Michel warschawski : “israël n’existe que par la guerre”
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Themes: Guerre
Dans le livre Un autre Israël est possible que vous avez co-écrit avec Dominique Vidal, vous mettez en lumière le mouvement des “indignés” de la population israélienne qui a planté ses tentes l’été 2011 à Jérusalem, Haïfa et Tel-Aviv. Quelles étaient leurs revendications ?
Ce mouvement qu’on appelait le mouvement des tentes ou mouvement des indignés de 2011, s’est intentionnellement limité à des revendications d’ordre socio-économiques. Les revendications étaient le droit au logement, le droit à une santé publique gratuite, le droit à l’éducation. Il s’agit de droits et pas d’une marchandise dans le cadre d’une libéralisation et d’un néo-libéralisme débridé. Il a fait l’impasse sur les questions liées au conflit en Palestine et au conflit israélo-arabe en général.
Ce mouvement s’est questionné sur les sujets de société, mais s’est bien gardé de s’exprimer sur les questions politiques bien qu’il y ait une corrélation entre les deux. Les injustices naissent en partie d’une politique ultralibérale sécuritaire qui consacre la majorité de son budget à la Défense. Votre analyse là-dessus ?
Effectivement, cette séparation entre le social d’un coté et le politique de l’autre est une scission totalement artificielle loin de la réalité. Pour satisfaire les revendications du mouvement, il faut faire des choix politiques ! Il faut réduire substantiellement le budget militaire. Il faut arrêter de subventionner les colonies. C’est la faiblesse du mouvement, il fallait lier les deux et ne pas se focaliser sur l’aspect économique. Le mouvement devait dénoncer une classe politique qui a fait le choix de l’occupation coloniale depuis maintenant quarante ans.
Quel est votre rapport à l’État d’Israël ?
Je suis citoyen israélien. Je me sens totalement impliqué comme citoyen, comme père, comme grand-père dans cette société israélienne tout en étant radicalement critique non seulement de la politique menée par les différents gouvernements israéliens depuis qu’il existe, mais aussi envers la nature même de l’État. Israël n’est pas un état normal. Israël selon sa propre définition est un État juif dont l’objectif est de renforcer le caractère juif démographiquement parlant. C’est-à-dire l’État qui considère l’indigène, le Palestinien comme un étranger sur sa terre. Une grande partie a été expulsée de cette terre, ce sont les réfugiés. Et ceux qui sont restés sont perçus comme des locataires tolérés. Sans parler de la population occupée de Cisjordanie et de la bande de Gaza qui n’a aucun droit politique et qui vit sous administration militaire maintenant depuis plus de quarante ans.
Vous êtes président du Centre d’Information Alternative (AIC) de Jérusalem, comment ce projet a vu le jour ?
C’est un projet éminemment politique. Nous étions des militants et c’était une initiative ancienne puisque le centre a été constitué en 1984. Sa spécificité est que ce centre est composé de militants politiques israéliens et palestiniens. C’est une organisation réellement mixte de militants de la gauche palestinienne et militants antisionistes israéliens qui collaboraient depuis bien longtemps dans le combat contre le colonialisme, contre l’occupation coloniale, contre la politique de guerre.
À un certain moment, nous avons été confrontés à un déficit d’informations. Rappelons-nous qu’en Israël, en 1982, c’est la guerre du Liban, un immense mouvement antiguerre se met en place. Plus de 400.000 personnes descendent dans les rues de Tel-Aviv pour condamner les massacres. Nos amis palestiniens avec qui nous étions ensemble dans le combat politique nous disent : “Nous ne comprenons pas ce qui se passe, nous ne nous attendions pas à une telle mobilisation”. Il y avait donc une demande d’intelligibilité, de faire comprendre ce qui se passe en Israël. Et parallèlement en Palestine s’est déroulé à la même époque un nouveau phénomène à savoir l’émergence des mouvements populaires qui deviendra plus tard la première Intifada. Les mouvements de femmes, des syndicats étudiants, des syndicats ouvriers ont pris les devants de la scène. Ces derniers étaient totalement méconnus du côté israélien. Il y avait une volonté dans notre centre de faire connaître la réalité de la société palestinienne aux Israéliens, aux médias israéliens, aux faiseurs d’opinions, aux militants. Et aussi d’expliquer aux Palestiniens, de leur donner des clés de compréhension des évolutions de la société israélienne.
Quelle est votre analyse sur l’actualité entre Israël et l’Iran ?
Israël a besoin d’un ennemi. Il doit être en état de guerre permanent. Sans beaucoup d’exagération, Israël n’existe que par la guerre. Israël n’est soutenu par les États-Unis (3,5 milliards $ par an) que parce qu’il joue un rôle militaire dans la région. La pire catastrophe qui puisse arriver à Israël, c’est qu’il n’y ait pas de guerre, qu’il n’y ait pas d’ennemi, pas de menace. Il s’agit donc toujours d’identifier une nouvelle menace. Nous avons eu le terrorisme qui est devenu le terrorisme islamiste et qui ensuite s’est généralisé à l’Islam. Ce n’est pas suffisant, alors on prend le Hezbollah, mais ce dernier est trop petit. Il faut trouver plus grand, j’irai même à dire qu’il faut vendre à Washington que cet ennemi ne menace pas seulement Israël, mais menace la civilisation judéo-chrétienne tout entière. Nous arrivons à cette équation générale que la civilisation judéo-chrétienne est menacée par l’Islam représenté par la République Islamique d’Iran.
On prend les fanfaronnades, des déclarations qui parfois sont stupides de Mahmoud Ahmadinejad monnaie comptant. Le gouvernement israélien s’insurge en accusant ce dernier de vouloir détruire Israël. Alors que toute analyste sérieux vous dira que ce n’est pas vrai. Faisant d’ailleurs le jeu d’Ahmadinejad qui comme cela peut se présenter comme le seul qui maintient le combat pour défendre le droit des Palestiniens. De ce fait, Israël permet de justifier cette stratégie de guerre permanente et préventive dans la région.
Est-ce qu’au final, Mahmoud Ahmadinejad ne serait pas l’ennemi utile d’Israël ?
Tout d’abord, Mahmoud Ahmadinejad est à la tête d’une puissance régionale. Ce dernier se bat non pas contre Israël, ce n’est pas du tout son objectif. Ce dernier veut assoir la place de l’Iran comme puissance incontournable dans la région. L’ennemi d’Ahmadinejad, le vrai conflit n’est pas du tout avec Israël, mais c’est avec l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe.
Le clivage sunnite-chiite ?
Ce n’est pas essentiellement une question sunnite-chiite. C’est une question d’ordre économique et de pouvoir stratégique dans la région. L’hégémonie dans cette région, notamment dans le détroit d’Ormuz, dans la région du Golfe est extrêmement importante. Mahmoud Ahmadinejad se sert de la question palestinienne et d’une rhétorique radicalement antiisraélienne pour renforcer sa position dans la région. Il veut montrer que ses adversaires arabes en font moins que lui sur la question palestinienne. Là est véritablement l’enjeu d’Ahmadinejad. Ce n’est pas du tout la guerre contre Israël.
Je partage l’opinion des services de renseignements israéliens intelligents qui disent qu’il faut arrêter de considérer l’Iran comme un pouvoir irrationnel, que ce sont des fous, des fanatiques, ce n’est pas tout sérieux comme analyse. En Iran, il y a un agenda politique, il y a des objectifs politiques sur lesquels se greffe cette rhétorique radicale, mais qui est tout à fait rationnelle. D’ailleurs, Barack Obama l’a compris, car il entreprend des négociations avec le gouvernement iranien. C’est ce que veut l’Iran, parlez avec eux et donnez leur la place, arrêtons de les marginaliser.
Quel est l’enjeu réel de la visite de Benjamin Netanyahou dans l’Hexagone ?
Je ne crois pas qu’il y ait d’enjeux importants. C’est une opération de relations publiques. Le gouvernement d’extrême droite israélienne est assez isolé et critiqué y compris par des pays de l’Union européenne, y compris par les États unis bien que ce soit discret, élections présidentielles obligent. Le gouvernement israélien est totalement en porte à faux face aux politiques qui se dessinent en Occident. Ces derniers essayent de se replacer dans la région du Moyen-Orient qui est en pleine mutation. Pendant ce temps-là, de nouvelles puissances s’affirment comme la Russie qui revient, la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud. Dans ce cadre-là, les États-Unis seront obligés de s’adapter à cette nouvelle réalité. Tandis que du côté du israélien, nous avons un gouvernement qui vit vingt ans en arrière. Ce dernier agit comme si le président était encore George Bush, qui est encore dans la guerre globale et préventive. Ce ne peut être la stratégie américaine d’aujourd’hui parce qu’elle a échoué et leur a couté très cher.
Il y a donc les germes d’une tension, non pas d’une remise en question de l’alliance stratégique qui unit les deux pays, celle-là est malheureusement encore présente pour longtemps. Il y a une question primordiale qui se pose : comment gérer la nouvelle donne internationale et régionale ? Benjamin Netanyahou est totalement isolé. Ce n’est pas le cas en Israël malheureusement, mais nous sommes à contre-courant de la plupart des chefs d’États européens et des Américains. Nous ne pouvons pas continuer comme cela.
Alors on essaie de montrer que tout va bien, on va faire beaucoup de photographies sur le parvis de l’Élysée. C’est une opération assez inutile. Je ne donne aucune importance à cela. Il y a quand même quelque chose d’important, l’Union européenne vient de rehausser le statut d’Israël dans les institutions européennes. Non seulement, il n’y a pas de sanctions, mais on donne une reconnaissance, un bonus à Israël. C’est rendre un très mauvais service à la population israélienne. Je crois que les sanctions, cela permet parfois d’ouvrir les yeux et de réaliser que nous sommes dans le gouffre. Nous sommes en train de nous isoler. Qu’on nous caresse dans le sens du poil quoiqu’on fasse malgré les massacres, malgré la colonisation, malgré le refus de négocier quoi que ce soit. Nous ne faisons que renforcer les mauvaises tendances.
Un mot pour Alohanews ?
Continuez ! Je pense qu’il est extrêmement important d’aider le public à avoir des clés de compréhension. Ce n’est pas l’information qui manque. Moi je ne suis pas de ceux qui lisent les journaux. L’important n’est pas de savoir, mais de comprendre. Ce que beaucoup de citoyens européens n’arrivent pas à comprendre. Qu’est ce que cela veut dire ? Il faut décrypter l’information qu’on nous donne et non l’intérioriser de façon passive.
Propos recueillis par Mouâd Salhi
A l’occasion de Hanoukka, la “fête des Lumières” , nous publions ici un chapitre du livre d’Emmanuel Lévyne “Judaïsme contre Sionisme” ( page 100-114) Editions Cujas 1969.
LE JUDAISME ET LA RÉSISTANCE
Un quatre est toujours un quatre
La lutte héroïque du prêtre Matthatias et de ses fils avait eu pour cause initiale leur volonté de libérer la nation juive de l’oppression spirituelle ; ils désiraient pratiquer leur religion sans aucune restriction et ne pas être assujettis à une culture étrangère : l’Hellénisme. Mais leur révolte légitime une fois victorieuse, ils devinrent pareils à leurs ennemis, ils adoptèrent leurs méthodes : expansion territoriale, expulsion des populations non juives de leurs terres, conversions forcées et massives, répression cruelle et brutale des mouvements populaires juifs. L’opprimé était devenu oppresseur. N’est-ce pas exactement ce qui se passe à nouveau en Palestine et dans le monde ? N’est-ce pas l’essence même du drame algérien ? Le mouvement sioniste est né de l’antisémitisme, c’est-à-dire de l’intolérance religieuse et politique ; il se proposait de mettre fin aux persécutions dont était victime le peuple juif, et pour atteindre ce but, il s’est constitué en force politique et militaire, puis en État souverain. Il portait donc dès sa genèse le signe de la malédiction du 4 de Canaan, et dès lors, il fut contraint d’obéir à la loi du 4, de la souveraineté et du pouvoir humains, qui conduisent inexorablement à l’asservissement et à l’oppression de l’homme par l’homme : d’abord de l’étranger, puis de son propre frère. Les 900 000 réfugiés arabes, Déïr-yacin, Kybia, Kfar-Kassem, Suez, la discrimination raciale envers les Juifs d’origine nord-africaine, les persécutions contre les Juifs orthodoxes et les opérations policières de style nazi dans les ghettos de Jérusalem, la collaboration avec l’armée allemande, tous ces événements tragiques étaient prévisibles dès la création du sionisme, ils étaient inscrits dans son destin à sa naissance, alors que ce mouvement était représenté par une poignée d’intellectuels idéalistes, disciples de Tolstoï qui auraient été bien incapables de tuer une mouche ; mais leur esprit, en concevant l’État juif, était en train de concevoir un monstre, qui ne pourrait se conduire autrement que comme un monstre et un moloch.
La révolte des Macchabées pouvait être considérée comme inspirée par l’idéal prophétique : révolte contre un pouvoir oppressif. Mais en utilisant la violence. Les Macchabées finirent eux aussi par former un pouvoir oppressif et par violer les principes les plus essentiels de la tradition juive pour la défense desquels ils avaient déclenché la révolte.
S’il est une institution que l’on peut considérer comme essentielle au Judaïsme, c’est bien le Sabbat. Comme le disent les Sages, l’observation du Sabbat équivaut à l’observation de toute la loi ; et il suffirait que tous les Juifs observent scrupuleusement deux Sabbats consécutifs pour que le Messie vienne. Le Sabbat est le fondement et le sommet de tout l’édifice mosaïque. il en est le couronnement. Et cette conception était tellement enracinée dans le peuple, que les Juifs préféraient mourir plutôt que de profaner le Sabbat. Ainsi des garnisons juives se laissaient massacrer plutôt que de profaner le Sabbat en portant des armes et en se battant. Or c’est à profaner le Sabbat et les autres lois religieuses que les Héllénistes poussaient et contraignaient les Juifs. C’est pourquoi, le prêtre Matthatias et ses fils appelèrent le peuple à se soulever à la suite de l’événement que l’on sait :
« L’occasion de la rébellion fut l’érection à Modin, village du prêtre Matthatias, d’un autel païen devant lequel la populace assemblée devait accomplir des sacrifices. Comme l’un des notables locaux se levait pour donner l’exemple, Matthatias, l’égorgea. Puis avec ses cinq fils, il se retourna contre le commissaire du roi qui partagea le même sort. Après avoir détruit l’autel, ils s’enfuirent dans les collines, suivis par les éléments les plus intransigeants de la population et levèrent l’étendard de la révolte. » (Cécil Roth, Histoire du Peuple Juif, p. 85) [1].
La Résistance commençait. Qui donc oserait condamner le geste du prêtre ? Dieu et la Justice étaient de son côté. C’était pour défendre la religion du Dieu d’Israël. Mais la contradiction inhérente à toute défense du droit et de la justice par la force brutale n’allait pas tarder à se manifester.
« Les grecs étaient passés maîtres dans l’utilisation d’une stratégie très simple contre les Juifs : ils se battaient contre eux le jour où les Juifs refusaient de se défendre. Un jour de sabbat, l’une des bandes d’insurgés se trouva encerclée, et se laissa égorger jusqu’au dernier homme, plutôt que de lever le plus petit doigt pour se défendre. Il devenait évident que si ce fait précédent se reproduisait l’écrasement de la révolte ne serait plus qu’une affaire de temps. Matthatias était assez puissant pour s’élever au-dessus des règles religieuses admises et il donna à ses compagnons des instructions pour que la lutte en cas de légitime défense fût considérée comme permise même le jour où Dieu avait commandé le repos. » (Ibid. p. 86).
Ainsi la Violence, par laquelle Matthatias voulait défendre la Loi, le contraignait à profaner et à violer cette Loi. N’est-ce pas là une preuve éclatante que cette Loi et cette Violence sont incompatibles ? Qui veut utiliser la Violence doit violer la Loi : et qui veut respecter la Loi doit s’interdire l’utilisation de la Violence. Ainsi se révèle le mensonge de ceux qui appellent à la violence pour défendre Dieu et la Justice. En réalité ce sont d’autres motifs, qui n’ont rien à voir avec Dieu et la Justice qui les inspirent et les animent et cela qu’ils en aient conscience ou non. Quels sont ces motifs ? Ils ne tarderont pas à se révéler. Pour le moment, soulignons bien la contradiction. Matthatias appelle à la violence pour défendre la Loi de Dieu, et lui, la violence le fait violer la Loi de Dieu. Matthatias s’hellénise en luttant contre les Hellénistes par la force brutale.
D’autre part admirons cette Loi de Moïse et la subtilité de son esprit pédagogique. Elle obligeait les Juifs à être objecteurs de conscience 1 jour sur 7 ; elle leur permettait théoriquement d’utiliser la violence, les autres jours, mais pratiquement elle le leur interdisait : engager une bataille dans la semaine, c’était se condamner à être mis hors de combat le Sabbat. Permettre théoriquement et interdire pratiquement ce qui est contraire à son esprit, par l’établissement de difficultés techniques presque insurmontables, telle est la méthode psychopédagogique de la tradition juive, qui explique et résout ses contradictions et ses incohérences formelles ; elle réalise l’esprit par l’antinomie et l’absurdité juridiques. Moïse n’était pas un législateur rigoureux, mais un pédagogue génial [2].
Après de nombreuses péripéties, des alternances de batailles gagnées et de batailles perdues, la révolte macchabéenne triompha ; et alors qu’elle s’était assigné comme but de rétablir la liberté religieuse, elle poussa jusqu’à la libération politique et nationale. Ce fut le dernier survivant des cinq fils de Matthatias, Siméon, qui eut l’honneur de faire disparaître les derniers vestiges de la domination étrangère. Et alors le motif profond de la révolte macchabéenne se révéla au grand jour : la conquête du pouvoir spirituel et temporel : Siméon se fit conférer les titres de grand prêtre et de prince de la nation juive, qui s’était de nouveau constituée en État indépendant et souverain. Le 4, le Nombre des trônes, de Juda, quatrième fils de Jacob, sortait grand vainqueur. Les Juifs n’allaient pas tarder à faire l’expérience qu’un 4 juif est toujours un 4, et qu’il n’a rien à envier au 4 grec, romain ou autre en ce qui concerne son caractère propre, existentiel ; un 4 est toujours un 4, c’est-à-dire une oppression et une exploitation de l’homme par l’homme.
Après la mort de Siméon, ce fut son troisième fils, Jean Hyrcan qui lui succéda. Sous son règne les caractères du 4 contenus en germe dans la révolte maccabéenne allaient se développer et se manifester avec éclat. Si encore du vivant de Juda, la révolte conserva son masque religieux et spirituel, après sa mort il tomba : ses frères découvrirent leurs intentions véritables, qui n’avaient rien à voir avec la défense de la religion juive et les principes essentiels de la Thora.
« Plus agressifs et plus ambitieux, relate Cécil Roth, ils se mirent délibérément à étendre les territoires sous leur loi. Ils obéissaient à l’âpre morale du combat qui était universellement dominante à cette époque. Les peuples conquis ne pouvaient guère s’attendre à être pris en considération par eux. Dans bien des cas ils étaient expulsés, dans les autres ils étaient convertis de force au Judaïsme… A ces acquisitions, Siméon ajouta l’important port maritime de Jaffa, dont il expulsa les habitants Gentils »(Ibid. p. 93).
L’histoire est un éternel recommencement, dit-on. On voit que l’histoire israélienne n’est que la répétition de l’histoire juive ancienne. L’histoire de l’Etat d’Israël était déjà terminée lorsqu’elle a commencé. La leçon de l’Histoire juive, celle des Macchabées en particulier, nous apprend avec précision et certitude le destin de l’Etat d’Israël. L’impérialisme devint le contenu principal de la politique de Jean Hyrcan.
« Sous Jean Hyrcan, l’expansion devint le mot d’ordre de la politique nationale. Il repoussa les frontières de l’Etat de tous les côtés. Et toutes les populations des territoires conquis étaient obligées d’embrasser la religion juive »(Ibid.p.93).
Après la mort de Jean Hyrcan en 104, ce fut son fils aîné Juda ou Aristobule qui lui succéda. Il continua la politique d’expansion de son père. Un siècle après la révolte des Macchabées, la superficie de l’Etat juif avait décuplé. Cependant, si la politique extérieure était triomphale, la politique intérieure, elle, marchait moins bien : Matthatias et ses fils avaient réussi à soulever le peuple juif, parce qu’ils avaient donné comme but à la lutte la libération religieuse. Mais la Violence devait les entraîner sur les chemins du 4, qui tous mènent à « Rome », c’est-à-dire au Pouvoir, à la Possession, à la Souveraineté. Or la souveraineté humaine est contraire à l’essence de la Thora. Toute personne ou tout groupe d’hommes qui veut accéder à la souveraineté se condamne à rencontrer sur la voie royale l’opposition catégorique de Dieu et de la Thora en la personne de leurs serviteurs fidèles, donc à les combattre et à réprimer et à mâter leur opposition. Ainsi les Asmonéens qui avaient engagé la lutte contre le Pouvoir helléniste avaient maintenant pris sa place. Par rapport au peuple, ils occupaient exactement la même position que l’oppresseur étranger.
« Au cours de cette période, raconte Cécile Roth, le fossé s’agrandit entre la maison régnante et certains de ses sujets. Les frères Asmonéens avaient pris le pouvoir en tant que chefs de la révolte populaire. Le caractère héréditaire avait été conféré à leur maison par la grande assemblée des prêtres et du peuple et des chefs de la nation et des anciens du pays. Les éléments au moins d’une théocratie démocratique étaient saufs.
« Après le retour de l’exil, la plus haute autorité de l’Etat juif avait été le grand prêtre, dont l’influence s’exerçait uniquement en vertu de son office spirituel. Que Juda Aristobule et ses successeurs aient pris le titre de Roi, introduisait un élément tout à fait neuf dans la constitution.
« D’après une tradition immémoriale, la royauté était réservée à la maison de David. Mais cette conception n’était peut-être pas encore si généralement répandue qu’elle le sera plus tard. Néanmoins le cumul du rang de roi et de l’office de Grand Prêtre investissait la nouvelle dynastie d’un pouvoir que n’avaient pas connu même les souverains des jours héroïques du royaume israélite.
« Une puissante fraction du peuple trouvait à redire à cette concentration écrasante du pouvoir dans les mains d’une seule personne. Ils avaient bien voulu combattre pour leur religion. L’indépendance politique était, d’ autre part, un souvenir si lointain, qu’ils n’y attachaient pas grande importance… Quand la monarchie fut rétablie, et que les abus inhérents à l’institution se montrèrent d’eux-mêmes, quelques uns de ceux-là commencèrent à se rappeler presque avec regret les conditions antérieures, et le rétablissement de l’hégémonie des Gentils dans le domaine politique.
Cette « puissante fraction du peuple » qui s’opposait aux princes de l’Etat juif, à l’existence même de l’Etat juif, donna naissance au parti des Pharisiens. Comment se forma le parti des Pharisiens, quelles étaient ses tendances, dans quelles classes de la nation recrutait-il, voici ce que nous dit Cécil Roth :
« Au temps du premier Temple, et même après le retour de l’Exil, les prêtres avaient été considérés comme les dépositaires officiels de l’enseignement et de la tradition. Leur devoir était d’interpréter la « Thora » et de formuler des décisions sur les points difficiles de la loi et de la pratique. Mais, depuis les jours d’Esdras, la « Thora » était devenue la propriété du peuple tout entier. On la lisait et on la commentait fréquemment dans toutes les villes et les villages, et la déférence qui entourait les Prêtres, se trouva reportée sur tous ceux qui se montraient habiles à expliquer les Ecritures Saintes (leurs disciples les appelaient respectueusement « Rabbi », c’est-à-dire « Mon Maître »).
« La tradition s’était élargie par jurisprudence ; les décisions ou les pratiques d’un Rabbi servaient de guide aux générations suivantes ; une somme considérable de traditions orales se développa, renforçant et éclaircissant le texte biblique ; des idées neuves étaient assimilées et recevaient une teinture juive.
« C’est ainsi qu’était né un corps d’enseignement plus moderne, plus souple, plus vivant que les prêtres du Temple. L’interprétation de la Bible, telle que la concevaient les rabbis, était moins stéréotypée ; leurs décisions en matière légale tendaient à plus de douceur, et ils n’avaient pas de scrupules à tourner au besoin la lettre stricte de la « Thora » par des fictions légales transparentes. Ils consolaient des vicissitudes de ce monde par la doctrine de l’immortalité des âmes et de la résurrection des morts, que les prêtres niaient ardemment (ne pouvant s’autoriser d’aucun passage biblique sur ce point).« Pour la pratique, les décisions respectives en matière légale reflétaient des intérêts divergents des deux classes -aristocratie foncière d’une part, les artisans et les petits propriétaires de l’autre.
« C’est ainsi que se développèrent deux partis dans l’Etat :
l’un considérant le Temple comme le centre de l’instruction et d’un culte sacrificiel, tandis que l’autre cherchait la lumière où il pouvait la trouver. L’un était essentiellement conservateur, l’autre éclectique, tant pour la doctrine que pour la pratique. L’un était recruté principalement parmi les prêtres, épaulés par l’aristocratie et les propriétaires fonciers, l’autre parmi la basse et la moyenne classe. Le premier soutenait la monarchie absolue, dévolue aux Grands-Prêtres héréditaires, le second penchait pour la démocratie.
Graduellement, le premier parti prit le nom de la famille sacerdotale de Zadok, ancêtre des Asmonéens,« Tsedoukim », ou Sadducéens, tandis que les autres recevaient l’appellation de « Perouchim » (Pharisiens) ou dissidents » (Ibid. p. 96).
Dans les cours d’instruction religieuse des pays de langue française on se sert, pour l’Histoire Sainte, d’un manuel rédigé par Arthur Weil, rabbin de la communauté israélite de Bâle, qui présente ainsi aux enfants les événements :
« La fin du principat de Hyrcan fut troublée par des querelles religieuses auxquelles ce prince fut entraîné à prendre part. De son temps, en effet, une scission se produisit parmi les habitants de la Judée. La masse du peuple et ses guides religieux n’avaient d’autre ambition que de vivre tranquillement. La splendeur extérieure de l’Etat comptait peu à leurs yeux ; aussi avaient-ils la guerre en horreur et plaçaient-ils la béatitude du monde futur au-dessus de tout bien-être terrestre. Ils s’abstenaient scrupuleusement de toutes les choses prohibées par la Loi écrite ou par la loi orale et évitaient le contact avec les païens, qui avaient été cause de tant de malheurs. En raison de cette double abstention, leurs adversaires les qualifiaient du nom de Perouchim (Pharisiens) qui signifie : « séparés » (des autres).
« Les Sadducéens (Tsadoukim, probablement du nom de Tsadok, fondateur de cette secte) se recrutaient, au contraire, pour la plupart dans les familles riches, qui avaient des relations avec les païens et les peuples voisins de la Judée. Se sentant trop à l’étroit dans l’observance scrupuleuse de la Loi et des traditions juives, ils cherchèrent à se débarrasser des commandements qui n’étaient pas expressément formulés dans la Thora. Ils niaient toute tradition et rejetaient la doctrine des récompenses et des peines futures. L’éclat extérieur de l’Etat leur paraissait plus désirable qu’un fidèle attachement à la Thora. Ce parti était moins nombreux que celui des Pharisiens, mais il était plus puissant et cherchait à imposer ses conceptions par la force »(p. 190-191).
Ainsi le Pharisaïsme loin d’être le parti des dévots hypocrites, le parti des clercs au service de la classe dirigeante et bourgeoise, le Pharisaïsme était un parti révolutionnaire et libéral au service du peuple. Le parti de la classe bourgeoise et des dirigeants, des propriétaires fonciers, des riches, des généraux, des militaires, des prêtres était le parti des Sadducéens, c’est-à-dire des descendants de Zadok, ancêtre des Asmonéens. Les positions étaient maintenant bien nettes, sans aucune équivoque : la révolte macchabéenne avait été une révolte bourgeoise contre le peuple. Ce ne devait pas être la dernière fois que la bourgeoisie juive, sous le prétexte de le libérer et de l’émanciper, a entraîné le peuple dans des aventures sanglantes ce qui nécessitait préalablement et corrélativement de détruire l’autorité et l’influence de la Thora et des rabbis sur le peuple, lesquels ne pouvaient manquer de s’opposer aux entreprises criminelles de cette bourgeoisie. La liberté et l’émancipation du peuple sont dans la soumission et la consécration à la Thora et à Dieu ; quiconque veut libérer le peuple du joug de la Royauté du Ciel vise en réalité à le lier au joug des Rois de la Terre, au joug des banquiers, des politiciens, des militaires. Le parti du peuple libre, c’est le parti de la Thora et le parti de la Thora c’est le parti du peuple libre. Le parti qui est contre la Thora c’est le parti qui est pour l’Etat, c’est le parti qui livre le peuple aux puissances politiques, financières et militaires.
Ainsi, quel bon chrétien, fidèle lecteur de l’Evangile, l’aurait soupçonné, et même quel Juif, même religieux en a conscience : le Pharisien, à son origine, ne désigne pas un dévot hypocrite ou même sincère, mais un anarchiste ; il a une signification essentiellement politique [3] : adversaire de l’Etat et de ses représentants -de ses princes et de ses valets. Mais sa conviction politique, son anarchisme n’est pas la conséquence d’une recherche frénétique d’une liberté anarchique, individualiste et égocentrique ; au contraire, elle résulte de sa libre soumission, de son esclavage volontaire à la Loi et à Dieu. Comme Tolstoï, le Pharisien pensait « que pour avoir la force de refuser d’obéir à l’autorité humaine, il faut obéir à Dieu, car il est impossible de dire tout à coup je ne veux plus obéir aux hommes ». On ne peut le faire qu’en se soumettant à la loi divine suprême commune à tous. On ne peut être libre en violant la loi suprême. On ne peut être libre que dans la mesure où l’on observe la loi suprême. Et plus les hommes vivront ainsi, plus ils seront en mesure de ne plus se courber devant la puissance de l’homme et de s’en affranchir ». C’est pourquoi les Pharisiens étaient si attachés à la Thora, qu’ils la répandaient et la diffusaient dans le peuple, qu’ils la rendaient populaire. Le Pharisien était un profond et ardent humaniste, la personne humaine était sacrée à ses yeux, mais il avait conscience, comme le dit Berdiaev, que tout humanisme sans Dieu dégénère en inhumanisme.
« Dieu est humain, mais l’homme est inhumain ».
« L’humanisme se métamorphose en anti-Humanisme. L’affirmation que l’homme se suffit à lui-même, se transforme en négation de l’homme, aboutit à la décomposition du principe proprement humain en un principe prétendant dépasser l’humain, le « surhomme », et en un autre incontestablement inférieur à l’humain ; c’est l’animalo-divinité, au lieu de l’humano-divinité qui est ainsi affirmée ».
Le Pharisaïsme n’est pas une doctrine religieuse qui ne s’intéresse pas à la politique. Le Pharisaïsme, en son essence, est l’Anarchisme, qui est la doctrine politique de la Bible et de l’Hébraïsme, comme cela ressort avec éclat dans le chapitre VIII de Samuel. Mais c’est un anarchisme d’essence religieuse et mystique. Les anarchismes socialistes et athées en sont de pâles reflets, ils en représentent des formes dégradées.
Les véritables rabbins se reconnaissent non pas tant à leur érudition et à leur piété, mais à leur position envers l’Etat, ses princes et ses généraux. Les grands rabbis d’Israël, ceux qui ont fait du peuple juif un peuple de l’Eternel, un peuple indestructible, ont toujours adopté la même attitude, quelle que soit leur situation dans le temps ou dans l’espace, sur le plan politique : hostilité déclarée envers tout Etat juif et ses dirigeants, auxquels ils préfèrent la domination politique étrangère, à la condition que leur soit laissée une entière liberté et autonomie religieuse. Telle était la position des premiers pharisiens au temps de la Maison Asmonéenne, telle sera la position de Rabbi Yohanan Ben Zakaï au temps des Romains, telle est encore aujourd’hui la position des rabbis orthodoxes de Jérusalem -les « Netourei Karta ». Les rabbins et les religieux qui soutiennent un Etat juif sont de faux pharisiens. D’aucuns s’étonnent du climat hostile à la religion orthodoxe à l’intérieur de l’Etat d’Israël, et pensent qu’avec le temps les choses s’arrangeront. Ceux-là ne comprennent rien à la doctrine pharisienne : la Thora et l’Etat sont deux ennemis irréductibles : la force de l’un cause la faiblesse de l’autre. Les dirigeants de l’Etat d’Israël savent bien ce qu’ils font en désacralisant le peuple juif et ses institutions spécifiques ou en s’attachant des rabbins perfides pour bénir et sanctifier leur Etat. Les rabbins qui collaborent avec l’Etat d’Israël sont des néo-sadducéens.
Cécil Rhot dit que : « Tant que le danger extérieur fut menaçant l’unité nationale continua à se maintenir ». Le refrain n’a pas changé jusqu’aujourd’hui. Il n’y a pas d’exploitation et d’oppression à l’intérieur s’il n’y a pas d’ennemis à l’extérieur. L’Etat est une institution dont la fonction est d’exploiter et d’opprimer le peuple, de le faire suer sang et eau, au bénéfice de la classe dirigeante. L’ennemi extérieur lui permet, en jouant sur le sentiment national et patriotique, de lui faire avaler son sort malheureux. « Quiconque se révolte et fomente des troubles à l’intérieur, fait le jeu de l’ennemi, c’est un traître ». D’autre part, l’ennemi justifie la création et le développement d’une armée dont la puissance est souvent illusoire contre l’extérieur, mais qui est toujours assez forte pour maintenir l’ordre bourgeois à l’intérieur et réprimer toute tentative de soulèvement.
Mais tout système étatiste, surtout en Israël, porte les germes de sa propre destruction, et il est condamné, dès sa naissance, à dégénérer et à se disloquer tôt ou tard. C’est ce qui ne tarda pas à se produire avec l’Etat asmonéen.
« Vers la fin du règne de Jean Hyrcan, le caractère de la maison régnante commença à dégénérer. Son successeur, le roi Aristobule, singea les coutumes grecques, et se plongea dans une querelle de palais féroce, qui le conduisit à empoisonner sa nièce et à tuer son frère. Alexandre Jannée lui-même agit à la manière d’un despote oriental, sans scrupule, assoiffé de sang et passionné, et il maintint son autorité par l’épée de mercenaires étrangers » (Cecil Roth Histoire du Peuple Juif p. 97).
La révolte du peuple juif, des pharisiens, contre l’Etat éclata au cours d’une manifestation religieuse à l’occasion de la Fête des Cabanes :
« A un banquet donné en l’honneur du retour du roi d’une expédition militaire triomphale, un chef pharisien lui demanda ouvertement de dissocier les fonctions civile et religieuse qu’il remplissait, et de choisir l’une ou l’autre ; et une justification légale, de nature peu flatteuse, fut trouvée pour mettre en question son droit à la prêtrise. Sitôt après, à la fête des Tabernacles, alors qu’il officiait dans le Temple, le Roi prêtre pour se venger exprima publiquement son mépris de l’enseignement pharisaïque en versant la libation d’eau à ses pieds et non sur l’autel : point peu important mais qui indiquait son attitude envers le nouveau cérémonial non prescrit par le Pentateuque.
« Le peuple, irrité, lui jeta à la tête des cédrats apportés en l’honneur de la fête, et l’ordre ne fut rétabli qu’après bien des effusions de sang. Plusieurs chefs pharisiens s’enfuirent hors du pays.
« Le mécontentement continua de couver, jusqu’à ce qu’en 94, Alexandre revint, discrédité, d’une campagne malheureuse. Les sentiments du peuple s’exaspérèrent à nouveau. Jérusalem entra en rébellion. Pendant six ans la guerre civile fit rage férocement. Les insurgés pharisiens ne pouvaient s’égaler aux mercenaires endurcis du roi. Cependant ils refusaient de transiger, et préférant une loi étrangère à l’oppression arbitraire d’un fils de leur propre peuple, ils appelèrent à l’aide Demetrius II, maître de la Syrie à cette époque. Alexandre subit une défaite écrasante (Ibid, p. 97).
Tout cela se termina, ou plutôt commença à se terminer en 63 avant J.C. par la prise de Jérusalem par Pompée, dont l’intervention avait été souhaitée par tous les partis juifs. La fin de la fin fut la destruction du Temple en 70 et la grande dispersion. Quand on considère la révolte macchabéenne, comment elle débuta et comment elle se termina, on ne peut s’empêcher de s’étonner qu’elle ait donné lieu à une fête, petite fête il est vrai, mais fête quand même. Peut-être faut-il voir dans la fête une leçon qui contredit et désavoue les événements qu’elle commémore. Elle se déroule en plein hiver à une époque où la lumière solaire est la plus réduite. Un midrach raconte que si les Juifs n’allumaient pas les bougies de ’Hanoukka, la lumière du soleil continuerait à décroître jusqu’à s’éteindre complètement. Et les lumières de Hanoukka ont elles-mêmes une origine miraculeuse ; une fiole d’huile qui ne pouvait alimenter les chandeliers du Temple que pendant une journée a suffi pour 8 jours. Lorsqu’lsraël est opprimé, lorsqu’Israël traverse l’hiver historique, qu’il plonge dans l’obscurité et que d’après les lois de la nature il devrait s’éteindre et disparaître, alors Israël doit survivre en s’appuyant uniquement sur le miracle, il doit attendre patiemment que l’hiver et l’ombre passent et que la lumière reprenne le dessus et réduise les ténèbres, grâce à sa foi en Dieu et à la pratique de ses commandements. C’est ce que n’ont pas compris les Macchabées, qui ont voulu précipiter la délivrance en agissant par leurs forces humaines. En fait de délivrance, ce sont les catastrophes, les deuils, les esclavages, les servitudes et les oppressions qu’ils ont précipités et multipliés. Il est remarquable et très significatif que les rabbins ont ordonné de lire le Sabbat de ’Hanoukka les chapitres du livre du prophète Zaccharie où se trouve la condamnation catégorique de la violence : « NON PAR L’ARMEE, NON PAR LA VIOLENCE, MAIS SEULEMENT PAR MON ESPRIT ».
Emmanuel Lévyne “Judaïsme contre Sionisme” (p 100-114) Editions Cujas 1969
[1] Nous avons choisi, pour nos citations, une histoire juive publiée par les sionistes (éditions de la Terre Retrouvée). Car « c’est de la forêt elle-même que sort le manche de la hache du bûcheron » (Talmud Sanhédrin 39b).
[2] Sur le caractère personnaliste et anarchiste de Moïse, lire le remarquable article du rabbin M. Sal : « Quelques réflexions sur l’évolution biologique selon le premier chapitre de la Genèse » dans la « Revue d’Histoire de la Médecine Hébraïque n° 45, Octobre 1959.2
[3] A propos de l’étymologie de nom des pharisiens « perouchim », Cécil Roth note : « Que la différence entre les sectes ait été d’une essence bien plus politique que théologique, quoique ayant trait à la méthode d’interprétation de la Loi semble probable à cause de l’amertume des sentiments réciproques et du rôle qu’ils jouèrent dans les affaires d’Etat ».
http://www.ujfp.org/spip.php?article2426
Ecole de journalisme et voyage en Israël financé par le CRIF : lettres aux étudiants et au directeur de l’ESJ
Ci-dessous le tract qui a été diffusé ce matin aux 60 élèves de l’Ecole de Journalisme de Lille qui partent demain en Israël à l’invitation du CRIF, ainsi que la lettre adressée ce jour par Michel Warschawski au directeur de l’Ecole.
Etudiants de l’ESJ, ne vous vendez pas au CRIF avant même d’être journalistes !
Nous, militants de la solidarité avec le peuple palestinien, vous adjurons de ne pas compromettre votre honneur et votre futur métier en participant à une opération flagrante de propagande organisée par le CRIF. C’est par un article du site Rue89 que nous avons pris connaissance du projet de voyage organisé par la direction de l’école en Israël, en collaboration avec le CRIF.
Pour ceux qui l’ignoreraient, le CRIF (« Conseil Représentatif des Institutions Juives de France ») a cessé depuis longtemps de représenter les intérêts de la population juive française, pour devenir une simple courroie de transmission, assumée d’ailleurs, de la politique du gouvernement d’extrême-droite dirigé par Benyamin Netanyahou et Avigdor Lieberman. Ceux qui en douteraient n’ont qu’à consulter le site web de cette agence http://www.crif.org, et deux minutes leur suffiront pour être convaincus sur ce point.
Il n’est pas besoin non plus d’être grand clerc pour observer que si le CRIF finance la plus grosse partie (« billet d’avion + une partie du logement » selon Rue89) du voyage de soixante d’entre vous pendant 9 jours, c’est qu’il y trouve son intérêt : vous emmener là où il veut, rencontrer qui il veut, pour y débiter sa propagande habituelle, loin, le plus loin possible, des millions de Palestiniens enfermés et parqués derrière les murailles de l’occupation.
La direction de votre établissement, qui n’avait pas jugé bon de communiquer sur ce voyage avant la parution de l’article de Rue89, a publié mercredi soir un texte sur le site de l’école. Contrairement à vous qui pouvez poser les bonnes questions à la direction de l’école, nous n’avons pas les moyens d’évaluer les contradictions flagrantes entre le programme tel que conçu par le CRIF et celui affirmé par l’école sur son site, qui prévoit effectivement une série de déplacements dans les territoires palestiniens occupés.
Mais une chose saute aux yeux dans le communiqué de l’ESJ : c’est que le rôle du CRIF dans l’aventure y est carrément zappé. Alors, gêne, incompétence ou ingratitude du rédacteur ?
Nous penchons pour la première hypothèse, car les déclarations du directeur des études Pierre Savary à Rue89 (que l’intéressé n’a pas démenties) sont elles-mêmes empreintes d’un parti-pris n’ayant rien à envier au discours officiel israélien.
Pour Pierre Savary, les colonies juives de Cisjordanie, définies comme telles par l’ONU et les gouvernements du monde entier à l’exception d’Israël, et dont le caractère illégal est tout aussi unanimement établi, ne sont pas nécessairement des colonies. Selon lui, on « doit se poser la question » d’écrire que ce sont des « implantations », autrement dit reprendre à leur égard le terme soft et indolore utilisé par la seule propagande israélienne et ceux qui la servent.
Idem pour ses déclarations sur la ville palestinienne d’Hébron, où quelques centaines de colons fanatiques, protégés par des milliers de soldats israéliens, interdisent toute vie un tant soit peu normale aux 200.000 habitants palestiniens de la cité.
« Où mettre le curseur historique quand on raconte l’histoire d’Hébron. La question doit se poser », écrit Pierre Savary, bien dans la ligne de Netanyahou et consorts, qui répètent matin et soir que même dans le cadre d’un accord avec l’Autorité Palestinienne, Israël conservera son contrôle de la ville. Pour ceux qui l’ignorent, Hébron est au milieu de la déjà toute petite Cisjordanie, et fait partie avec elle des territoires occupés illégalement par Israël depuis 1967.
Etudiants de l’ESJ, nous ne doutons pas qu’un déplacement au Proche-Orient, d’une dizaine de jours qui plus est, soit a priori attrayant. Mais nous pensons qu’en l’effectuant dans de telles conditions, vous prendriez un mauvais chemin professionnel, en plus de cautionner l’occupation criminelle de tout un peuple.
Le groupe de Lille de CAPJPO-EuroPalestine
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Lettre ouverte a Pierre Savary – Ecole Supérieure de Journalisme de Lille
Cher collègue,
Par des collègues journalistes, nous avons eu connaissance du voyage d’étude en Israel qui s’organise, sous le patronage – et le financement – du CRIF. Sans faire de fausses analogies, un tel projet nous rappelle les invitations de journalistes en Afrique du Sud organisés et payes par le régime de Pretoria, a l’époque de l’apartheid.
Que des étudiants en journalisme se rendent sur le terrain, en particulier dans des régions de conflits, est tout a leur honneur, mais qu’ils acceptent d’être pris en charge par une organisation qui sert d’agence de propagande pour la politique du gouvernement d’extreme droite israélien n’est pas seulement surprenant, mais aussi désolant.
Le fait d’”equilibrer” ce voyage par un détour à Ramallah ou par une rencontre avec nos amis de Breaking the Silence, ne change pas grand-chose au caractère propagandiste de cette initiative. Pour exemple : dans la visite du Golan, y aura-t-il une rencontre avec des représentants de la population syrienne qui y vit sous occupation ? J’en doute.
Le Centre d’Information Alternative dont je suis le co-President organise souvent le programme de journalistes, de délégations et de missions professionnelles en Israel ET dans les territoires palestiniens occupes. Le fait d’être une organisation mixte, palestino-israélienne, nous permet d’avoir un regard précis et une connaissance intime des deux réalites qui caractérisent cette région.
Nous comprenons qu’il n’a plus moyen de faire marche arrière. Du moins, pouvons essayer non pas d’”équilibrer” – il ne saurait y avoir d’équilibre entre occupants et occupés, colonisateurs et colonisés – mais au moins de permettre aux étudiants-journalistes de sortir du cadre propagandiste de cette initiative.
Nous sommes a votre disposition pour une réorganisation du programme, de telle sorte qu’il devienne une rencontre avec la réalite, telle qu’elle est des deux côtés du mur : entre autres un tour de la colonisation et du mur autour de Jérusalem, rencontre avec des femmes et des femmes qui représentent la societé civile palestinienne, ainsi que des militant/es d’organisations anti-colonialistes israéliennes ; rencontre avec des Syriens du Golan occupé.
Cordialement,
Michel Warschawski
President/Centre d’Information Alternative
Jerusalem/Beit-Sahour
http://www.europalestine.com/spip.php?article7783