Le massacre de Suruç et ses suites

Notre tristesse sera notre colère, Kobanê sera reconstruite

Mise à jour du : 25 juillet 2015

mardi 21 juillet 2015, par WXYZ

Cet article a débuté le 21 juillet par la publication de la déclaration de Devrimci Anar?ist Faaliyet (DAF – Action Révolutionnaire Anarchiste) sur l’attentat à la bombe contre le Centre culturel Amara de Suruç (Pîrsus).

Puis nous avons publié un communiqué du Congrès national du Kurdistan (KNK), ainsi que d’autres informations dont un article qui pointait la complicité de l’État turc et demandait pourquoi et comment ce massacre a pu être réalisé. Un article qui pose également la question de la nécessaire autodéfense du mouvement de libération kurde dans tous ses modes d’expression et de lutte.

Et puis, très vite, le cours de l’histoire présente s’est emballé et nous essayons de suivre, de savoir, de comprendre, de faire savoir…

Ce massacre a entrainé des mobilisations populaires massives dans toute la Turquie et des réactions répressives et bellicistes de l’appareil d’État turc. Les attaques de l’État turc contre le PKK en territoire du Kurdistan irakien sont en train de rouvrir un ancien front de guerre “interne” à la Turquie, mais dans un contexte totalement différent qu’au moment du cessez-le-feu (2012). Ce faisant, les rafles et la répression des manifestations en territoire turc, et les bombardements de grande ampleur sur les bases du PKK ouvrent un nouveau front dans la guerre régionale, menacent l’expérience de libération politique et sociale du Rojava et vont de toute évidence modifier substantiellement la situation politico-militaire déjà complexe de tout le Moyen-Orient.

 

Dernière mise à jour : le 25 juillet 2015 – 22 h
(voir à la fin du document)

__________________ Notre tristesse sera notre colère, Kobanê sera reconstruite

20 juillet 2015

Hier, près de trois cents personnes étaient parties de différentes villes [de Turquie], à l’appel de la Fédération des associations de jeunes socialistes afin de reconstruire Kobanê que l’ISIS a essayé de réduire en cendres. Aujourd’hui, en arrivant à Suruç (Pîrsus), juste avant de partir pour Kobanê, ces jeunes réalisaient une conférence de presse en face du Centre culturel Amara de la ville de Suruç (Pîrsus). A la fin de la lecture du communiqué de presse, une bombe a explosé au milieu de la foule, faisant taire de nombreux cœurs qui avaient battu avec l’espoir de la reconstruction.

Selon les informations disponibles pour l’instant, 31 personnes sont mortes et des centaines ont été blessées dans l’explosion.

Après cette explosion aujourd’hui, nous entendons, depuis les hôpitaux de Suruç (Pîrsus), les noms de ceux qui sont tombés. Ceux qui sont venus de nombreuses villes différentes, ceux qui avaient de grands espoirs dans leurs cœurs, sont maintenant ceux qui sont tombés, comme les cibles des assassins. Les gens qui sortent dans les rues afin de demander des comptes pour ceux qui sont tombés, ceux qui attendant devant les hôpitaux, sont menacés par les TOMA [véhicule avec canon à eau] et la police qui sont arrivés du Centre culturel Amara avant les ambulances. A Mersin, à Sert, à Istanbul … Les gens qui descendent dans les rues sont pourchassés pour être massacrés par l’État meurtrier, par les collaborateurs des assassins.

Ceux qui ont massacré de nombreuses vies, depuis le premier jour de la Résistance de Kobanê, essaient maintenant de nous décourager en assassinant nos frères et sœurs.

Nous essayons de reconstruire une nouvelle vie contre l’ISIS, contre l’Etat qui collabore avec l’ISIS, contre la politique de guerre sans fin de l’Etat. Quoi qu’il en coûte, nous allons convertir notre douleur en rage, nous allons reconstruire Kobanê et recréer une vie sur cette géographie dévastée !

(Aujourd’hui, Alper Sapan de l’Initiative Anarchiste Eski?ehir a été assassiné au cours de l’attaque. Et un ami appelé Evrim Deniz Erol a été grièvement blessé.)

Biji Berxwedana Kobanê ! / Vive la Résistance de Kobanê !
Biji ?ore?a Rojava ! / Vive la Révolution du Rovaja !

Action Révolutionnaire Anarchiste
Devrimci Anar?ist Faaliyet (DAF)

Le 20 juillet 2015

(traduction OCLibertaire)

____________

Communiqué du Congrès national du Kurdistan (KNK) sur le massacre de Suruç

Nouveau massacre commis par Daesh, dans la ville de Suruç

Les terroristes de Daesh ont attaqué des jeunes qui se préparaient à partir à Kobanê : 31 personnes ont été tuées et au moins 100 autres ont été blessées.

Le 20 juillet, vers 11h00, une grande explosion due à un attentat-suicide est survenue à la périphérie de la ville de Suruç, dans la province d’Urfa (Nord-Kurdistan, Turquie), à la frontière de Kobanê. Elle s’est produite plus précisément dans le Centre culturel d’Amara dont la cour a été transformée en un bain de sang.

Les victimes font partie d’un groupe de 330 jeunes âgés de 20 à 30 ans, tous membres de la Fédération des Jeunes Socialistes, venus à Suruç pour soutenir la reconstruction de Kobanê. Ils étaient venus en convoi d’Istanbul, d’Ankara, d’Izmir, d’Adana et du nord de la Turquie, avec le projet de construire à Kobanê une librairie, un parc pour enfants et un centre de santé.

Les jeunes activistes s’étaient regroupés dans le Centre culturel d’Amara pour y donner une conférence de presse afin d’annoncer qu’ils avaient officiellement été autorisés à passer la frontière. C’est à ce moment-là que l’attentat-suicide a été perpétré.

Les premiers chiffres faisaient état de la mort de 31 personnes et indiquaient qu’au moins 100 autres avaient été blessées. Cet attentat survient le lendemain de l’anniversaire de la Révolution du Rojava qui a commencé le 19 juillet 2012 avec la mise en place par les Kurdes de l’autonomie démocratique dans les cantons de Kobanê, Afrîn et Djizirê.

Cet attentat terroriste, cette tragédie, est directement lié à la crise politique que traverse actuellement la Turquie. Il ne fait aucun doute que cet attentat a été encouragé par le soutien ouvertement apporté à Daesh par différents Etats de la région.

La résistance kurde contre la barbarie de Daesh est une lutte pour la démocratie, les droits humains et l’humanité. Soutenir les résistants du Rojava et condamner Daesh et ses soutiens est un devoir politique pour la communauté internationale.

Cet attentat ne vise pas seulement le Rojava, mais aussi la solidarité avec le Rojava.

Nous demandons au gouvernement turc de faire immédiatement toute la lumière sur cet attentat.

Nous condamnons fortement cette attaque terroriste brutale et appelons la communauté internationale, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe à prendre immédiatement des sanctions à l’encontre des Etats qui soutiennent Daesh afin qu’ils arrêtent leur soutien à cette barbarie

Congrès national du Kurdistan – KNK

Manifestations immédiates un peu partout dans le Nord-Kurdistan (en Turquie) et dans les grandes villes turques aux cris de « Le Kurdistan sera la tombe de Daesh » et « Daesh assassin – AKP complice ». Pratiquement toutes les manifestations ont été attaquées par les force anti-émeutes de la police turque. Dans certaines villes (y compris Istanbul), des groupes d’autodéfense armés (molotovs, fusils, AK47…) sont descendus dans les rues aux côtés des manifestants.

Appel à mobilisation urgente pour condamner l’attentat de Suruç en Turquie !

Des jeunes pleins d’espoir avaient pris la route pour participer, durant 6 jours, à la reconstruction de Kobané… Une conférence de presse tenue par un groupe de 300 membres de la SGDF (Sosyalist Gençlik Dernekleri Federasyonu / Fédération des associations des jeunes socialistes) pour annoncer leur engagement dans la reconstruction de Kobané, ville syrienne devenue le symbole de la résistance kurde face à DAESH, a été la cible d’une explosion sanglante dans la ville de Suruç, près de la frontière Syrienne, en Turquie.

Le premier bilan du drame fait état d’une trentaine de morts et de plus d’une centaine de blessés. Malgré une campagne active menée depuis plusieurs semaines et largement diffusée par la SGDF annonçant leur départ d’Istanbul pour la reconstruction de Kobanê, aucune mesure de sécurité particulière n’a été prise par les forces de sécurité turques.

Ce massacre vise à briser la solidarité internationale grandissante entre les peuples. Ce massacre vise notre liberté. Ce massacre vise notre humanité. C’est pourquoi, nous lançons un appel massif à la presse et à l’opinion publique à condamner fermement ce massacre et d’exhorter l’État turc à ce que lumière et justice soient faites.

Manifestation le samedi 25 juillet 2015
Gare de l’Est à 14h

ACTIT (Association Culturelle des Travailleurs Immigrés de Turquie)

Comment et pourquoi le massacre Suruç est-il arrivé ?

Les jeunes qui sont morts ou ont été blessés à Suruç avaient un seul objectif : se rendre à Kobanê et participer à la reconstruction de la ville…

Mardi 21 juillet 2015

ANF – Amed Dicle

Les jeunes qui sont morts ou ont été blessés dans Suruç avaient un seul objectif : se rendre à Kobanê et participer à la reconstruction de la ville. Ils étaient membres de la Fédération des Associations des Jeunesses socialistes (SGDF) et avaient émis un communiqué de presse avant de se rendre à Suruç. Cela faisait un mois qu’il était public et connu que ces jeunes se préparaient à y aller.

Les habitants de Suruç, les jeunes et les représentants d’organisations non gouvernementales ont accueilli les jeunes à Suruç. Ils ont rencontré le gouverneur de district et lui ont dit qu’ils aimeraient traverser la frontière à Kobanê. Le gouverneur du district les a fait attendre en leur disant que seuls quelques-uns d’entre eux pourraient traverser et pas l’ensemble du groupe.

L’attaque sanglante de Suruç a eu lieu après que les jeunes aient fait une déclaration à la presse dans le Centre culturel Amara en réponse aux obstacles posés par le gouverneur de district.

Nous devons poser les questions suivantes en ce qui concerne l’attaque :

1. – La police a fouillé complètement les jeunes alors qu’ils se rendaient au Centre Culturel Amara. Le point de contrôle de la police était à 200 mètres d’Amara, et la police aurait pu mettre en place un point de contrôle plus proche du centre culturel. La police n’aurait-elle par installée son poste de contrôle à 200 mètres d’Amara pour être hors d’atteinte de l’explosion ?

2 – Comment le kamikaze de l’ISIS a pu entrer dans le centre culturel dans un contexte où la police a fouillé chaque ordinateur portable, appareil photo et même les crayons que portaient les jeunes massacrés ?

3 – Comment les services de renseignement turcs, qui surveillent tout à Suruç y compris le poste frontalier de Mür?itp?nar, ont-ils réussi à ne pas ?voir” le membre de l’ISIS ?

4 – Comment est-il possible que la police n’ait pas identifié le membre de l’ISIS malgré le fait que Centre Culturel Amara est situé à côté d’un commissariat de police ?

5 – Pourquoi les policiers ont-ils attaqué des civils qui apportaient les blessés à l’hôpital ? Parce qu’ils voulaient que les blessés meurent ainsi ?

6 – Combien de cellules de l’ISIS existent dans Suruç et ses alentours ? Est-ce que l’État est au courant de ces cellules ?

7 – Pourquoi les corps ont-ils été examinés par la médecine légale de Gaziantep et non par la médecine légale d’Urfa ? Qu’est-ce qu’ils essaient de cacher ?

8 – Il y a des déclarations de témoins affirmant qu’il y avait deux assaillants, un homme qui a fait exploser la bombe et une femme qui fut blessée, et que la femme blessée est en garde à vue en ce moment. Qui est la femme attaquante, née en 1995 à Sivas, qui a été placée en garde à vue ? Pourquoi les responsables ne parviennent-ils pas à faire une déclaration à ce sujet ?

Celui qui doit répondre à ces questions est l’État, et les réponses à ces interrogations sont évidentes.

Beaucoup de gens avaient prévu de telles attaques après la libération de Girê Spî (Tel Abyad) par les YPG. Comme des images vidéo l’ont confirmé, les gangs de l’ISIS se sont enfuis de Girê Spî et ont traversé la frontière librement et joyeusement à Akçakale. Peu de temps après, l’agence d’informations Dicle (DIHA) et d’autres organes de presse d’opposition ont documenté le quartier général de l’ISIS à Akçakale. DIHA a également fait état de la formation d’une cellule de l’ISIS à Ceylanp?nar il y a deux jours.

Girê Spî a été une lourde défaite pour l’AKP et l’ISIS, car la logistique était organisée à travers le poste-frontière là-bas. Les responsables de l’AKP ont manifesté publiquement leur mécontentement face à la libération de Girê Spî, et Erdo?an a déclaré qu’il ne resterait pas « assister sans rien faire » à ce qui se passe. Ils essaient maintenant de venger la libération de Girê Spî dans le Nord-Kurdistan. Quand l’ISIS a été vaincu dans le Kurdistan syrien, ils ont apporté la guerre de ce côté-ci de la frontière. Ils répètent à Suruç, à Urfa et à Diyarbak?r l’attaque sur Kobanê du 25 juin. Le massacre brutal de Suruç est une attaque contre le modèle de la vie libre et démocratique développé dans le Kurdistan syrien et les personnes qui se solidarisent avec le Mouvement pour la liberté kurde.

Nous sommes dans une situation dangereuse car Erdogan et son AKP ont actionné la haine qu’ils ont accumulée après leur défaite dans le Kurdistan syrien ainsi que lors des élections du 7 juin dernier. Nous ne pouvons pas faire appel à des tyrans ; l’État turc ne protégera pas les civils et les institutions de l’ISIS. C’est l’ISIS que l’État protège et tolère. Cette situation actuelle rend l’autodéfense plus cruciale que jamais.

Comment pouvons-nous organiser notre auto-défense ?

1- L’autodéfense est une question sérieuse et importante. Nous devons l’organiser systématiquement et sans panique, sans compter sur l’État.

2- Nous ne devons pas laisser la sécurité aux mains des forces de police lors des actions collectives qui ont lieu dans les villes frontalières ainsi que dans les centres urbains comme Amed [Diyarbak?r]. Les attaques de l’ISIS sont plus susceptibles de se produire dans des zones où il y a une présence policière intense. Des centaines de civils peuvent former des cercles de sécurité pour l’autodéfense.

3- Le danger persistera aussi longtemps que les cellules de l’ISIS existent. Par conséquent, les jeunes doivent prendre l’initiative et éliminer les cellules de l’ISIS qui fonctionnent sous le déguisement d’organisations d’aide et de presse.

4- Les organisations non-gouvernementales, les politiciens démocrates, les parlementaires et la presse doivent clarifier leur position concernant le quartier général de l’ISIS dans l’exploitation agricole TIGEM à Akçakale. Les parlementaires et les ONG doivent exposer pourquoi TIGEM est fermée aux civils.

___

Source : ici

Traduction : OCLibertaire