À Paris, Manuel Valls utilise une troisième fois le 49.3 pour faire adopter définitivement la loi Travail, au mépris des positions passées de son parti sur cette disposition constitutionnelle comme sur la hiérarchie des normes. Dans les Côtes-d’Armor, les cadres du PS donnent des leçons de démocratie à « Nuit Debout Lannion » après son défilé carnavalesque et révolutionnaire du 14 juillet. Dans le rôle du gendarme dans Guignol, le préfet des Côtes-d’Armor, Pierre Lambert, qui compte interdire les manifestations du mouvement et assommer financièrement ses participants.

 

Le carnaval du 14 juillet organisé par « Nuit Debout Lannion » n’a pas plu aux huiles du Parti socialiste. Vous pensez ! Balader des poupées de François Hollande, Manuel Valls, Myriam El Khomri, Pierre Gattaz et Corinne Erhel dans une charrette suivie par un dragon, des pirates et autres brigands ; voir l’Ankou et sa faux n’épargner que la députée locale au terme d’une mise en scène théâtrale, ça méritait bien un communiqué d’indignation.

Le carnaval continue… au sein de la fédération PS des Côtes d’Armor !

« Incitation à la haine et à la violence », « démocratie », « débats contradictoires » : tout y passe, y compris la mention d’un échafaud imaginaire. Ignorant tout du mouvement, le PS n’est jamais venu discuter sur la permanence installée dans ce but, chaque soir, depuis le 22 avril, devant la mairie.

Les communiqués du parti contre les dégradations antisémites commises à la médiathèque de Lannion ou dénonçant des inscriptions xénophobes apparues ce week-end le long de l’axe Lannion-Guingamp ont, eux, dû se perdre dans les tuyaux.

Le PS 22 n’ignore certainement pas la tradition, purement politique et fort heureusement toujours autorisée dans ce pays, qui consiste à se moquer des puissants, quitte à brûler des rois et couper des têtes de pantins. Leurs camarades d’Évian semblaient moins gênés lorsque l’effigie du président fut brûlée pour clôturer un carnaval, en mars 2014.

Si certaines sensibilités peuvent être légitimement froissées, cette mascarade ne peut être sortie de son contexte.

L’exploitation de l’émotion suscitée par les événements dramatiques qui se sont produits quelques heures après ce défilé, dans une ville par ailleurs habituée aux défilés grinçants, et qui ont poussé le mouvement à respecter un délais de décence est, on l’espère, à écarter.

Le préfet ne rigole pas

Reste que si le PS s’en tient aux mots, le préfet des Côtes-d’Armor Pierre Lambert sort lui son bâton. Beau numéro de duettiste !

La presse nous apprend mercredi matin qu’il a déposé plainte, après le jet de six œufs remplis de peinture (effaçable à l’eau), sur la sous-préf’, et envisage des poursuites pour « diffamation publique et outrage à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique » contre « Nuit Debout Lannion ». Un délit pouvant être puni de 7.500 € d’amende et six mois d’emprisonnement ferme.

« Toute manifestation nouvelle, susceptible de troubler l’ordre public, organisée à Lannion et à l’initiative des auteurs de ces actions, sera strictement interdite », lit-on encore.

Connaissant la tolérance des autorités et le discernement des policiers, cela correspond à une menace d’interdiction du mouvement pure et simple. La FDSEA, dont les traces des manifestations de l’hiver ornent toujours nos routes, peut se gausser.

La farce se poursuivra-t-elle devant un tribunal ?

La mairie PS-PCF de Lannion a déjà tenté de casser le rendez-vous citoyen. Le lundi 20 juin, le maire Paul Le Bihan publie un arrêté municipal qui interdit les rassemblements devant l’Hôtel de Ville, jusqu’au 5 juillet.

La manœuvre est limpide : profiter d’un jet de galet qui a brisé la porte d’entrée de la mairie pour désigner « Nuit Debout Lannion » comme responsable et empêcher ses membres de tenir leurs assemblées devant ce lieu symbolique.

Les amendes dressées par la police nationale s’accumulent, y compris après la fin de l’arrêté, pourtant les militants tiennent bon. Un recours est adressé au tribunal administratif, mais c’est surtout l’acharnement contre des personnes non violentes et ouvertes au dialogue qui se retourne contre les élus.

Pas sûr donc que les nouvelles intimidations administratives ne renforcent pas la colère, qui s’exprime depuis des mois à Lannion comme ailleurs contre le gouvernement et ses soutiens. Pas sûr non plus que les procédures du préfet aboutissent, car en septembre 2013, le procureur d’Angers avait classé sans suite la procédure engagée contre des carnavaleux, qui avaient placé la « grosse tête » de Nicolas Sarkozy dans une cage avec la mention « zoo de Doué ».

Les publications de « Radio Debout Lannion » n’engagent aucunement le mouvement « Nuit Debout Lannion », qui publie ses communiqués sur sa propre page. Article initialement publié sur la page Facebook de « Radio Debout Lannion ».