Ainsi d’aucuns voudraient permettre et participer à ce que s’ écrive l’  histoire des vaincus, ou « 30 ou 40 années de luttes autonomes en France », « par le biais d’un documentaire de 90 minutes (!) financé peut-être par La Chaîne Parlementaire, et plus tard, grâce au financement, par le biais d’un livre plus fouillé ».
Car c’est bien à ce projet de Philippe ROIZES, documentariste de son état, que participent déjà quelques groupes, ou lieux, ou individus (ce concept si prisé) de ci de là.

Disons ici tout de suite que le réalisateur est du genre efficace. Jamais de ma vie je n’avais vu un journaliste approcher, convaincre, séduire, autant de groupes et de gens. Il va vite, il voyage, il rencontre, il écoute, il filme.

C’est que PR sait comment s’y prendre. Il me racontait à ce propos la deuxième fois que je l’ai vu les mésaventures de 3 jeunes photographes, avec qui il était dans un squat, venus comme lui tenté d’exercer leur hobby ou leur métier dans cet antre typique du militant autonome si convoité. Malheur leur a prit de se présenter comme artistes, ou d’expliquer qu’ils travaillaient de façon « anarchique », ils se sont fait proprement rembarrés. Alors que lui, me dît-il alors, s ‘en était bien tiré, sachant comment « ne pas tomber dans ces pièges »…
Ce jour je me suis dit intérieurement que, si aucun piège n’avait été tendu aux photographes, PR lui en présumait l’existence possible et pensait savoir les éviter.
C’est comme cela que je me suis penché sur ce bonhomme, venu nous proposer son projet de filmer notre local d’activités avec nous dedans, nous racontant que sans avoir été militant, il avait fréquenté la mouvance musicale des squats des 80’s, et que du coup, sans être un des nôtres, il n’était pas non plus un étranger, connaissant d’ailleurs untel, autonome en pré-retraite et aussi untel.
Qu’il travaillait déjà avec un collectif (de renom bien sûr), que ce collectif lui avait d’ailleurs demandé à ce que lui, PR, les suive en province sur une activité importante.
Et qu’ aussi (son CV s’allonge) il disposait de toutes les Nuits Câlines en numérique (cela m’intéressa, il me les promit).

Ah bien sur, plus tard, quand je fus amené à lui dire le peu d’intérêt que nous portions à son projet et nos craintes quant à ces façons malhonnêtes d’approcher son sujet (les gens en lutte, ayant été, en voie de l’être), il m ‘expliqua que s’il n’avait jamais eu la totalité des numéros de Nuits Calines comme affirmé, il allait les avoir, il en avait déjà une ou deux à me passer, et que cela relevait « de petits arrangements avec la réalité ». Au moins n’eus-je pas droit aux termes d’erreur ou de malentendu.
Car ce fut un malentendu qui expliquait le fait que les gens du collectif dont ils nous avait parlé ne l’avait jamais invité à les suivre en province. Tout au plus lui ont-ils dit que s’il voulait il pouvait venir les rejoindre, puisque lui voulait les rencontrer et qu’ils étaient là-bas dans des circonstances publiques…
Je n’ai pas su s’il s’agissait d’un malentendu, d’une erreur, ou d’un arrangement avec la réalité quand il me rapporta maladroitement les propos d’une camarade sur notre local, propos qui furent démentis, démenti qui entraîna des excuses de PR. Histoire close ?
Un autre malentendu encore doit être à l’origine du fait qu’ une de ces interview a paru à l’interviewé sortir du cadre de travail posé par PR.
Une erreur d’interprétation doit pouvoir expliquer pourquoi un collectif parisien de précaires a accepté d’être filmé en partie parce que PR aurait dit connaître un de ceux qu’on appelle les vieux quand on a moins de 30 ans, un qui a de la bouteille. Mais le papi a encore de la vigueur et du flair, non seulement il ne le connaît pas mais ne veut pas le voir.

Arrêtons nous là un moment. Je viens d’énumérer les trucs poisseux, les « petits arrangements avec la réalité » (toutes les citations sont de PR), je dis poisseux parce que ça colle aux doigts, on arrive pas trop à s’en défaire, car ce ne sont pas souvent complètement des mensonges et PR tente de se rattraper assez habilement pour qui a du temps à perdre à discuter avec lui. Il connaît les gens mais en fait non, il a pas dit je connais, on lui a donné le contact, j’ai jamais dit que je connaissais, j’ai dit que je connaissais c’est pas pareil, et patati et patala.
L’arborescence foireuse, j’appelle ça comme ça. Il a un contact, il en fabrique dix, il dit qu’il connaît, sans quoi personne ou si peu lui parlera, si tu lui prend la tête il dit qu’il dit qu’il connaissait de nom, ou qu’il l’a vu deux fois (puisqu’on lui a filé son contact… ) T’ as compris le truc ? Après j’ t’explique…
C’est du niveau Facebook, t’as pas d’amis mais t’en a 100.

Arrêtons nous là pour revenir à l’essentiel, son projet.

D’abord un point net. PR obtient, de ce que j’observe, une somme de rendez-vous et d’informations historiques, collectives, et personnelles importantes, plus importantes que ce qu’aucun journaliste ou autre fouille-merde pourrait obtenir normalement, tant sa connaissance des codes est suffisante pour bien pénétrer la sphère, pour employer un terme à la mode qui désigne mal l’ amas diffus et contradictoire qui caractérise un certain milieu, sujet historique pour PR. Je trouve cela très problématique, c’est pourquoi je vous écris ici.

Seulement le comportement malveillant de PR ne fait pas tout, déchargeons le donc un peu du poids sur ces épaules. Cette histoire des vaincus (je ne mets pas cette citation entre parenthèse bien qu’il l’ai prononcé, parce qu’il l’a piqué à un camarade qui lui présentait son propre travail quelques jours avant, et tout le paragraphe avec. En d’autres termes, PR nous a vendu son projet avec les mots exacts d’un camarade sur un autre projet.), cette histoire des vaincus donc, faut-il la raconter à Philippe Roizes ?
Que nous apporte t-il d’autre que le fait de se déplacer et de savoir faire tourner sa caméra ? Pourquoi entends-je les gens me dire « oh tu sais nous on lui parle parce qu’on ne fait rien de dangereux ou d’intéressant » ? Est-ce une bonne raison pour se faire interviewé ? Ou encore « moi je parlerai que du passé » pourquoi pas le présent mais le passé oui ? Qu’est ce qui dans son travail nous indique qu’il peut faire du bon travail ? Qu’est ce que c’est du bon travail vu le sujet, le format, la façon de faire, le moment ? Qu’augurent ses questions brutales sur les « embrouilles avec Tarnac » auprès de gens qu’il connaît depuis 10 minutes ? Qui se pose les questions de pourquoi on n’écrit pas notre histoire, si un nous existe ?

Qui se soucie des conditions de sécurité dans lesquels sont travail sera stocké ? Je lui ai demandé : tes rushes, toutes ces histoires que les gens te racontent et te raconteront, comment tu les protèges d’une perquisition? Quelles garanties tu donnes que rien ne pourra servir si tout disparaît ?
Il m’a répondu « …..c’est une bonne question ». Mon petit doigt me dit qu’il n’y a toujours pas beaucoup réfléchi.

Pourquoi 30 ou 40 ans de l’histoire des autonomes (je vous laisse commenter l’intitulé) devrait-elle :
-être architecturée et réalisée par un menteur,
-fabriquée par une somme de décisions individuelles molles, motivées par l’ennui, la bêtise, l’égo ou la flatterie de passer à la télé,
-mise sous la tutelle d’un projet personnel, extérieur, et professionnel ?

Non mais allô quoi, si je pose les questions comme ça quelqu’un comprend ? Allô ?

Alex de paris.

A faire tourner.