité toxique. Qu’est-ce que cela vous inspire ? [pose comme question le rédacteur de l’article “le bien – le mal” à J. Kelen qui répond :]
– Ce discours actuel m’apparaît à la fois effrayant et grotesque, mais il remonte à plusieurs décennies, lorsque certaines féministes faisaient déjà l’équivalent entre virilité et violence, voire viol, entre masculinité et brutalité et lorsque des hommes se mettaient à cultiver leur « part féminine » – nouveaux pères et gentils copains, hommes doux, mous et flous….
Un tel rejet haineux de la masculinité témoigne d’un refus de la loi et de l’autorité, il veut abolir la figure du Père qui distingue et sépare, au seul profit de la Mère qui rassure et englobe. Ce discours ignore aussi ce que représente la vertu de Force. »
Vincent Cheynet pour être le chef éditorial de ce torchon qui a contribué depuis quelques années à ces dérives intolérantes.
Et pièce et main d’oeuvre pour publier du Jacques Luzi et qui vient de publier en juillet à nouveau un texte de Fabien Ollier « Du “transidentitaire” à l’enfant-machine : entretien avec Fabien Ollier ».
J’ai lu la décroissance car le concept me semble être un remède sauf que j’ai découvert à travers ce canard une bande de réac bienveillant envers de pseudo décroissant et particulerement sectaire donc rien d’étonnant qu’illes soient transphobe mais la question trans et la lutte trans déclenche même chez des personnes auxquelles on ne s’attend pas , du rejet puisque Christine Delphy a des postures transphobe
http://misskoala.canalblog.com/archives/2013/08/19/27855792.html
Parfois,c’est désespérant !
“Fabien Ollier qui récolte la palme de l’insultant « l’idéologie transidentaire sert aussi à légitimer l’ordre établi car tous les discours sur la fluidité du genre entrent en congruence avec le nomadisme ultra libéral des nouveaux entrepreneurs du soi-même ou des start-upers du souci de soi, et avec l’injonction qui est faite à chacun d’exploiter son capital corporel, de le performer, de le désigner, de le personnaliser ou de le dépasser en vue de le faire circuler sur les marchés transnationaux du corps compétitif ».”
L’interview de Fabien Ollier en entier:
Au rayon des marchandises humaines
« En 2048, les gens pourraient bien devoir faire face à des migrations vers le cyberespace, avec des identités sexuelles fluides et de nouvelles expériences sensorielles produites par des implants électroniques. » C’est le futur qu’annonce avec enthousiasme le transhumaniste Yuval Noah Harari dans son dernier best-seller, 21 leçons pour le xxie siècle (Albin Michel, 2018). Ce monde où les identités sexuelles seraient fluides, la reproduction artificielle et où les corps chosifiés se trouveraient de plus en plus soumis à la techno-médecine, Fabien Ollier le combat. Directeur de la revue Quel sport ? et des éditions QS ?, il est notamment l’auteur d’Idéologies nouvelles du corps (QS ? Éditions, 2017) et de L’Homme artefact. Indistinction des sexes et fabrique des enfants, qui vient de sortir en librairie.
La Décroissance : Dans votre dernier ouvrage, vous constatez l’envahissement d’un « mouvement transidentitariste auquel tout un chacun est désormais confronté dans quasiment toutes les institutions ». Qu’est-ce que ce mouvement transidentitariste ? Une vaste offensive pour l’indifférenciation sexuelle, la fin de la binarité homme-femme, la démultiplication des genres ?
Fabien Ollier : Ce mouvement transidentitariste est essentiellement constitué par les différents lobbies, les nombreuses petites sectes et autres groupuscules cyber-actifs que sont les transgenres, transsexuels, transbiomorphistes[1] et transhumanistes. Les communautés LGBTIQ+ mais aussi celles des bodmods (adeptes des modifications corporelles profondes) et des trans- ou post-humanistes ont réussi à imposer divers débats sociétaux qui, même s’ils concernent une infime minorité de petits-bourgeois mal dans leur peau ou de geeks délurés devenus incapables de faire la différence entre la réalité effective et leurs délires cybernétiques, sont censés être pris très au sérieux par les forces politiques, les milieux éducatifs, les organismes médicaux, les lieux de recherche… Quels sont les thèmes qui interpellent, au sens policier du terme, la population ? Ils sont d’une bêtise abyssale : les sexes seraient innombrables et ne posséderaient aucune charge d’altérité, aussi pourrions-nous en changer comme bon nous semble ; les genres seraient multiples et fluides, aussi serait-il logique de devenir non-binaire c’est-à-dire ni homme, ni femme, les deux à la fois ou rien de tout cela (agenre, xénogenre, etc.) ; le corps n’existerait pas, seule la conscience dominerait, aussi ne devrait-on pas hésiter à métamorphoser cette matière inerte ou cet appareil interchangeable afin de lui donner la forme que l’on voudrait ; l’humain serait une abomination misérable inadaptée aux exigences du technocapitalisme, aussi serait-il temps de l’hybrider avec des machines, des animaux, des végétaux, des algorithmes, des gènes mutants, etc., afin de « l’augmenter », de le délivrer de la vieillesse et de la finitude, de le doter d’une super-conscience, de le rendre « meilleur » du sol au plafond. Dès lors, nous devrions nous enthousiasmer pour les coming-outs de transsexuels qui expliquent, détails chirurgicaux à l’appui, leur « transition » de la femme vers l’homme et inversement. Nous devrions rester sérieux devant des personnes qui, à la télé ou sur le web, se disent victimes de « transphobie » parce que la boulangère a dit « bonjour Monsieur » au lieu de « bonjour Madame » face à un type barbu et vêtu de pantalons. Nous sommes sommés d’avoir une opinion compréhensive et positive sur la mode du tongue split (langue tranchée en deux), ou sur les nouvelles tendances de scarifications, tatouages, implants sous-cutanés, chirurgies « esthétiques » des pièces ou morceaux du corps. Et enfin, nous sommes invités à embrasser l’utopie de l’eugénisme 3.0 où, de sa naissance artificialisée à sa mort repoussée aux confins, en passant par sa sexuation nomadisée ou son corps « amélioré », le post-humain incarne «?cet imaginaire social qui nous conduit à une terrible perspective?: le risque multiplié de l’éviction de l’homme[2]?».
En ce qui concerne plus précisément la question du transgenrisme qui sévit actuellement dans la presse mais aussi à l’université via les gender studies constituées en véritables maffias herméneutiques et cliques censureuses, vous avez raison il s’agit d’une vaste offensive pour nier l’existence même des deux sexes, homme et femme ou mâle et femelle. Le transgenrisme est selon moi une furie de la disparition des différences sexuelles qui n’est qu’un symptôme parmi tant d’autres de la crise sexuelle globale que les sociétés capitalistes traversent. Dans cette idéologie psychotique, les sexes seraient donc « flous », et leur différence, leur division, leur altérité ne seraient que des « fictions sociales », des politiques de domination masculine, des systèmes de discrimination voués à disparaître grâce à la fabrique scientifique ou métaphorique de nouveaux corps plus égaux et de même valeur. Ainsi, le « réel du corps » ou l’étayage morpho-biologique de la sexuation et de la sexualité, devrait être modifié à l’infini et ouvrir une ère nouvelle de l’humanité sans homme ni femme ni genre : une ère post-humaine autant que post-sexuelle.
En quoi ce mouvement relève-t-il aujourd’hui d’une idéologie dominante ?
Les thèmes principaux de ce qui pourrait bien devenir un jour un « manifeste anti-binarité pour la transidentité » venant compléter les multiples programmes transhumanistes commencent à être bien connus grâce à une presse bourgeoise très complaisante[3] : l’auto-détermination de l’identité de genre (transgenre, transqueer, polygenre, agenre, xénogenre…) ; la déconstruction de la binarité homme/femme considérée comme une fiction patriarcale ; la modification plus ou moins profonde du corps en fonction de l’identité choisie ; la dénonciation victimaire d’une « transphobie d’État » et d’un harcèlement administratif ; la libéralisation d’une médecine d’amélioration, recomposition ou réassignation de genre ; et enfin l’instauration d’une société gender fluid au sein de laquelle la « transitude » deviendrait la norme.
Tous ces thèmes qui organisent les discours transidentitaires actuels et dont les principales cibles sont les adolescents en crise de dysmorphophobie, recèlent une charge idéologique dans le sens où ce nouveau « phénomène trans » s’élabore non seulement à partir d’illusions qui masquent et travestissent la vie sexuelle effective, mais compose une vision totalisante du monde qui cimente une communauté autoproclamée (par les mots d’ordre, les contenus doctrinaux, le langage ou le novlangue, les signes de reconnaissance, les codes, les cryptages, etc.) et qui la mène, en tant que victime invisible des institutions, au combat contre ses supposés ennemis-bourreaux (la société et les institutions binaires, transphobiques, discriminatoires, androcentrées, hétéro-normatives…). Or, comme le signale Tobie Nathan, « l’idéologie sexuelle découle de la persistance inconsciente des “théories sexuelles infantiles” et plus généralement de la sexualité infantile[4] ». Et en effet, non seulement les revendications des activistes ou théoriciens radicaux de la mouvance « trans » font directement écho à des fantasmes ou des mythologies infantiles sur la sexualité – changer de sexe à sa guise, fétichiser l’anus, fabriquer des enfants grâce à des machines (humaines ou non), réinventer la langue, etc. –, mais elles font preuve d’un sexualisme provocateur qui combat, à travers le refus du dimorphisme sexuel, la sexuation véritable et le réel du corps de tout individu en tant qu’il est radicalement autre. Cette distorsion du réel est l’une des fonctions principales des idéologies et utopies. Celle-ci s’ajoute aux fonctions d’intégration sociale et de légitimation de l’ordre établi. Car, bien que cela puisse paraître étonnant au regard de l’anticonformisme affiché des transidentitaires qui scandalisent les traditionalistes et les cathos coincés, l’une des conséquences majeures de cette idéologie politique trans- ou post-sexuelle consiste paradoxalement à dépolitiser la question sexuelle qui, dans le régime technocapitaliste mondialisé et au sein de ses rapports de production totalement réifiés et aliénants, n’est rien d’autre que celle de la misère sexuelle massive. L’idéologie transidentitaire sert bien à l’intégration des individus dans la réalité sociale telle qu’elle est car elle ne conteste en rien le mode et les rapports de production technocapitalistes qui réifient la totalité corporelle de l’humain par le travail aliéné et les loisirs dirigés. Elle n’a en effet rien à dire sur ce fait que la production capitaliste « ne produit pas l’homme seulement en tant que marchandise, marchandise humaine, homme défini comme marchandise?; elle le produit, conformément à cette définition, comme un être déshumanisé aussi bien intellectuellement que physiquement?– immoralité, dégénérescence, abrutissement des ouvriers et des capitalistes[5] ». Bien au contraire, elle n’est qu’un sublimé de cette aliénation effective du travail en ce qu’elle n’offre pour horizon de lutte qu’un renouvellement de l’étiquetage des marchandises humaines (au rayon sexe, voici les ambigus, les ambivalents, les oxymores, les chimères, les cyborgs…) et une transformation techno-marchande de leurs fonctionnalités en tant qu’objets asservis à la machinerie productiviste (prothèses sexuelles, hybridations cyber-corporelles, customisation ou remodelage des zones sexuelles à queeriser, etc.). Mais l’idéologie transidentitaire sert aussi à légitimer l’ordre établi car tous les discours sur la fluidité du genre entrent en congruence avec le nomadisme ultra-libéral des nouveaux entrepreneurs du soi-même ou des start-upers du souci de soi, et avec l’injonction qui est faite à chacun d’exploiter son « capital corporel », de le « performer », de le « designer », de le « personnaliser » ou de le « dépasser » en vue de le faire circuler sur les marchés transnationaux du corps compétitif.
Vous notez que cette idéologie nie le réel du corps, l’organique, faisant triompher la vision d’un individu auto-construit, qui pourrait changer d’identité et de sexe selon ses désirs, être modelé par la technoscience… Pourquoi cette logique conduit-elle au transhumanisme, à un corps chosifié et à une dépendance croissante à un arsenal technique, médical et marchand de plus en plus lourd ?
Le transgenrisme comme le transhumanisme consiste à croire que les « nouvelles technologies », les « nouvelles médecines », les « progrès de la bio-ingénierie » vont permettre de transformer la vie du corps en fonction des désirs et des fantasmes infinis et évolutifs de l’individu « dysphorique de genre » ou « pléthorique de genres ». La « transition » ou le «?passing?» envisagés de surcroît comme des errances au gré des changements d’avis (voyage homme-femme aller-retour en passant par l’androgyne ou le neutre), sont en effet indissociables d’un arsenal technique de plus en plus complexe et lourd (hormonothérapies, chirurgies esthétiques, médicalisations à outrance du corps, procréations médicalement assistées, grossesses pour autrui…) qui promet monts et merveilles. Or, le résultat est terriblement mutilant et au bout du compte auto-destructeur. Un néo-pénis constitué avec de la peau du bras est bien souvent irrité par l’urine. Certaines greffes ne prennent pas et provoquent des infections graves. De nombreuses cicatrices endommagent les nouvelles zones dites érogènes. Les shoots aux hormones entraînent des dysfonctionnements des reins, du pancréas, du système nerveux. C’est comme cela que s’instaure la réduction mortifère du corps subjectif au corps chosique. Ces deux corps ne sont pourtant en rien superposables du point de vue de la vie. Ce que ne veulent pas comprendre les trans- et leurs adeptes bobos ou libéraux-libertaires, c’est qu’il existe un irréductible je-ne-sais-quoi métaphysique de la corporéité et que l’on ne peut abolir le fait d’avoir vécu en ce corps d’un coup de bistouri ou par simple décret. C’est là, dans cette négation absolue de l’ipséité de la personne – ce que le philosophe Vladimir Jankélévitch nomme l’inaliénable, l’inviolable, l’impossédable de la personne humaine[6] –, que réside le caractère totalitaire des idéologies transidentitaires. Rien ni personne ne doit pouvoir contrer la conviction de plus en plus répandue que l’identité sexuelle ou le modèle-de-soi sexuel se construit totalement, tel un work in progress susceptible de convier coachs en « modifications corporelles », préparateurs mentaux à la « déphysicalisation » ou gourous des « egos hybrides »[7].
Chaque critique de ce « mouvement transidentitariste » est immédiatement assimilée à une pathologie mentale (vous êtes « transphobe », « LGTBQphobe »…), ou renvoyée à la réaction, à l’extrême droite. Pourriez-vous revenir sur cette logique d’intimidation qui empêche tout débat de fond sur des questions essentielles concernant la condition humaine ?
C’est le propre des idéologies d’être servies par des milices de la bien-pensance et des chiens de garde de l’orthodoxie. Le transidentitarisme, qui en plus repose sur une pulsion de mort car il entend reconstruire de nouveaux individus à partir de la destruction profonde de leur identité, agit très exactement comme le stalinisme naguère en intimidant, en censurant, en humiliant, en persécutant et en psychiatrisant les ennemis de la cause de l’indifférenciation généralisée des sexes, des corps et finalement des vivants. Pour tous ceux qui n’ont pas encore succombé aux charmes vénéneux de la propagande LGBTIQ, il apparaîtra pourtant que les débats sur la vie nombriliste des « non-binaires », s’ils conduisent à de généreuses avancées gnostiques sur le sexe des anges, ne peuvent que servir de cache-misère dérisoire à des pratiques effectives comme la procréation médicalement assistée (PMA) ouverte à toutes les femmes et la gestation pour autrui (GPA) déjà légalisée dans de nombreux pays du monde – souvent loin d’être des modèles de démocratie tolérante – pour tous les parents dits «?intentionnels?». Pourtant, le rôle des « minorités actives » ou des « cristaux de masse » transidentitaires est bien double : faire diversion en accumulant les bavardages mimétiques sur les « genres » (troublés, tordus, ambigus, hybrides, etc.) tout en créant un climat de terrorisme intellectuel ou de rééducation mentale dès qu’il s’agit d’aborder l’enjeu vital : l’avenir de la personne humaine.
L’une des batailles à mener contre la marchandisation et la technicisation du corps humain a pour cible « la volonté mégalomaniaque de paramétrer les données identitaires de l’engendrement à l’aide des biotechnologies modernes », écrivez-vous. Pourtant, le droit à la « procréation médicalement assistée » pour tou.te.s doit être mis sur la table d’ici la fin de l’année par le gouvernement, qui en fait une réforme prioritaire. Et la quasi-totalité de la gauche (France insoumise, NPA, PS et compagnie) le revendique tout autant qu’En Marche. Comment résister au meilleur des mondes qui vient ?
L’utopie transidentitaire qui traverse les clivages politiques traditionnels, comme vous le soulignez, est indissociable de la systématisation de méthodes de procréation des êtres humains débarrassées de la vie sexuelle, des rapports sexuels. Le transgenrisme comme le transhumanisme entendent externaliser la naissance et la livrer à des machines expertes plutôt qu’à des corps sexués donnés, imparfaits et finis. L’idéologie post-sexualiste milite pour fabriquer des enfants en utilisant pour cela la PMA, la GPA et éventuellement – les recherches sont en cours là-dessus dans de nombreux pays industrialisés – l’ectogenèse (utérus artificiel, membrane cybernétique, etc.). Les transidentitaires se mobilisent activement, dans tous les réseaux d’influences médiatiques et politiques, pour inscrire l’humanité dans la voie de la sexualité stérilisée, qualifiée par eux de « progressiste » car elle favoriserait la « liberté procréative » sur fond de sexualité libérée… de la sexualité. Toutes leurs revendications mènent à l’immaculée conception technologique où l’advenue d’un enfant au monde, vécue comme un droit irrécusable, désexualise la vie sexuelle et déréalise le corps. On ne manque évidemment pas d’ajouter que l’égalité homme-femme n’en serait que renforcée à un niveau jamais atteint jusqu’à présent : le « privilège » d’avoir un enfant ne serait plus réservé aux femmes (deux hommes peuvent « enfanter » via une mère porteuse ; un homme trans ayant gardé son utérus peut devenir un « père enceint »), mais l’aliénation de la femme-mère à sa grossesse douloureuse et handicapante pourrait même totalement disparaître (par le recours à un « ventre loué » ou, moins réaliste pour l’instant, par l’usage d’un utérus artificiel). Le résultat attendu est la mise en place d’un vaste marché (les plus cyniques d’entre eux imaginent même le rendre « éthique » et le réguler…) du bébé désiré où chacun pourra choisir et acheter son « produit » à élever.
Comment résister à cela ? En ne cessant de dénoncer la fausse conscience qui occulte la réalité monstrueuse de l’enfant artefact et en ne cessant également d’alerter l’opinion publique sur les conditions effectives de ces nouvelles modalités de mise au monde par machinations. Je ne dis rien d’autre dans mon livre que les transidentitaires sont à la fois les purs produits de la répression sexuelle propre au néocapitalisme et les nouveaux moteurs idéologiques d’une restructuration du techno-capitalisme tendu vers l’horizon du transhumain. L’anti-naturalisme développé par les « troubleurs de genre » rejoint finalement le naturalisme défendu à l’inverse par les thuriféraires des sociétés biologiques où le génome « pur » (réel ou fantasmé) règne en maître. Car, qu’on le veuille ou non, les mutants et cyborgs transgenres ou transcorps qui vouent l’hétérosexualité aux gémonies et qui « performent » la naissance, ne sauraient procréer autrement que par des technologies replaçant au cœur du système social la biologie intime de chacun : gamètes, chromosomes, gènes, cellules, etc., stockés, congelés, trafiqués et mélangés dans un magma d’artifices censé simuler le don de la vie.
1. Partisans de l’hybridation du corps humain avec d’autres entités, ils contestent les frontières entre genre humain et machines, espèces animales, végétales ou minérales et veulent transformer/transcender le corps humain en mixant le tout (ingestion de puces NFC, injection de sang de cheval ou de chlorophylle, implants de fausses cornes…).
2. Louis-Vincent Thomas, Humains, non-humains, extra-humains. De la pluralité anthropologique des mondes. Écrits socio-anthropologiques (1973-1994), QS? éditions, 2018, p. 244.
3. Voir par exemple Raphaëlle Marichitch, « Réassignation de genre. Un long chemin chirurgical », Le Monde, 29 mai 2019. Une double page acritique sur les différentes étapes chirurgicales avec photos de poitrine post-mastectomie et greffe de mamelons à l’appui. Voir aussi Solène Cordier, « Des ados “ni tout à fait filles ni tout à fait garçons”. Les jeunes jouent davantage des identités de genre », Le Monde, 10 et 11 juin 2019. Une pleine page qui présente les non-binaires comme des victimes d’une oppression « binaire » intolérable…
4. Tobie Nathan, Sexualité idéologique et névrose. Essai de clinique ethnopsychanalytique, La Pensée sauvage, 1977, p.?56.
5. Karl Marx, Manuscrits de 1844, GF-Flammarion, 1996, p.?127.
6. Voir Jankélévitch Vladimir, « De l’ipséité », dans Premières et dernières pages, Éditions du Seuil, 1994.
7. Voir à ce propos Fabien Ollier, Idéologies nouvelles du corps. Le corps mystifié, QS ? éditions, 2017 et Jean-Marie Brohm, Ordre corporel et incorporation. Corps politiques, corps sociaux, corps mystiques, QS ? éditions, 2019.
Il est par contre certain que l’autriceuere de ce texte va, chaque mois, continuer à acheter “La Décroissance” dans son kiosque préféré (ou à le voler ce qui revient au même financièrement pour ce journal) pour vérifier qu’on peut toujours y lire les saloperies qu’ilLEe dénonce.
Car il faut bien que quelques chefFEUSEs/responsablEs aient le droit de lire ces journaux pour pouvoir l’interdire (on est loin du dé-conseil de lecture) aux autres, à “la base”.
Peut-être serait-il plus simple (et plus rapide) de faire un blog où seraient listés les livres et journaux autorisés à la lecture en milieu militant?
Le titre c’est ” que nous n’achèterons pas ”
Evidemment qu’il faut le lire pour pouvoir le critiquer …
Et puis tu fais ce que tu veux . Moi j’ai acheté et
lu ça et puis j’ai arrêté .
Ce qui est dommage c’est que cette bande de réacs sont les fossoyeurs.euses d’un super concept .
Je vois pas ou est l’interdit d’un.e chef.fe
C’est fou les esprit “critiques” qui “commentent”tout azimut sur Indy
Cet article est le résultat d’une analyse pertinente .
Merci à l’autrice ,à l’auteur
Le problème de la décroissance comme journal et de pas d’adepte du concept n’est pas seulement qu’ils ou elles sont réactionnaires et catholiques, c’est qu’ils ou elles sont souvent également de fervents défenseurs d’une écologie administrée, d’un alter-capitalisme et d’une forte régulation par l’Etat. Bref, il n’y a pas grand chose à sauver chez les décroissant-e-s, si ce n’est une certaine critique de la technique et de la science comme appareils de domination. Mais ça d’autres courants comme des anarchistes, l’école de Frankfort, les anti-indus, s’y étaient déjà attaqué avec leurs propres contradictions.
Et puis c’est un truc à finir par faire de la permaculture avec Pierre Rabhi…
l’école de Frankfort ? hein quoi ? les marxo-freudiens réacs misogynes comme adorno qui chiait sur les insurgés de mai 68 ? marcuse qui collaborait avec la cia et angela davis ? les revues variations et illusio qui comprennent des saloperies trotskistes, négristes, transphobes et collaborent avec les amis de l’upr (critique éditions) ?
LA THEORIE CRITIQUE EST REACTIONNAIRE !
LA THEORIE CRITIQUE CEST DU RAC PUBLIE AUX PUF !
L’école de Frankfort n’est effectivement pas plus à sauver que les décroissants… C’était juste histoire de rappeler que les décroissants n’avaient rien inventé…