> Venezuela, le silence forcé des urnes
> Par Frédéric MARTINEZ
> mercredi 03 mars 2004
> © Libération
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> Frédéric Martinez, historien à l’université de Marne-la-Vallée
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> Cinq ans après le début de la « révolution bolivarienne » d’Hugo Chávez, c’est à une véritable croisée des
> chemins que se trouve le Venezuela aujourd’hui. Au terme de deux ans d’une intense crise politique, tous
> les espoirs de l’opposition à son gouvernement s’étaient cristallisés sur la possibilité ouverte par la
> Constitution d’organiser sur initiative populaire un référendum révocatoire au cours de la seconde partie du > mandat du président de la République.
>
> Mais la décision, annoncée mardi 24 février par l’organisme officiel de contrôle des élections (le Conseil
> national électoral), de geler pour vices de forme 1,4 des 3,1 millions de signatures favorables au
> référendum (le seuil requis étant de 2,4 millions) et d’en soumettre une partie à une complexe procédure
> de revalidation par leurs signataires porte un nouveau coup à la possibilité d’une sortie de crise par le vote, > à moins que l’action conjuguée de l’OEA, des Nations unies et du Centre Carter ne parvienne dans les jours > à venir à infléchir le cours des événements.

Imaginez comment seraient reçus le PS, le PC et le reste de la gauche, en France, s’ils demandaient un referendum révocatoire de Chirac, pourtant président du « pays des droits de l’Homme »… Je ne vous parle pas des EU…

Chávez a été élu démocratiquement selon les préceptes de sa démocratie bourgeoise dont il fait bon usage social jusqu’à présent. Je ne vois pas pourquoi une minorité riche, puissante et, surtout, servant les intérêts de la politique étrangère de Washington viendrait remettre en cause cette légalité qu’elle a accepté, et dont elle profite pleinement, justement, à travers ce concept de referendum révocatoire institué par Chávez.

> En refusant pour la seconde fois, sur la base d’arguties procédurales, une légitime demande de consultation > populaire (la première demande de référendum, signée par plusieurs millions de citoyens, avait été
> invalidée en août 2003), la « révolution bolivarienne »

Les arguties procédurales me semblent faire partie du jeu. Elles sont rendues possible par une constitution votée par une grande majorité. Plusieurs millions, certes, mais même des morts ont voté. Et des doublons, triplets, quartets, etc… de signatures ont été constatés… Pour Caracacas, la capitale, le plus flagrant était à l’Est, quartiers riches. Les photos prises les différents jours des élections à divers moments de la journée montrent le peu de monde présent dans les « bureaux » de vote improvisés. Elles doivent être encore consultables sur le site de gauche http://www.aporrea.org/, mais je conseille de se rappeler les dates du referendum pour la recherche, parce qu’il y a de la matière… C’est en espagnol et je ne sais pas ce que vaut la version anglaise certainement réduite.

> refuse l’évidence le fait qu’une crise politique de l’ampleur de celle que connaît le Venezuela depuis deux
> ans exige l’arbitrage des citoyens par le vote, et fait un pas de plus (le plus grave de ces cinq années) dans
> le sens de l’étouffement du dialogue. La capacité du gouvernement à faire abstraction de l’immense tension > accumulée dans le pays révèle sans doute plus qu’une exceptionnelle surdité politique : elle signale aussi,
> une stratégie visant, en menant à son comble son exaspération, à pousser au faux pas une opposition, qui
> avait réussi, en 2003 du moins, à regagner une vraie légitimité constitutionnelle. Tout conspire, donc, pour > qu’au Venezuela le silence des urnes se prolonge.

La crise politique date de bien avant l’arrivée de Chávez. Le Carazco du 28 février 1989 qui a fait plusieurs milliers de morts est justement ce qui a amené Chávez à être élu, aprés avoir fait sa tentive de coup d’État en 1992. Le dialogue n’est pas étouffé. Il n’y a qu’à se balader dans les rues de Caracas et d’autres villes du pays popur voir des orateurs des différents groupes politiques invectiver la foules. Parfois, il est vrai, ça tourne à la baston grave. Mais, ça, c’est probablement le caractère passionné des Vénézuéliens… De toutes façons, silence des urnes ou pas, il y a fort à parier que l' »opposition » tant divisé, ne remporte rien du tout en cas d’élections dans le pays. Et ça ne ferait qu’empirer une situation que des gangsters veulent voir dégénérer pour reprendre leurs petites affaires entravées par Hugo Chávez, et en faire d’autres plus juteuses.

> Avant de se montrer si réticent à la consultation populaire, c’est pourtant dans une atmosphère de plébiscite > permanent qu’Hugo Chávez, dans la foulée de son triomphe électoral de décembre 1998, avait passé les
> premiers mois de la révolution « bolivarienne », multipliant les consultations pour l’élaboration d’une
> nouvelle Constitution, en engrangeant des résultats jamais inférieurs à 56 % des voix. Très nombreux en
> effet étaient alors ceux qui voyaient en Chávez, jeune colonel putschiste en 1992 avant d’être élu président > de la République, une promesse de changement social réel dans cette démocratie latino-américaine
> atypique dont les grandes ressources pétrolières n’avaient pas débouché, depuis la fin des années 1950, sur > une vraie réduction des inégalités.

Il n’est pas réticent à la consultation populaire ; il a été élu pour mener à terme un mandat qui n’est pas encore fini. Je renvois à la situation des deux « Idiots » de Washington et de Paris.

Les inégalités commencent à se réduire au Venezuela. Les médecins, que l’on ne voyaient jamais dans les « ranchos », et les les écoles bolivariennes autogérées sont deux aspects parmi d’autres pour le prouver. Sans doute n’a-t-il pas augmenté les revenus d’une oligarchie parasite à se servir sans demander son avis à ceux qu’elle exploitait.

> L’épuisement progressif d’un modèle économique rentier, allié à des niveaux particulièrement élevés de
> corruption avaient fini par discréditer profondément un régime qui avait commencé son existence en 1958 > comme l’incarnation la plus prometteuse d’une voie « social-démocrate » en Amérique latine.

Ouais, eh bien bonjour pour la « sociale-démocratie » de l’époque ! Comme toute sociale-démocratie, la vénézuélienne n’a pas dérogé á la règle : elle a favorisé les plus riches. À son honneur, toutefois, elle a permis l’enrichissement de toute une classe d’immigrés pauvres… qui sont, aujourd’hui, parmi les plus virulentrs opposants à Chávez ! Sans doute une ironie de l’Histoire… Mais 1958, c’était une autre époque, en Amérique Latine.

> Quarante ans plus tard, le discrédit des partis politiques était tel que le verbe incandescent, le style intrépide > et les références révolutionnaires d’Hugo Chávez lui avaient permis d’incarner, aux yeux d’une large
> majorité de la population, la solution au « déclin » du Venezuela, et en particulier la réponse à l’un de ses
> plus graves problèmes : l’aggravation constante des inégalités sociales.

Et il a résolu bon nombre de ces problèmes, dans l’urgence et, donc, imparfaitement.

> Cinq ans plus tard, les petites classes moyennes et pauvres qui plaçaient le plus d’espoirs dans le projet
> bolivarien s’en sont pourtant souvent éloignées. Si beaucoup lui restent fidèles, nombreux aussi sont ceux
> qui ont pris conscience que l’emphase du discours révolutionnaire distillé dans d’interminables discours
> télévisés ne parvient pas à occulter l’absence d’un vrai projet redistributif et l’insignifiance des réalisations > sociales, qui étaient pourtant, à leurs yeux, la raison d’être de ce gouvernement ;

Avec les bâtons puissants que met dans les roues une « opposition » financée par les EU -c’est maintrenant clairement prouvé ; voir le texte que j’ai envoyé hier- c’est difficle de faire beaucoup mieux. Le blocage de l’industrie pétrolière par les services secrets états-uniens, au début de 2003, a coûté quand même 10 milliards de dollars qui auraient pu être alloués à plus de programmes sociaux.

Autre ironie : ceux qui auront le plus perdu sont les classes aisées qui ont organisé une « grève » qui ne touchait pratiquement que l’Est aisé de Caracas, pour ne parler que de cette ville, où les problèmes d’approvisionnemenet devenaient sérieux. De plus, nombre de patrons payaient leurs salaires à leurs ouvriers et employés pour qu’ils aillent manifester. L’Ouest de la ville continuait à vivre, presque paisiblement, continuant son économie informelle et ses petits négoces qui permettaient aux couches populaires de ne pas trop souffrir de la connerie de son oligarchie.

> enfin, que le volet social de la « révolution bolivarienne » ne se différencie pas fondamentalement du
> traditionnel clientélisme électoral pratiqué par les gouvernements précédents.

Alors là, je ne sais pas où l’auteur de ce texte est allé chercher ça. Peut-être chez RSF… Je dirais que le contraire est plutôt en train de se réaliser.

> Ces déçus du chavisme, venus des classes les plus défavorisées de la société, ont ainsi, au cours des
> dernières années, grossi les rangs de l’opposition.

Ce Monsieur ne doit pas connaître Caracas et le Venezuela. Il n’a pas dû aller habiter, comme je l’ai fait, dans les « Ranchos » pauvres de l’est de Caracas. Mais c’est un universitaire. Ça lit beaucoup trop, ces gens-là… sans aller vraiment vérifier leur sources.

> Une opposition très hétérogène puisqu’elle regroupe des partis politiques « traditionnels », de la gauche
> communiste à la démocratie chrétienne, les syndicats, l’Eglise catholique, les corporations les plus variées > (militaires, salariés de la compagnie pétrolière d’Etat, patronat) et un foisonnement d’associations de la
> « société civile », souvent créées ad hoc.

C’est vrai ; vraiment très hétérogène. C’est ce qui fait qu’elle ne peut pas gagner des élections, même truquées. Quand au PC, il faut savoir de qui on parle. Pour les Maoïstes de Bandera Roja, c’est vrai. Mais, eux, ils sont toujours contre tout ce qui n’est pas eux…. Le PCV est plutôt favorable à Chávez. Queques individus ayant marqué la vie révolutionnaire de l’histoire récente du pays sont plus ambigüs : Douglas Bravo serait plutôt critique envers Chávez parce qu’il n’appuie pas concrètement les FARC et Teodoro Petkoff (le Serge July local), directeur de la revue dite gauche (un peu comme « Actuel ») Tal Cual, ancien « guerillero », n’est plus communiste depuis longtemps, mais est représenté dans la presse internationale comme le représentant de cette nouvelle élite qui pourrait moderniser le pays. Et l’Église catholique, c’est l’Opus Dei dont fait partie la femme du Roi d’Espagne. On ira donc se demander pourquoi ce con d’Aznar a été un des premiers à célébrer et appuyer le putsh du 11 avril 2002…

> Cette opposition reproche à Chávez, selon les cas, son autoritarisme,

Dans ce cas, il n’y aurait pas autant de médias aussi agressifs à son égard…

> sa politique de noyautage systématique de l’appareil d’Etat avec ses hommes de confiance, la chasse aux sorcières qu’il a instaurée dans le secteur public

Ce seraient plutôt les rejetons des classes aisées, ceux qui peuvent se payer des études supérieures qui noyauteraient, au profit de leurs aînés, l’appareil d’État. C’est eux qui bloquent, tant qu’il le peuvent, les réformes que tente le gouvernement. Qu’il essaye de placer des gens de confiance me paraît dès lors normal s’il veut réussir les réalisations sociales promises. Malgré toutes ces entraves, il ne s’e est pas trop mal tiré jusqu’à présent.

> , son jacobinisme intransigeant qui bouscule les corporatismes établis,

On ne va pas s’en plaindre, hein !?

> sa politique de militarisation rampante de la société,

À prouver…

> ses liens avec Castro

Et pourquoi pas ? Les autres ont bien des liens avec Bush qui porte atteinte aux droit de l’Homme tous les jours avec sa politique de merde. À Cuba, au moins, on bouffe, on est hébergé, on a l’éducation et la santé gratuite, même si l’on a du mal à diffuser la propagande US. Même dans les prisons cubaines les prisonniers sont mieux traîtés que dans celles d’Europe (voir le cas des militants de l’AD, de la RAF ou des BR ou, tout, simplement des « prisonniers » de la misère sociale). Je ne parlerai même pas de celles de EU. Vous n’avez qu’à lire Loïc Wacquant ou d’autre auteurs dans son genre et visionner les reportages qui existent. À défaut de vous y rendre (pas recommandé…)

> et la guérilla colombienne,

Il fait des propositions pour résoudre cette crise colombienne qui affecte aussi son pays et qui vont à l’encontre de celles proposées par les Yankees et les réactionnaires colombiens…

> son tiers-mondisme militant,
Et alors ? Faudrait tous aller remplir les fouilles de Bush et de se multinationales ?

> l’incurie de sa politique économique, ou enfin sa rhétorique envahissante et conflictuelle, qu’ils jugent peu > compatible avec la dignité de la fonction présidentielle.

Évidemment, quand on est à cours d’argument, on diffame !

> Après les lourdes erreurs politiques de l’année 2002 un coup d’Etat improvisé dans la confusion des
> manifestations sanglantes d’avril (le Carmonazo),

Les tueurs sont ceux de l’opposition. Voir, à ce sujet, le film excellent dont je vous avais déjà parlé, « La révolution ne sera pas télévisée ». Il est sans doute possible d’obtenir plus de renseignements sur ce film chez le distributeur « Liberations Films asbl » à l’adresse : liberationfilms@skynet.be. Je rappelle que ce film a été diffusé, en version française, au festival du cinéma d’Attac à Bruxelles, le jeudi 27 novembre 2003. Plus d’infos :

http://212.100.232.161/news/2003/11/574.php

http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=11719

Version en Espagnol gratuite à télécharger :

http://aristoteles.ing.ula.ve/publico/revolucion.mpg

Pour cette drnière, ayez du bon matos soft, parce que ça pèse quand même
759,492Ko…

> une grève générale organisée autour de la compagnie pétrolière d’Etat(PDVSA) en décembre 2002 ,

Par la CIA et des cadres corrompus et trop bien rémunérés, pour de simples fonctionnaires d’état.

> la décision des différentes composantes de l’opposition de se rejoindre, en 2003, autour de la figure
> constitutionnelle du referendum avait signifié un nouvel obstacle, plus difficile à contrer, pour le
Ø gouvernement, désormais moins crédible pour l’opinion internationale, du moins dans sa stigmatisation de > l’opposition comme « putschiste » et « fasciste ».
Ø
Ce referendum n’a pas trop de valeur en soi. Parce que, justement, c’est un referendum et qu’il n’est que révocatoire, assorti de diverses clauses légales qui rendent ses résultats bien aléatoires pour ceux qui veulent l’utiliser : « Un élu peut être destitué après la moitié de son mandat, si au moins 20% des électeurs inscrits de sa circonscription ont signé un référendum révocatoire. Ce même élu doit ensuite être révoqué en votation populaire par un nombre de voix au moins égal à celui avec lequel il a été élu (57% pour Chavez), sans oublier un quorum de participation de 25%. Le référendum révocatoire est ainsi pourvu d’un triple filtre qui rend son aboutissement incertain. » Source :

http://risal.collectifs.net/article.php3?id_article=854 (note 4)

> Afin d’éviter la consultation populaire sans paraître trahir la lettre constitutionnelle, la stratégie adoptée fut > celle du découragement progressif par une multitude d’obstacles, de tracasseries, de formalismes- visant à
> préparer les esprits à un éventuel refus sur la base de vices de forme.

Pas besoin de tout ça : la Constitution est déjà bien assez compliquée pour cela.

> La décision du Conseil national électoral vient de confirmer la détermination du gouvernement à mener
> cette stratégie jusqu’à son ultime conséquence : le blocage de la consultation populaire par l’enlisement
> procédural.

C’est ceux d’en face qui ont joué aux cons. Il n’a rien compris, ou il est de complaisance, l’auteur de cet article.

> Un blocage d’autant plus nocif que, bien que devenu son fer de lance, le referendum, pas plus que les
> élections qui s’ensuivraient, n’est porteur de garantie de victoire pour une opposition qui peine à dégager
> des candidats suffisamment consensuels pour faire face à Chávez. L’incertitude en effet est grande quant au > comportement électoral de ces « ni-ni », une part importante de la population en âge de voter (le tiers, selon > certains sondages) qui ne croit ni en la « révolution bolivarienne, ni en son opposition.

Revoilà les « ni-ni » inventés par l’opposition, à travers sa puissante presse, pour justifier son impuissance.

> Dans un pays où la polarisation de la scène politique coexiste avec un scepticisme croissant de l’opinion, à > force de déceptions, l’obstination du gouvernement d’Hugo Chávez à repousser l’heure de la consultation
> électorale, en empêchant chaque camp de se soumettre à l’épreuve des urnes, ne pourra qu’aggraver la crise > de représentativité des partis, et confirmer la croissante asphyxie de l’espace démocratique vénézuélien.

L’opposition a fraudé. Cest maintenat prouvé. Elle a joué aux cons et, maintenant, elle paie ses conneries. Si elle avait été moins bête, peut-être, seulement peut-être, aurait-elle pu rallier suffisemment de monde à sa cause pour permettre un referendum qui, de toutes façons, ne lui aurait certainement pas apporté la victoire. Trop de divisions, d’opportunisme, d’affairisme et de clientélisme en son sein. Ce qui n’est pas le cas du côté de Chávez. En tout cas, bien moins.

> Frédéric Martinez est coauteur de l’Amérique latine et les modèles européens, (L’Harmattan, 1998) et
> auteur de le Nationalisme cosmopolite : la référence à l’Europe dans la construction nationale en Colombie > (à paraître).

Ce n’est pas parce qu’il a écrit tout ça qu’il est forcément crédible. Voyez le cas Aragon avec son « Histoire de l’URSS’ ; il s’est bien fait baisé par Staline, non ? Et les moyens techniques pour ce faire de l’époque étaient bien moins performants qu’aujourd’hui… Mais peut-être qu’une certaine qu’une certaine complaisance et une amitié avec Robert Menard biaisent le jeu…

Un excellent article sur la situation au Venezuela, 14 pages (format Word), à
lire :

http://www.elcorreo.eu.org/IMG/doc/doc-114.doc

Sinon, tout un tas de bon textes (en Français) sur le sujet à :

http://risal.collectifs.net

Bonnes lectures,

Pierre.