Mais qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu ?
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : Exclusion/précarité/chômageLuttes salarialesRacismeZad
Les raisins de la colère.
Nous avons toutes les raisons de nous révolter. La dernière réforme annoncée du Code du travail est une nouvelle attaque de ceux et celles, élus, patrons, technocrates qui prétendent diriger nos vies. Elle vise à détruire les rares protections collectives des salarié-e-s. Les licenciements seront encore facilités, les heures supplémentaires encore moins payées, la durée du travail décidée unilatéralement par les patron-e-s, les amplitudes horaires encore amplifiées, les temps partiels, touchant essentiellement les femmes, multipliés etc. Bref, sûr de notre résignation, le gouvernement entérine la bonne nouvelle : nous ne sommes que de la chair à patrons, nous devons nous adapter aux entreprises et à l’économie ou crever. Cette réforme s’ajoute à la destruction de l’assurance chômage, au contrôle renforcé des plus pauvres, à la gestion policière et raciste des migrants et des migrantes, à l’état d’urgence, à la répression toujours plus violente, aux ravages industriels…
Face à ces attaques, certains et certaines ont décidé d’opposer leur détermination à lutter : contre le projet d’aéroport international et en solidarité avec l’expérience de la ZAD à Notre-Dame-des-Landes, en solidarité avec les migrants et migrantes, contre la répression des syndicalistes de Goodyear condamnés à de la prison ferme pour s’être révoltés, contre l’état d’urgence renforçant le contrôle sur nos vies et réprimant les classes jugées dangereuses, en premier lieu celles et ceux soupçonnés d’être musulmans, mais aussi les classes populaires, les petits trafiquant-es, les révolté-es, les militant-es. Toutes ces luttes combattent un monde qui n’a rien d’autre à nous proposer qu’exploitation, oppressions, flicage, désastres, inégalités, vies mutilées.
Renouer avec les luttes.
Des luttes nous en avons connues. Il y a 10 ans, certains et certaines d’entre nous étions de ceux et celles qui luttaient contre le Contrat Première Embauche. Il visait à instituer une période d’essai prolongée pour les jeunes. En novembre 2005, des émeutiers et émeutières avaient montré la voie en foutant le feu aux institutions qui quadrillent leur quartier, aux entreprises qui venaient piller les aides accordées aux zones franches, en mettant en échec les flics. Quelques semaines plus tôt, à Clichy-sous-bois, Zyed et Bouna mourraient alors qu’ils avaient tenté de se réfugier dans un transformateur électrique, poursuivis par les flics, tandis que Sarkozy annonçait sur la dalle d’Argenteuil la guerre à la “racaille”.
Quelques mois plus tard, au printemps 2006, des centaines d’étudiants et étudiantes, de lycéens et lycéennes, de travailleurs et travailleuses, de chômeurs et chômeuses ont occupé les facs et les lycées. A Caen, comme dans de nombreuses villes, s’est alors expérimenté une vie collective faite de révolte, d’auto-organisation et de joie. Dans les batiments occupés c’est le travail qui était questionné, le capitalisme et l’Etat, mais également les différentes dominations, les relations amoureuses, les hiérarchies, l’emprise technologique et médiatique. Les mouvements sont l’occasion d’une rupture avec la temporalité du capital. Le temps s’extrait, dans la grève, du chronomètre du patron, ou de la succession monotone de cours ineptes. Les lieux occupés sont investis par la vie, les discussions s’y déployant cassent la routine et les a priori. Les affrontements autour des relations de pouvoirs s’y jouant structurent notre anti-autoritarisme. Ce qui se forge dans cette interruption du quotidien, c’est la possibilité de faire un pas de côté. Des milliers de personnes sont alors descendues dans les rues, ont occupé des bâtiments administratifs, bloqué la gare et le périph, affronté les flics. Pour de plus en plus de grévistes, il ne s’agissait plus de lutter contre le CPE, mais contre la précarité en général, et le monde dans lequel on nous intime de vivre. Au-delà d’avoir enterré le CPE, ce mouvement est resté gravé chez les grévistes comme l’expérience qu’il est possible de vivre autrement et de bousculer l’ordre existant.
Vive la Sociale !
Il ne s’agit pas tant de sauver un Code du travail ne visant finalement rien d’autres qu’à rendre plus supportable les conditions de notre exploitation, mais surtout de mettre un coup d’arrêt à tout ce qu’on se prend dans la gueule depuis des années, de partager des gestes d’insoumission, de reprendre un peu nos vies en mains et de nous tenir debout quand ils veulent nous écraser. Les attentats de Paris ont été pour le pouvoir l’occasion de nous tenir en rang. L’appel à l’unité nationale contre le terrorisme et l’état d’urgence ont permis d’offrir une légitimité à tous les mauvais coup. Au patriotisme militaire, s’est ajouté le patriotisme économique.
Nous avons pourtant bien d’autres manières de lutter contre l’Etat islamique sans nous en remettre à des gens qui veulent diriger nos vies et en profitent pour nous soumettre davantage : en nous solidarisant avec les migrants et migrantes, avec les kurdes combattant Daesh en Syrie ou en Irak, en propageant les luttes d’émancipation partout, en ne cédant pas à l’arbitraire et au chantage ici. Face à la soumission dans laquelle le pouvoir vise à nous enfermer, nous proposons de rompre les rangs par la guerre sociale, avec pour armes notre solidarité et notre détermination.
Nous pouvons répondre à ces attaques et construire dès à présent des expériences et des liens entre nous structurant les fondations d’un monde plus désirable. Multiplions les assemblées autonomes de lutte entre égaux, les liaisons entre les révoltes, les manifs sauvages, les grèves, les blocages, les occupations, les sabotages. Tout cela en visant à en finir avec ce système d’exploitation et d’oppressions, pour une société plus libre et plus égalitaire.
Collectif Sans Nom.
Contact : collectifsansnom(at)riseup.net
____________
Infos et analyses : sous-la-cendre.info
Pour info, le local Apache organise une causerie autour de la loi El Khomri: analyses et perspectives le samedi 19 mars à 16h, 35 bvd Poincaré, CAEN (arrêt de tram Poincaré).
Le collectif sans nom est un collectif antiautoritaire caennais créé il y a environ un an. Il vise à lutter contre toutes formes de domination et d’oppression (racisme, sexisme, capitalisme, Etat, industrialisme…), dans une perspective de rupture avec le monde existant en vue de construire une société égalitaire et libertaire.
Encore des mots toujours des mots les mêmes mots, rien que des mots ?
Il va falloir faire un peu le tri dans tout ce qui est dit dans ce texte.
Pour commencer, la force de la lutte anti-CPE a d’abord et avant tout résidé dans la volonté D’ÉTENDRE le mouvement, d’aller voir les chômeurs à Pôle-emploi, les ouvriers dans les usines, les salariés dans les manifs, les sans-papiers ; le blocage pour le blocage est un piège, que l’on bloque les facs, les lycées ou les autoroutes, parce qu’il enferme tout de suite le mouvement sur un fétiche particulier qui n’établit AUCUN RAPPORT DE FORCE avec l’État.
Ce qui a fait peur au gouvernement à l’époque, c’est la possibilité de plus en plus grande que les salariés s’en mêlent ouvertement, alors que le mouvement anti-CPE bénéficiait d’une très grande sympathie parmi eux. Et les étudiants à l’époque l’avaient bien compris : il fallait sortir de la fac et des lycées, attirer les précaires et les salariés dans le mouvement. Ça n’est pas en bloquant les autoroutes ni en se tapant avec les flics que le mouvement l’a emporté !
D’autre part, la « lutte au Kurdistan » étant une lutte nationaliste, elle n’a jamais rien eu à voir avec une quelconque « émancipation », il faudrait éviter de mélanger tout et n’importe quoi. Je ne vois pas trop non plus en quoi la lutte de Goodyear, un modèle d’enfermement syndical sur l’entreprise, serait un modèle pour une lutte qui doit par définition s’étendre.
Pour l’instant, l’agitation lycéenne et étudiante est essentiellement le produit des syndicats. Il faudrait se souvenir qu’en 2006, les syndicats se sont fait VIRER de la tête du mouvement, et que c’est pour cela qu’il a pu se développer aussi loin dans la solidarité et l’ouverture aux salariés. C’est aussi pour cela qu’il l’a emporté…