SAINT-BERNARD AN VIII

Il y a 8 ans, le gouvernement de droite, incapable de répondre
politiquement aux sans papiers de Saint-Bernard grévistes de la faim
qui avaient trouvé refuge dans cette église, refusait de les
régulariser et y envoyait, au petit matin du 23 août 1996, des
centaines de gendarmes et policiers lourdement armés. Ils marchèrent
sur les centaines de personnes massées autour de l’église en soutien
aux sans papiers, en fracassèrent les portes à coups de hache pour
déloger les grévistes de la faim.

Cette répression sommaire contre des hommes et des femmes qui ont des
années durant contribué au développement de l’économie française,
cotisé pour les prestations sociales, tissé des liens sociaux et
familiaux en France, et qui n’avaient pour seul tort que de revendiquer
le droit de vivre dans la dignité, a suscité un profond rejet dans le
pays. La droite, dont le fameux « plan Juppé » avait été quelques temps
auparavant désapprouvé par la rue, fut défaite aux législatives de
mai-juin 1997. Un gouvernement de « gauche plurielle » fut mis en place
avec M. Jospin comme Premier Ministre.

Mais M. Jospin, reniant ses promesses électorales, a renoncé à abroger
sur le fond les lois Pasqua/Debré, et régulariser tous les sans
papiers. Son ministre de l’intérieur M. Chevénement a envoyé aux
Préfets une circulaire en date du 27 juin 1997, pour le « réexamen de
la situation de certaines catégories d’étrangers ». L’application de
cette circulaire a laissé sur le carreau 63000 déboutés sur 150000
dossiers déposés dans les Préfectures. La loi Chevénement du 10 mai
1998 dite loi RESEDA a plutôt aggravé la situation de « certaines
catégories d’étrangers », les dits « célibataires sans charge de
famille » notamment.

La droite revenue au pouvoir, talonnée et aiguillonnée par l’extrême
droite fasciste, dans un contexte de délire sécuritaire sans précédent,
a fait voter de nouvelles dispositions législatives particulièrement
iniques comme l’allongement de la durée maximale de rétention à 32
jours, la remise en cause de fait du droit d’asile, le renforcement de
la répression contre le délit de solidarité, etc. La promesse d’un
« examen pragmatique et avec humanisme » du dossier des sans papiers
s’est rapidement révélée être de la pure propagande. Après les
charters pour « désengorger les zones d’attente », les contrôles au
faciès, arrestations et expulsions se multiplient. Les centres de
rétention sont pleins et les expulsions sont exécutées avec une
brutalité qui dissuade quiconque manifesterait la moindre velléité de
refuser un embarquement.

M. De Villepin veut faire du chiffre, et autant que possible mieux que
M. Sarkozy. La politique de la droite en matière de traitement du
dossier des sans papiers a clairement pris un tournant : il s’agit
maintenant d’enterrer purement et simplement le mouvement des
sans-papiers. Une illustration en est la prise en otage de 26 de nos
camarades, dont 9 ont été expulsés, suite à la rafle méthodiquement
organisée le 4 juillet au square Séverine Porte de Bagnolet de 89
personnes.

Pour fournir de la matière pour cette politique, la machine à fabriquer
des sans papiers déboutés fonctionne à plein régime dans les
Préfectures : refus de dossiers au guichet, « insuffisance des preuves
de la durée du séjour », « preuves non probantes », « insuffisance
d’insertion dans la société française », tracasseries lors du
renouvellement de la vignette de un an, etc. Les sans papiers sont
poussés au désespoir et adoptent des formes ultimes de lutte qui
mettent en péril leur intégrité physique avec des grèves de la faim
souvent très longues.

Cette politique de « communautarisation » contre les étrangers, qui se
décide désormais à l’échelle de l’Europe, fortifie les sentiments
racistes et xénophobes, et assure au patronat un « matelas de
sécurité » avec le travail non déclaré.

Cette politique n’est évidemment pas détachée du contexte d’agression
contre les travailleurs et les précaires par les différents
gouvernements Raffarin : démantèlement des acquis en matière de
retraite, de sécuritaire sociales, attaques contre les intermittents,
etc.

Nous, sans papiers et nos soutiens, disons au gouvernement que nous ne
renoncerons pas à la lutte pour la dignité. Nous lui disons que nous ne
retournerons pas dans l’ombre. Au contraire, nous continuerons à
renforcer notre organisation à l’échelle de l’Europe, avec des
initiatives comme la marche Bruxelles-Paris.

Huit ans après Saint-Bernard, nous sommes toujours là et nous appelons
toutes les organisations, toutes les personnalités du monde artistique,
politique, à manifester pour :

– dénoncer les expulsions, les charters de la honte ; exiger le
retour des expulsés ;

– dire non au « délit de solidarité avec étranger » sans
papiers ;

– la fermeture des centres de rétention ;

– la libération des personnes emprisonnées pour défaut de
papiers ;

– la régularisation de tous les sans papiers avec la carte de 10
ans ;

– l-abrogation des lois Pasqua/Debré/Chevénement/Sarkozy ;

– le respect du droit d’asile ;

– une politique progressiste, humaine et d’égalité des droits
pour l’immigration.

MANIFESTATION NATIONALE

Samedi 21 août à partir de 14 Heures

de la Place de la République à l’Eglise Saint-Bernard

Le 5 août 2004

Signataires : Coordination Nationale des Sans Papiers ;