L’Antisyndicalisme

Lorsqu’on vit au milieu des syndicalistes, on est comme tout imprégné de leurs arguments et il faut faire appel à son individualité pour réagir et pouvoir les réfuter.

Un syndicat n’est, pour moi, qu’un groupement de gens de toutes idées, imbus de toutes les religions, de fanatiques de toutes les politiques faisant la paix sur une question économique et croyant pouvoir agir sainement sur ce point alors qu’ils agissent imbécilement sur tous les autres. Le travail qui s’y fait n’est qu’un travail de réformes faisant durer la société actuelle. L’idée syndicaliste devient le dogme syndicaliste en dehors duquel il n’y a pas de salut.

Les soi-disants malins (des sots et des fourbes, bien souvent) y cultivent la politique et font repousser la science ; tâchent d’y arriver à tout prix. Une partie, par cette échelle cherche à monter aux mandats municipaux législatifs, prud’hommaux, au Conseil supérieur, etc. L’autre, et les libertaires ne dédaignent pas ce tremplin, se contente des mandats syndicaux, places à la Bourse du Travail, à la C.G.T., aux Fédérations différentes.

L’entrée au syndicat est marquée par la mise en livret immédiate, on est marquée sur le cahier public. On tombe sous l’autorité des lois de son milieu ; sous la surveillance des flics corporatifs.Toute l’action directe se manifeste (surtout en province où je me trouve) par des balades sentimentales, drapeaux en tête. Dans le cortège se dessine la marche en zigzags de sa majesté l’alcool. Cela ressemble à une procession cléricale ; on n’a rien à leur envier.

Si l’on demande à un ouvrier que signifie le chiffon porté si religieusement, il répond : « C’est le signe de ralliement dans les combats futurs. » L’avenir, toujours l’avenir ! Ils sont prêts, comme ceux du drapeau du régiment, à se faire trouer la peau pour le défendre.

Le syndicat ramasse de l’argent qu’il met à la caisse d’épargne, ou en placement d’Etat, consolidant sans le savoir les gouvernements qui maintiennent le servilisme ouvrier. Il en envoie à la C. G. T., pour faire vivre les délégués des délégués.

Je ne cherche pas à donner tous les arguments contre le syndicalisme dans cet article, d’autres le feront sans nul doute ; je cherche simplement à manifester l’opinion que beaucoup d’individus ont en province, mais qu’ils ne peuvent jamais formuler, ne sachant où la dire, où l’écrire.

A Brest, comme en tant d’endroits, on ne peut causer qu’en sacrifiant une partie de ses idées. Ce que je désirerais, c’est la formation d’un milieu libre, de Causeries populaires où tous les individus pourraient entrer, discuter leurs idées, leurs dogmes. Je crois qu’il en sortirait quelque logique. Il faudrait évidemment laisser la plus grande liberté d’entrée pour que beaucoup d’individus s’y intéressent. Trouvera-t-on une demi-douzaine d’hommes ayant assez de force afin de ne pas imposer « leur dogme » a priori, pour lancer ce travail dans notre ville.

LAUTROU
l’anarchie n°13, jeudi 6 juillet 1905.

Les Anarchistes & les Syndicats

Le Syndicalisme, celui à l’églantine et au drapeau rouge, est en vogue chez Populo.

Par décision votée par les antivotards de la C.G. du T. le syndicat fera de Populo un syndiqué conscient.

De partout des ordres du jour sont votés approuvant la tactique révolutionnaire-anti-votarde de la C. G. du T. « Les camarades qui sont partisans, etc… »

De partout on dit que la tactique de la C. G.du T. est éminemment anarchiste, les militants syndicalistes sont presque tous, paraît-il, des anarchistes. « Le syndicat est l’école de la révolte. »

Il convient de nous occuper de ce mouvement, d’étudier ce qu’il est, quels résultats il pourrait donner.

En effet, le syndicat, c’est l’école de la révolte. Un des militants syndicalistes, élu grâce à une majorité membre du Comité confédéral, explique clairement l’imbécillité de l’idée de majorité. Au syndicat, on apprend à Populo, fabricant de canons, de fusils, que la guerre et l’armée doivent disparaître ; on lui apprend aussi à discuter les prix de façon des fusils et des canons.

Au syndicat, on apprend à Populo, gardien de prison, que les hommes sont frères et on lui apprend aussi qu’il faut demander quelques sous de plus à M. le Ministre pour son service de chien de garde.

Au syndicat, on apprend à Populo fabricant d’autorité qu’il est idiot de voter mais on lui apprend aussi à voter pour savoir s’il est fatigant de travailler 10 heure par jour, s’il est utile de gagner 3 sous de plus ; s’ils ne craignaient pas de paraître trop … anarchistes, les militants syndicalistes feraient voter Populo pour savoir s’il est idiot de voter et Populo marcherait.

La Majorité a dit qu’il était fatigant de travailler 10 heures ou 12, elle aurait pu dire que c’était logique, Populo, le syndiqué conscient, se serait incliné.

Concluons de tout cela que les anarchistes doivent participer au mouvement ouvrier révolutionnaire, que le syndicat est bien l’école de la révolte !

Il convient de faire entendre nos voix, parfois gênantes, dans ce troupeau, ce bétail syndiqué et syndicaliste. Il convient que les anarchistes se déclarent nettement antisyndicalistes. Il est faux que le syndicat soit l’école de la révolte ; c’est, au contraire l’organisme d’adaptation au milieu, fabriqué par la bêtise des ouvriers. On y apprend le respect de la majorité, on y perpétue l’esprit de corporation, on y fait de la politique de métier.

Le syndicalisme, que de nombreux camarades ont considéré soit comme un but soit comme un moyen, perpétue l’abrutissement de la masse, nous devons le combattre.

Pour être un syndiqué conscient il faut faire abnégation de sa personnalité, être décidé à s’incliner devant la majorité. Un anarchiste dans un syndicat doit donc être un élément de désorganisation.

Maxime MARIO
l’anarchie N° 51, jeudi 29 mars 1906.