Ça s’en va et ça revient… vladimir, martine & co se séparent, ou plutôt s’éparpillent pour mieux se retrouver plus tard
Publié le , Mis à jour le
Catégorie : Global
Thèmes : EcologieNucléaireResistances
Lieux : Bure
En guise de premier bilan
Ces dernières semaines, quelques personnes ont sonné aux portes pour avoir des ressentis et la boîte VMC a reçu pas mal de mails. Nous avons eu de nombreux retours, et beaucoup de positif sort de cette aventure. Notamment le fait que ce camp marque le point de départ de la renaissance d’une lutte qui s’est essoufflée après avoir été bien virulente pendant de nombreuses années. Et a participé au renforcement des liens tissés entre différentes luttes qui portent des idées/idéaux commun-es. Du côté des habitant-es des environs, et des militant-es locaux, cette aventure a plutôt rencontré de l’enthousiasme et créé des complicités. On verra ce qu’il en ressort dans les semaines qui viennent avec les retours écrits et oraux que certain-e-s se donnent à cœur de collecter.
Dans le flot des moments partagés, on se souviendra également d’une balade aux flambeaux, au cours de laquelle deux groupes ont silloné la nuit durant quelques heures, les un-e-s partageant un peu de lumière avec la lune, en miroir face aux insupportables spots de l’ANDRA, tandis que les autres faisaient valser un pan de grille à l’arrière du « labo ». On se rappelera également le sabotage des sondes piézométriques (qui permet de déterminer la distance entre le niveau du sol et celui de la première eau souterraine) de l’ANDRA, bouchées partout où elles se sont trouvées sur le chemin, une balade instructive autour des lignes THT, une surprise à l’attention du préfet de la Meuse à Bar-le-Duc, l’autoréduction du super U, la simulation d’un accident nucléaire à Void-Vacon ou encore le ravalement de façade de l’odieux ingénieur de l’ANDRA à Lifol-le-Grand….
Mais nous entendons aussi les avis plus mitigés ainsi que les ressentis négatifs et souhaitons avancer en les prenant en compte. Si ce qui précède semble plutôt positif, personne ne niera que ces 10 jours à Luméville ont aussi donné lieu à des conflits, des malentendus, des ratés, des conneries, des désillusions, voire des départs de certaines personnes choquées ou énervées. Il nous reste du travail et du chemin à faire. Tout se construit, et ça prend du temps. Les erreurs se corrigent. Le campement se voulait ouvert, mais portait néanmoins des positions politiques claires (un certain nombre de principes en “-iste” qui sont portés par les milieux anti autoritaires depuis longtemps, et reformulés dans les textes de présentation du camp de Bure). Malgré une volonté de porter attention aux un.e.s et aux autres, aux discriminations bien ancrées en nous, on a mesuré l’ampleur du chemin qu’il reste à parcourir. A l’inverse, il a fallu faire des choix, voire demander à certaines personnes de partir. Parce que leurs idées ou leurs comportements ne supportaient aucun compromis de notre part. La question du sexisme était très présente, parce qu’elle n’est jamais résolue, parce qu’elle nécessite un combat de tous les instants, parce que nous ne l’avons pas assez anticipé en amont (écoute, médiation, gestion de conflit…), parce que nos perceptions restent toujours très diverses et que nos postures sur les manières d’en sortir peuvent être très différentes voire difficilement conciliables.
Un autre point négatif surtout ressenti au niveau des personnes qui ont pris en charge beaucoup de choses dans l’organisation et le fonctionnement quotidien du camp : nous n’étions pas encore assez nombreux-ses dans les différentés commissions (en amont, et pour certaines pendant le camp). Du coup on a geré un peu l’urgence (le minima), on a pas eu le temps de transmettre, et ça s’est ressenti à plein de moment. L’autogestion ça ne se décrète pas, ça se pratique.
On a aussi retrouvé les habituels différends autour des modes d’actions, qui font ressortir parfois de vieux conflits, ancrés dans les histoires croisées de l’anarchisme, du communisme ou de l’autonomie, selon qu’on soit plus ou moins dans la spontanéité ou dans la construction de rapports de force sur le long terme, la propagande par le geste ou la composition avec les autres “forces” présentes… On a tendance à considérer un mode d’action comme une marque de fabrique, un code attribué tantôt aux anarchistes, tantôt aux citoyennistes, tantôt aux autonomes. De vieux réflexes qu’on appliquerait automatiquement dans n’importe quel contexte, quoiqu’il se joue en face, quelle que soit la situation. Pour nous les modes d’action ne sont pas liés à des postures politiques. Si on ne croit pas dans la justice mais qu’on pense qu’un recours déposé au tribunal peut faire chier, allons-y ! Si on ne conçoit pas de jeter des pierres sur des flics mais que ça peut empêcher une arrestation ou une expulsion, pourquoi hésiter ?
On aurait plutôt aimé parler stratégie, définir des objectifs communs et choisir les modes d’action qui permettent de taper là où ça fait mal. Et ne pas avoir à s’énerver sur des “actions” absurdes car non pensées et non préparées, déconnectées de la situation et du niveau d’intensité, qui vont davantage emmerder les participant.e.s à la lutte que nos ennemis communs. Au-delà des héritages politiques auxquels nous pouvons nous sentir rattaché.e.s, on ne souhaite pas s’enfermer dans une posture identitaire. Les conflits sont nés entre des personnes ou des groupes ayant certaines positions antagonistes, incompatibles et si on veut quand même remporter des choses ensemble, il faudrait pouvoir assumer la question de l’ouverture aux différents modes d’action.
Si ces questions sont très présentes dans nos milieux politiques, il nous semble essentiel de les partager au-delà. Notre force grandira de la rencontre, parfois douloureuse et difficile, avec la multitude hétérogène que nous formons toutes et tous. C’est en cheminant ensemble et en étant attentif.ve.s les un.e.s aux autres qu’on construit des liens suffisamment solides pour défaire ce qui nous empêche de vivre. Ensemble éprouver l’adversaire qui nous fait face, la joie d’une manche remportée, la transmission d’un savoir ou d’une histoire qui donne des outils à nos actions. C’est ce que nous souhaitons pour la suite. Et si nous n’avons évidemment pas enterré l’Andra et son monde en 10 jours, n’en déplaise à celleux qui nous ont compris.e.s au premier degré, nous sommes sûr.e.s d’avoir continué à creuser sa tombe.
La lotta continua.
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