Voilà maintenant trois mois que le mouvement contre la loi travail a commencé. Depuis trois mois, nous sommes des milliers à tenter d’alimenter le foyer de la révolte contre la nuit sécuritaire et réactionnaire à l’ombre de laquelle nous vivions depuis trop d’années. Ce mouvement, inespéré il y a encore quelques semaines, a revêtu des formes très différentes au fil du temps et selon les endroits. Formes qui se sont parfois ignorées, parfois imbriquées, mais qui ont le mérité d’avoir permis à la lutte de se prolonger au delà de l’essoufflement de chacune de ses composantes.

De la vague lycéenne et étudiante du mois de mars, à l’émergence de Nuit debout en avril, jusqu’à l’entrée en grève de secteurs clés de l’économie ces derniers jours, quelque-chose tient, une détermination qui ne se dément pas.

La loi El Khomri tient à la fois pour peu de chose et pour beaucoup dans cette détermination. Pour peu de chose, car cette nouvelle attaque faite aux conditions d’exploitation n’est pour nombre d’entre nous qu’une actualisation par la loi de pratiques patronales déjà en vigueur. Pour beaucoup, car ce n’est pas par hasard si la confrontation prend de l’ampleur sur le terrain du travail, où nous avons reconnu la misère de notre condition, que l’on soit chômeur-se, précaire ou salarié-e, que l’on cherche du boulôt ou que l’on cherche à ne pas en trouver… D’emblée, pour une frange significative du mouvement, la lutte a pris pour cible – visiblement – le monde qui produit la loi travail, c’est-à-dire un monde où domine le capital, sa capacité à coloniser tous les aspects de nos vies, le devenir-marchandise qu’il promet à chacun d’entre nous, sa logique de mort, son état et sa police.

Cette sensibilité s’exprime, en de nombreuses villes, sur les lieux de blocage, les piquets de grève et dans des cortèges de manifestation offensifs toujours plus fournis, matérialisant un refus de se laisser enfermer dans les formes habituelles de la représentation syndicale ou sectorielle. Ces cortèges – démentis en actes de la logique de séparation poursuivie par les politiciens, bureaucrates et autres journalistes – s’accompagnent d’affrontements avec les flics, de pratiques d’action directe et d’autodéfense médicale et juridique. La forme des manifestations et des actions est une donnée significative du mouvement. Mais elle en exprime également les limites.

Limites en ceci que nous nous sommes heurtés à des difficultés pour faire émerger des espaces d’auto-organisation de la lutte. Ces difficultés tiennent en partie à une répression policière et judiciaire globale, à des stratégies syndicales confuses, et, du coup, à une situation de dépendance vis-à-vis d’un calendrier imposé par les directions des centrales. Elles laissent en tous les cas ouvert le besoin de se saisir du contenu de la lutte, de comprendre ce qui se joue dans cette période de retour de la conflictualité sociale, pour pouvoir agir en conséquence. La nécessité se fait donc sentir d’une rencontre des assemblées, des comités, des groupes, des individus qui ont tenté de prendre en main, depuis le début du mouvement, la question de son autonomie et de son dépassement.
Nous nous associons à l’appel d’Alès qui propose que cette rencontre soit l’occasion de diffuser l’information sur les actions passées et les mobilisations à venir, d’échanger des réflexions, autant sur les enjeux de la lutte que d’ordre plus tactique, de construire une solidarité et/ou une défense collective face à la répression.

Nous appelons tous cell-eux – assemblées, comités d’actions, collectifs, individus – qui se reconnaîtront dans cette proposition à participer à des journées de coordination les samedi 11 et dimanche 12 juin à Paris. Nous proposons que ces rencontres, précédant l’appel à une manifestation nationale le 14 juin, puissent être l’occasion de nous approprier cette date, et de la déborder pour en faire un moment de débat et d’initiatives visant à renforcer la conflictualité sociale en cours (sans se substituer aux initiatives décentralisées qui auraient lieu par ailleurs).

Nous proposons de nous retrouver le samedi 11 à partir de 10h à la fac de Nanterre pour une journée d’assemblée consacrée à un retour sur les différentes expériences locales de lutte et à une tentative de remettre le mouvement en perspectives (et éventuellement lui en tracer de nouvelles…). La journée du 12 pourrait être dédiée à des discussions et des ateliers thématiques sur toutes les problématiques particulières qui ont émergé au cours dudit mouvement.

Le programme est en cours d’élaboration et devrait comprendre des moments plus informels (cantines, concert…).
Il est bien évidemment soumis à toutes les propositions, étant entendu que la forme des ces rencontres n’appartient pas à ceux qui prendront en charge ses aspects matériels. Le mail doit permettre de recueillir toutes ces propositions, ainsi que toute question concrète relative à la logistique.

En espérant que notre appel résonne et que notre mélange détonne,

Divers gens dont le lien s’est construit dans le cortège de tête des manifs parisiennes

cortege-de-tete [at] riseup.net