Mais une chose est de traduire et/ou publier et diffuser des matériaux de groupes militants comme une tâche pratique pour développer ensemble la communauté prolétarienne de lutte et de critique, une autre chose est d’accepter (ou non) complètement le contenu du texte.

Depuis lors, une discussion internationale s’est développée autour de cet appel. Les lignes qui suivent sont le reflet de cette discussion, une discussion qui a également servi de base au développement de nos critiques du texte.

Lorsque nous avons reçu cet appel, nous l’avons considéré comme une initiative de notre classe, comme un effort militant visant à se centraliser et à centraliser l’action directe du prolétariat dans la région du Moyen-Orient, même s’il peut ne pas correspondre à tous nos critères, même si nous ne l’aurions pas rédigé de cette manière, même si les jalons posés ainsi que de nombreux points restent en suspens ou sont peu clairs, voire très flous, et nécessitent un approfondissement, une clarification…

Depuis ces dernières années et ces derniers mois, la lutte de classe dans la région est de plus en plus intense : manifestations, émeutes, occupations, incendies de bâtiments gouvernementaux et de ses milices, armement du prolétariat, réorganisation de ses forces… lutte contre l’exploitation et contre la dictature mondiale de la valeur qui empêche le développement et l’imposition de la dictature des besoins humains.

Il semble donc logique que les groupes prolétariens locaux essaient de s’organiser, de développer notre associationnisme de classe, de partager et de centraliser leurs activités et tout cela, non seulement dans le cadre d’un État national, mais aussi au niveau international (ce qui est important). Nous ne pouvons que saluer ces tentatives, car elles sont cruciales pour la poursuite, le développement et la propagation de la lutte de classe, d’autant plus qu’elles sont issues de la réalité locale de la lutte de classe, comme c’est le cas en Irak.

Sans tomber dans le piège d’un excès d’optimisme et de surévaluation, nous n’avons pas voulu repousser (et il n’a jamais été question pour nous de repousser) cette initiative, ce qui nous aurait fait sombrer dans l’indifférence irresponsable et liquidatrice ou dans l’autosatisfaction nombriliste… Hier, aujourd’hui et demain, les communistes ont été, sont, et seront encore, confrontés à des dizaines, des centaines d’initiatives avec peu de critères clairs, avec des perspectives floues, évasives, qu’il a fallu, qu’il faut, et qu’il faudra encore, aux éléments les plus déterminés du prolétariat en lutte, de diriger, de clarifier, d’approfondir, de coordonner, de centraliser… pour extirper le poison de la contre-révolution de nos rangs…

De tout temps, les communistes (et nous insistons une fois de plus ici sur le fait que l’appellation officielle que nous nous donnons n’est ni une garantie ni l’élément le plus déterminant dans le développement de notre lutte), les communistes donc ont toujours dû batailler ferme pour critiquer, dénoncer, briser, anéantir, éradiquer toute tendance sociale-démocrate qui se distille au sein de nos luttes, de nos structures militantes, dans nos textes, appels, manifestes… comme un poison pour les vider de leur substance subversive, pour les dévier de leur objectif final : l’abolition du travail salarié et donc du capital (et vice versa), de l’état des choses actuel et de son État…

Ce sont là essentiellement les raisons pour lesquelles nous avons décidé de publier et de diffuser l’appel.

Mais d’autre part, nous étions et sommes bien sûr conscients des faiblesses importantes de cet appel.

C’est notamment le manque de critères clairs pour les participants potentiels. Une réunion internationale et internationaliste n’est pas un débat ouvert (une conférence) où tout peut être discuté et remis en question ! Si le problème de la réunion internationale, c’est de discuter de questions aussi importantes que : comment centraliser les forces prolétariennes, comment retourner les armes contre notre propre bourgeoisie, comment transformer une guerre inter-bourgeoise en une guerre civile…, il est dès lors nécessaire de clarifier avec qui nous voulons nous centraliser et sur quelle base. Qui considérons-nous comme révolutionnaire, internationaliste, communiste ? Ceux qui prétendent l’être ou ceux dont la pratique démontre qu’ils le sont ? Nous pensons qu’une discussion internationaliste ne peut avoir lieu qu’avec les groupes qui partagent les positions fondamentales des communistes – l’internationalisme, le défaitisme révolutionnaire, la lutte contre le travail salarié, contre l’État, contre le Capital…

Nous devons également rejeter une sorte de fétichisme de la lutte armée tel qu’il apparaît dans l’appel. Si nous insistons sur le fait que le prolétariat doit s’armer, si la situation au Kurdistan l’exige comme une nécessité absolue pour la survie des prolétaires, nous pouvons difficilement défendre ou faire l’éloge d’une quelconque milice ou d’unité d’autodéfense en tant que telle, ni considérer cela comme un saut de qualité en tant que tel dans la guerre de classe. La lutte armée n’est pas révolutionnaire en tant que telle. La lutte armée ne peut être révolutionnaire que par suite d’une pratique sociale révolutionnaire du prolétariat. Et c’est cette pratique sociale qui détermine les formes de la lutte (armée). Ce qui fait la différence entre un noyau armé et l’armée rouge, c’est son contenu – son contenu de classe, son programme prolétarien assumé comme tel.

Nous voulons également insister sur la critique du gradualisme dans la compréhension de la lutte de classe qui apparaît dans l’appel. Nous voudrions souligner ici que la lutte de classe ne se développe pas graduellement – depuis une manifestation jusqu’à l’insurrection, d’un petit groupe prolétarien au prolétariat organisé en parti mondial, mais au contraire à travers une série de ruptures organisationnelles, de clarifications programmatiques qui prendront inévitablement des formes violentes. Les communistes ne sont loyaux envers aucune organisation, groupe ou parti, ils ne sont loyaux qu’envers le programme communiste et si une structure donnée s’en écarte, les communistes devraient non seulement la quitter, mais aussi s’organiser en dehors et contre elle. Une fois encore, c’est le contenu révolutionnaire qui prévaut.

Nous ne doutons pas qu’il soit nécessaire de centraliser les activités prolétariennes dans la région du Kurdistan. Mais il y a bien sûr aussi la question de la faisabilité d’une telle réunion internationale, particulièrement en ce qui concerne la sécurité des militants y participant. Les camarades « Militants au Kurdistan, Irak » sont-ils en mesure d’assumer une telle responsabilité dans une région qui grouille de forces militaires et de services secrets de toutes les couleurs possibles ?

Si un débat sur ces questions se développe dans le milieu internationaliste, s’il existe des tentatives de clarification des problèmes susmentionnés, nous devons admettre qu’il n’y a pas beaucoup de réponses fournies par les « Militants au Kurdistan, Irak ». Est-ce dû à une dure répression ou à des problèmes techniques ? Ou avons-nous eu tort de prendre leur appel au sérieux ?

Quelle que soit la réponse, cela ne change rien au fait que les communistes doivent continuer à se charger de la décentralisation de l’action directe, des initiatives locales et régionales, du regroupement des forces militantes et des tentatives d’étendre la lutte, d’une part, et de la centralisation « politique », programmatique, par le biais de directives centrales claires qui déterminent et définissent l’objectif global à atteindre et l’ennemi à détruire, d’autre part… C’est-à-dire que la centralisation et la décentralisation ne constituent pas une contradiction, mais font partie du même processus, du même mouvement, au Kurdistan, dans le monde entier.

Guerre de classe – 24/10/2018.
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