Les élections bourgeoises ne changent pas le monde,aujourd’hui pas plus qu’hier.

3, Comprendre les quatre courants dominants le scène électorale en France

Les partis représentent des classes sociales

Dans cette ébauche des forces politiques françaises partisanes du régime parlementaire nous partons d’un préalable. Pour les marxistes, les partis et les mouvements politiques représentent des classes et des couches sociales. Analyser une force politique c’est comprendre quel intérêt de classe elle défend.

Il faut toutefois différencier la base sociale du parti des intérêts défendus. Prenons trois exemples. Les partis de la IIème Internationale (les ancêtres des PS européens) étaient dans les années 1900-1940 les champions de la petite-bourgeoisie et de l’aristocratie ouvrière bien que leurs membres et leurs électeurs provenaient majoritairement des masses prolétariennes.En Allemagne, la base sociale et électorale du NSDAP, le parti d’Hitler, était composée massivement par des membres1 la petite-bourgeoisie frappée par la crise. Pourtant le régime nazi, en débutant dès 1933 par la destruction physique de la gauche allemande et des syndicats ouvriers, a été l’expression la plus brutale des trusts allemands et des Junkers et de la haute bourgeoisie. En France, le PCF qui était le parti de l’ensemble de la classe ouvrière et de la révolution est aujourd’hui le représentant de la couche corrompue du mouvement ouvrier. C’est le PCF des couches issus du secteur nationalisé, para-public, des grands groupes privés et de la bureaucratie syndicale qui ont dévoyé les conquêtes sociales en rentes de situation.

Autre aspect d’une analyse marxiste de la politique : la démocratie n’a pas le même sens pour les dominants et pour les dominés. Il ne peut exister de rapports démocratiques entre ceux qui voient le capitalisme comme un horizon indépassable et ceux pour qui le capitalisme est une vallée de larmes où les lois du marché règlent au quotidien un enfer terrestre.

Aujourd’hui, les partis politiques s’apparentent à des entreprises de service à disposition d’un champion électoral et non plus à de larges regroupements de masse. Pour autant, les partis, c’est-à-dire les organisations qui visent à exercer le pouvoir d’Etat, représentent et portent des objectifs différenciés liées aux couches sociales qui les soutiennent. Lénine synthétise cela de la façon suivante : « Les masses sont divisées en classes, les classes sont représentées par des partis, et les partis sont dirigés par des chefs », Attention au contresens. Les partis ne représentent pas la seule pensée, ni même la pensée moyenne ou majoritaire d’une classe ou d’une fraction de classe mais ils sont la conscience organique et systématique de classes et de fractions de classes. La phrase de Lénine signifie qu’ une classe qui élabore une théorie en partant de ses intérêts, qui élabore des objectifs et des méthodes de lutte, devient une force consciente de la lutte politique. La lutte pour le pouvoir devient alors possible,

Pour comprendre la lutte politique il faut aussi comprendre ce qu’est l’Etat. L’Etat est né comme corps armé des propriétaires, comme monopole de la violence organisée par la classe des propriétaires et non comme pacte entre citoyens égaux. Il est le reflet d’une division économique de la société entre dominants et dominés. Lorsque l’Etat sert l’ « intérêt général » du capitalisme c’est qu’il concilie les intérêts des différents groupes de la classe dominante (la bourgeoisie impérialiste) et qu’il soumet ou contient le mécontentement des classes populaires, Or, la bourgeoisie impérialiste est divisée entre différents groupes qui se déchirent pour décider qui, parmi ces groupes, représente le mieux « l’intérêt national », c’est-à-dire qui saura le mieux concilier les intérêts de la classe dominante mais aussi soumettre les dominés. En l’absence de parti révolutionnaire, cette lutte politique, représentée en particulier par l’élection présidentielle, consiste uniquement à mobiliser les masses populaires pour changer la donne au profit d’un des groupes de la bourgeoisie impérialiste.

Cette situation d’hégémonie bourgeoisie sur la scène politique ne doit pas pour autant rendre défaitistes. Les points de faiblesse de la classe dominante sont très nombreux. On le voit quand elle est contrainte de chevaucher le mécontentement des masses et d’en appeler « au peuple » comme le font tousles prétendants de l’élection présidentielle. Mais, en définitive, comme le montrent toutes les révolutions du XX°siècle, sans parti révolutionnaire il ne peut y avoir de révolution, L’idée qu’il faut rejeter la formeparti est la maladie infantile et la marque d’impuissance de nombreux mouvements contestataires actuels, La vogue récente des « mouvements horizontaux » qui aspirent à la fin du règne du capitalisme mais qui en même temps refusent la forme parti,ne contredit en rien cette analyse. Au contraire, leur refus de la forme parti signifie au final l’acceptation du monopole bourgeois du pouvoir.

Les mouvements protestataires de 2011 comme celui de Grèce et celui des Indignésde Madrid, de New-York ou d’ Oakland, ont porté l’espoir d’une société radicalement nouvelle. Pour la première fois depuis des décennies, l’idée d’une abolition du capitalisme animait les esprits. Mais il est évident aussi que ce sont des mouvementssans colonne vertébrale idéologique (« on ne sait pas ce qu’on veut mais on sait ce qu’on ne veut pas »), hantés par le spectre de la récupération, incapables de recueillir l’expérience des luttes et d’en élaborer des objectifs. A ce titre, la célébration tonitruante de la spontanéité pure et de la désorganisation qui a accompagné le « printemps arabe » était ambiguë. Vif enthousiasme devant la force éruptive des masses ? Non. Applaudir des révoltes qui ne peuvent être des révolutions, c’était pour la bourgeoisie impérialiste saluer la perpétuation du pouvoir des classes dominantes dans les semi-colonies du monde arabe.

Revenons aux forces politiques qui occupent la scène électorale française. Au regard de l’histoire du XX° et du XXI° siècle débutant il semble que les forces politiques pourraient se diviser assez simplement en forces fascistes, conservatrices, réformistes/sociaux-démocrates et révolutionnaires, Ce qu’il faut toutefois noter c’est que les révolutionnaires sont absents de la scène électorale, Par contre, les réformistes se divisent entre un courant qui défend ouvertement le consensus capitaliste (les réformistes sans réformes du PS) et un courant réformiste « radical » (la gauche de la gauche) qui prétend vouloir l’amender. Cette amélioration passerait soit par des élections ( c’est « l’insurrection citoyenne » de Mélenchon), soit par des « mouvements sociaux » post-électoraux (c’est le « troisième tour social » des trotskistes). Ces options ne correspondent pas à la situation de crise générale du capitalisme. Elles ne peuvent pas aboutir à une victoire progressiste face à la puissante mobilisation réactionnaire des masses.

Quels sont aujourd’hui les principaux types de courants ou de forces dont dispose la bourgeoisie impérialiste en France ?

La droite décomplexée

La droite française domine la vie institutionnelle depuis au moins 10 ans c’est-à-dire depuis l’élection plébiscitaire de Jacques Chirac en 2002 avec 82% des voix. Si cet épisode semble si éloigné c’est que la configuration politique a beaucoup changé. La droite classique, gaulliste et libérale, auréolée d’une victoire à la Pyrrhus, a sombré au profit d’une droite qui a jeté les « bonnes manières » aux orties. Nous ne parlons pas ici des bizarreries psychologiques de Sarkozy et de sa bande, du bling-bling tapageur, des actions incohérentes, des propos vulgaires, minables, insultants « qui rabaissent la fonction présidentielle »diffusés en boucle par la sarabande scintillante des médias qui raffole du personnage, de son ascension et de sa disgrâce. Des travers d’ailleurs avoués et excusés par ses partisans qui préfèrent l’image de « l’homme pressé qui prend rapidement des décisions fortes ». Cette dimension est divertissante et elle fait diversion. Les « nouvelles » plus ou moins insignifiantes ou carrément inventées, la mise en scène de la politique-spectacle, couvrent les conflits et les intérêts réels.

Car la mission assignée à Sarkozy, comme gestionnaire de la crise du capitalisme, a consisté depuis 2007 au moins à démanteler ou à réduire radicalement « l’Etat social » issu des conquêtes ouvrières (retraites, santé, éducation, etc), à diminuer les revenus (destruction des emplois, hausse des impôts), à réduire tout ce qui freine l’exploitation et l’oppression. Le gouvernement français ne prône-il pas le « modèle allemand », c’est-à-dire celui dans lequel 30% des travailleurs gagnent moins de 640€ par mois ? La droite UMP représente les intérêts des secteurs financier, bancaire, industriel, des gros propriétaires agricoles, le secteur de l’immobilier, des assurances, les cadres supérieurs des entreprises capitalistes, les grands rentiers.La droite décomplexée ne change pas quant à ses objectifs mais dans ses méthodes elle évolue. Comment compte-telle masquer son soutien au système financier en crise, aux plans d’austérité et sa guerre non déclarée contre les masses populaires ? En renforçant la ligne qui a présidé aux lois scélérates depuis 5 ans : persécuter les catégories victimes de la crise et appauvries et les faire passer aux yeux des « français normaux »pour des profiteurs qui abusent des bienfaits de la France sociale et tolérante. Les ouvriers étrangers, la jeunesse délinquante et en général celle des quartiers populaires, les chômeurs de longue durée sont toujours les cibles de choix. Sarkozy a ainsi lancé sa campagne électorale en désignant les chômeurs et les immigrés comme des problèmes sociaux à régler par voie référendaire.

Les deux référendums servant à passer au-dessus des « corps intermédiaires », à prévenir des protestations éventuelles des syndicats et des masses populaires. La campagne a continué, en février 2012, toujours par le tapage de cette droite « fière de ses valeurs », avec la désignation des gens des civilisations « inférieures »comme des éléments inassimilables avec la République. Mais aussi par la polémique d’apparence si étrange sur la nourriture « halal ». Autrement dit, le danger si proche (car intérieur) d’une invasion culturelle voire cultuelle par des musulmans hirsutes et fanatisés. Il ne faut pas être trop regardant sur la contradiction criante entre cette prétendue « croisade laïque » et le dernier « haut fait » de guerre ou plutôt de rapine international orchestré par l’impérialisme français. En l’occurrence, le bombardement de la Libye avec la mise en place de nouveaux alliés : des bandes armées fascistes arborant le drapeau inusable de l’islam politique. Mais le vrai problème ne consiste pas dans la montée d’une pulsion phobique face à l’immigration, qui viendrait du haut et non du bas de la société. Le centre névralgique de la politique actuelle est tout simplement de servir cyniquement le capital en arguant qu’il n’y a pas d’autre système possible et que les intérêts des « investisseurs » se confondent avec l’intérêt général, Le 10 mai 2010, Sarkozy annonça que, par souci de rigueur budgétaire, une aide exceptionnelle de 150 euros aux familles en difficulté ne serait pas reconduite.Le même jour, eu lieuune nouvelle injection de 750 milliards d’euros dans le système bancaire, une manne qui permit aux actionnaires de la Société générale de gagner d’un coup 23,89 % sur leurs actions. Il faut alors désigner d’autres « parasites » que les rentiers pour se présenter en « candidat du peuple ». La droite décomplexée a été ces dernières années un élément dynamique de la réaction. Elle permet d’envisager pour la bourgeoisie une nouvelle option en France déjà réalisée ailleurs en Europe : la préparation idéologique d’une jonction politique avec des groupes fascisants.

Le courant fascisant

Le fascisme n’est pas un simple synonyme de racisme institutionnel et de répression dictatoriale d’Etat. Ce sont là des traits qui peuvent être communs à nombre d’Etats bourgeois y compris libéraux (La France pendant la guerre de libération de l’Algérie par exemple). Le fascisme est une politique terroriste de la fraction la plus chauvine et la plus militariste de la bourgeoisie impérialiste (définition de Georges Dimitrov lors du VII° congrès de l’Internationale Communiste). Une politique terroriste mise en place suite à des crises politiques dans des Etats d’exception pour trouver une issue à la crise générale du capitalisme et contrer la menace d’une révolution prolétarienne. C’est un recours ultime auquel ne se résout la classe dominante qu’en dernier ressort pour sauver son ordre économique « dans la boue et le sang ». Le fascisme reste une des options possible du capitalisme en crise générale. Lutter contre la tendance au fascisme est donc une nécessité absolue aujourd’hui. Mais il faut dénoncer comme une autre peste l’antifascisme patronal qui propose le maintien du système comme solution. La bourgeoisie de gauche a ainsi hurlé au risque de fascisme dans les années 1980 en se prétendant être un rempart à la montée électorale du FN. Cette instrumentalisation du sentiment antifasciste a désarmé durablement les masses populaires dans le combat nécessaire contre leur « pire ennemi ». Au pouvoir, la « gauche » a même repris sans vergogne certains des thèmes ou des analyses du FN. Surtout, tous les partis sociaux-démocrates ou révisionnistes sont passés au pouvoir et ont appliqué toutes les mesures anti-populaires voulues par le capital. Ils ont ainsi ouvert un boulevard au développement des thèses actuelles du FN et des courants identitaires.

Pour ce qui est de la propagande raciste contre l’immigration et l’islam ces thèses ne sont pas nouvelles même dans leurs nouveaux habits « féministes » et « laïques ». Les mêmes bobards sur l’immigration qui ruine la France sont balancés comme une évidence1. L’Etat policier est lui aussi toujours le projet avancé par le FN avec le droit de tuer pour la police, le rétablissement de la peine de mort, l’interdiction des syndicats pour les corps d’Etat. Par contre, le FN a changé de discours économique en dénonçant « l’ultralibéralisme »comme une idéologie commune à la droite et à la gauche institutionnelles, « l’idéologie d’une classe dominante internationale mondialisée ». Marine Le Pen acccompagne sa dénonciation rituelle de l’immigration comme source d’insécurité et de terrorisme (elle assure aux français qu’il existe des« des bateaux entiers de Mohamed Merah aux portes de l’Europe » en s’appuyant sur le tueur de Toulouse) par un lamento sur « la concurrence sauvage entre travailleurs », la formation de « ghettos » et« l’esclavage moderne »que subissent les travailleurs immigrés.

Sa phraséologie à connotation sociale s’arrête bien entendu devant l’unité d’intérêt et la solidarité de classe qui est la seule arme dont dispose les ouvriers de toutes nationalités. Néanmoins, Marine Le Pen prône la réindustrialisation, le protectionnisme, la sortie de l’Euro, un Etat interventionniste qui mette « au pas la finance et la spéculation ». Elle propose même la hausse des salaires (200 €), une première pour un parti apôtre de la libre entreprise depuis sa création. Comment comprendre cette récupération d’un discours de gauche ? Le tour de passe-passe sur les salaires est éclairant : il consiste à prendre les 200€ sur les cotisations sociales ce qui ne coûtera rien au patronat et ce qui constitue un simple transfert du salaire différé (retraites, santé) au salaire direct. Il n’y aurait aucune redistribution des richesses. Mais on ne peut ignorer le reste du jargon à prétention « anticapitaliste ». Il s’agit bien sûr de séduire l’électorat ouvrier (non pas les 30% ouvriers, souvent des petites entreprises et de l’artisanat, qui votaient déjà à droite mais les ouvriers dont les traditions de solidarité ont été détruites par le chômage et la précarité). Il s’agit aussi d’un rapprochement avec le modèle fasciste historique, de la défense d’un capitalisme national. Le blog Servir le peuple rappelle ce que signifie le pseudo-anticapitalisme des courants fascistes :

L’”anticapitalisme” dont il peut parfois se parer, par un discours contre la “banque” ou la “finance”, contre les “gros”, les “nantis” et autres “élites” (surtout intellectuelles), se situe dans le prolongement de deux traditions ultra-réactionnaires du 19e siècle, déjà décrites et dénoncées par Marx et Engels :

– le “socialisme” féodal et clérical, dénonçant le capitalisme… car celui-ci a remis en cause la position sociale de l’aristocratie et du clergé (il dénonce alors un “monde sans valeurs”, “tout pour l’argent”, alors que l’Église et la noblesse d’autrefois “protégeaient les faibles”) ;

– le “socialisme” petit-bourgeois, “socialisme” de la petite et moyenne bourgeoisie (ou paysannerie) écrasée par le Grand Capital, regrettant l’époque “protectrice” des corporations. L’un comme l’autre tendent bien sûr à l’antisémitisme ; l’irruption des Juifs dans l’économie nationale (avec leur émancipation par les révolutions bourgeoises) étant pour eux indissociable et emblématique des “malheurs de l’époque”, d’un monde qui “fout le camp” avec la disparition de la société immuable des privilèges et des corporations… [Cet antisémitisme ne peut plus être aussi explicite aujourd’hui, mais les mêmes ressorts apparaissent en filigrane dans la dénonciation des “élites mondialistes”, de l’”hyper-classe” et des “lobbies” etc.]

– La dénonciation de “la banque”, des “financiers”, de l’”hyper-classe” etc. (toujours avec “le Juif” en filigrane) rejoint l’”insurrection” du Grand Capital contre sa propre crise générale, qui est une surproduction absolue de capital ; elle rejoint la nécessité d’une “caporalisation” de l’économie capitaliste et d’une réorganisation complète de la société pour fonder une nouvelle base d’accumulation, pour lutter contre cette surproduction absolue ».

Nous ajoutons que la défense de l’impérialisme français, la défense du rang du capitalisme français dans le monde est un point commun de tous les partis bourgeois fascistes ou « démocratiques ». La lutte antifasciste ne peut se mener que sur une base anticapitaliste.

La gauche « sérieuse »

Chaque échéance électorale, chaque passage au pouvoir de la gauche parlementaire, montre à quel point elle est l’ennemie des classes populaires. Depuis 1981 elle a été en pointe pour la dérégulation financière, la rigueur, les privatisations, la répression des grandes grèves dans l’automobile, l’acier ou le charbon au début des années 1980, l’apologie de l’Europe impérialiste, les guerres néocoloniales, la mise en avant du FN qui posait « les bonnes questions » selon Fabius, l’ancien premier ministre PS. Ce n’est pas Sarkozy qui a présenté les ouvriers de Renault et de Peugeot comme des « musulmans étrangers aux vrais problèmes de la France » mais Pierre Mauroy du sinistre PS.

Hollande est l’héritier de ce courant qui s’est totalement retourné contre le mouvement ouvrier. Sa candidature « normale » signifie qu’il faut selon lui gérer le capitalisme avec les outils classiques, le consensus entre parlement et syndicats par exemple, pour faire avaler les pilules de l’austérité sociale. Il ne propose même pas de redistribuer les miettes de l’impérialisme comme le proposait traditionnellement la sociale-démocratie. Faute de remettre en cause le capitalisme, il suit le courant en dénonçant verbalement la « finance » dérégulée Il a déclaré lors de son premier meeting de campagne le 22 janvier 2012 :

“Dans cette bataille qui s’engage, mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature et pourtant il gouverne. Cet adversaire c’est le monde de la finance.”

Une déclaration qui se veut fracassante mais qui est totalement vide, fausse et sans conséquence. Les marchés (l’ensemble des banques d’investissement, de compagnies d’assurances, de fonds de pension et de fonds spéculatifs ) peuvent dormir tranquilles. La seule proposition PS pour combattre cet hydre qui ravage la planète est indolore : une agence de notation publique, quelques taxes de régulation et l’ajout du mot « croissance » dans les traités européens qui organisent le démantèlement social (la même chose avait été demandée et obtenue en 1997 par Jospin pour le traité d’Amsterdam). Des mesures d’accompagnement et d’encadrement a minima car le candidat socialiste doit être « crédible » c’est-à-dire qu’il doit respecter les prétendues nécessités de l’économie capitaliste. Que défendent les socialistes ? Le remboursement de la dette illégitime, le respect absolu de la propriété privée, le soutien à toutesles expéditions militaires impérialistes, la liberté de licencier ou de délocaliser. Bref, le PS et ses satellites sont les supplétifs de la droite, des défenseurs inconditionnels de l’ordre existant.

La gauche de la gauche

Un loyal « serviteur de l’Etat », un fervent défenseur de Mitterand, un ex-sénateur socialiste de 1986 à 2009, un ex-ministre peut-il devenir un « tribun du peuple » qui hurle « le rouge est de retour » ? La scène politique bourgeoise réalise ce miracle à la Protée. Mélenchon, un « défenseur du peuple » bien inattendu, a lancé la « révolution citoyenne »et réveillé le cadavérique PCF . Il dénonce les méfaits des institutions auxquelles il participait hier, il donne du souffle au mécontentement populaire avant de le monnayer et de réintégrer le rang comme le veulent les éternels accords électoraux avec le PS. La candidature Mélenchon éclaire sur ce qu’est devenu le PCF. Des années 1920 aux années 1950-1960, le PCF (SFIC) a représenté l’alternative révolutionnaire et une histoire glorieuse. il reste le seul Parti qui a organisé les masses populaires en proposant des solutions révolutionnaires, qui s’est opposé à l’injustice, aux affairistes, aux fauteurs de guerre, au nazisme, au racisme, aux guerres coloniales et à la compromission avec le système. Mais alors, il défendait le socialisme c’est-à-dire la direction de la société par la classe ouvrière, la socialisation des moyens de production et la dictature du prolétariat.

Puis le PCF s’est dissous dans la démocratie française et il a abandonné sa lutte contre la sociale-démocratie. Avec la crise de ses « bastions ouvriers » dans les années 1980 il a sombré dans la bouillie altermondialiste. La facilité déconcertante avec laquelle le PCF s’est livré au bonimenteur réformiste Mélenchon est l’aboutissement d’une évolution : de sa collaboration gouvernementale de 1997/2002 à sa définition actuelle comme pôle anti-libéral (soutien au Non au Traité constitutionnel européen et aux luttes défensives). Sa mystique actuelle est issue d’un rapport non-critique à la révolution française de 1789-1993 et d’une ignorance de la Commune avec pour résultat d’idolâtrer la « République » comme Etat au-dessus des classes. Le discours sera donc citoyenniste, chauvin, nationaliste, et son « anticapitalisme » limité dans ses critiques à la « finance » et non à la propriété privée. L’évolution du PCF a tué dans les masses populaires la confiance qu’une fois bien organisées, elles pourraient changer le monde. L’illusion Mélenchon créera une nouvelle désillusion. Notamment lorsqu’il affirme que la seule arme du « peuple » est l’élection bourgeoise et que l’ennemi n’est qu’une poignée de spéculateurs et non un système dirigée par une classe.

Mais il faut reconnaître que sur la scène publique Mélenchon a été le seul en France à désigner le peuple français comme un peuple généreux et solidaire et non comme un conglomérat transi dans la peur, effrayé par les pauvres et les étrangers. Il a été aussi le seul à tenir un discours de fraternité avec le peuple algérien (à l’occasion des 50 ans du cessez-le-feu) et à démonter les arguties nauséabondes de la vague de haine anti-musulmans. Les audaces dans les solutions proposées à la crise sont toutefois bien limitées. Les futurs sièges de ministres sont à ce prix. Là aussi l’essentiel réside dans quelques taxes sur le capital. De la prophylaxie réformiste. Le Front de Gauche joue aussi la petite fable du bon capitalisme industriel et du méchant capitalisme financier. Mais le changement attendu par les masses populaires n’a rien à voir avec le fait de « mieux employer le profit »ou avec un meilleur « financement du budget de l’état »mais avec la question du pouvoir, dans son sens le plus fondamental. Nous ne voulons pas taxer les financiers et les multi-milliardaires – nous avons besoin de nous défaire de leur pouvoir en les expropriant. Nuance.

L’autre pôle « vraiment à gauche » voire « communiste » (comme se présente désormais Lutte Ouvrière) c’est la caravane du trotskisme à la française qui a toujours servi d’appendice radical à la sociale-démocratie2 : LO, le Nouveau Parti Anticapitaliste (ex-LCR) et le Parti Ouvrier Indépendant (ex-PT, ex- OCI). Ces groupes de l’extrême-gauche institutionnelle ont récolté de nombreuses voix ses dernières années :5,3% en 1995, 10% en 2002 et encore 5,75% en 2007. Ils ont gagné à leurs yeux leur légitimité dans le jeu électoral bourgeois. Au bénéfice de qui ? A part le financement par l’Etat obtenus par ses trois groupes « révolutionnaires » quel est l’enjeu pour les masses populaires ? Ces groupes évitent de répondre à la question car leur stratégie électoraliste a échoué tout comme leur tentative de concurrencer le PCF. Ils ne fixent pas pour objectif la conquête du pouvoir par la classe ouvrière et l’instauration du socialisme. Cette situation s’est révélée sous les feux de la rampe médiatique lorsque Poutou, candidat du NPA, a étalé l’absence de perspective idéologique et politique de son courant :

– « Vous voulez tuer le capitalisme ? »
– « Oui, nous on pense qu’il faut remplacer le capitalisme »
– Vous voulez le remplacer par quoi ?
– Ben, ça on sait pas trop encore. Ce qu’on sait c’est que le capitalisme tel qu’il fonctionne ça ne peut pas aller »3

En aucun cas ces diverses chapelles et leurs « plans d’urgence pour les travailleurs » ne sont des écoles du communisme. Le vote pour les trotskistes n’est pas révolutionnaire, sans être pour autant dénué de sens. Il est tout au plus un vote pour une meilleure répartition des richesses. Le NPA n’a pas de synthèse différente et supérieure à ce qu’était la LCR. Sa ligne est la même : être la « vraie gauche » et peser sur les sociaux-démocrates, il est traversé par des courants hétéroclites du réformisme radical dans lesquels règne la confusion idéologique et le rejet viscéral de la petite-bourgeoisie pour l’organisation communiste et les expériences réelles de révolutions (URSS, Chine, et à l’heure actuelle les mouvements maoïstes de guerres populaires en Inde ou aux Philippines). Le POI aspire à rassembler la frange anti-européenne du mouvement ouvrier. Il s’est choisi comme devise « Pour le socialisme, la République et la Démocratie ». Comme le Front de Gauche, Il veut une VIème république basée sur le programme du CNR de 1945, avec le mot d’ordre d’ « Assemblée Constituante ». Or, une Assemblée qui n’est pas issue d’un mouvement révolutionnaire n’a pas de portée puisqu’elle repose sur le système parlementaire actuel. Le POI est un parti de fonctionnaires (enseignement, collectivités locales, impôts, police) et d’employés qui occupe des places dans l’appareil syndical de FO, sans forcement y développer un courant révolutionnaire « lutte de classe ». Son positionnement est quasi exclusivement en défense des services publics et des valeurs républicaines voire « nationalistes ». LO est le seule groupe trotskiste a être bien implanté dans le monde ouvrier et justement LO n’est qu’ouvriériste et syndicaliste. Son fonctionnement basé sur des« bulletins d’entreprises » permet une dénonciation de l’exploitation et des injustices dans les boîtes. LO dénonce le patronat mais pas la bourgeoisie et son système d’Etat. LO critique la gauche capitaliste et appelle à voter pour elle ou comme pour les dernières élections municipales, elle fait liste commune directement avec le PS. LO propose une amélioration du capitalisme par le « contrôle ouvrier »selon un vieux mot d’ordre trotskiste. Selon LO, L’Etat bourgeois pourrait servir les masses populaires : « sous le contrôle réel de la collectivité, pourrait intervenir beaucoup plus dans l’économie pour régulariser la production ». Son mot d’ordre est celui de toute l’extrême-gauche : « il faut prendre l’argent là où il est ». C’est un mot d’ordre syndicaliste mais en aucun cas révolutionnaire car l’alternative n’est pas une question de répartition des richesses mais davantage une question de propriété et de pouvoir de classe. Finalement la question à poser à ces groupes est la suivante : que veut dire la conquête révolutionnaire du pouvoir ? Est-elle le fruit de « mouvements sociaux », d’une « grève générale » ou d’un « gouvernement ouvrier » réformiste comme le pensent les courants qui dominent l’extrême-gauche française depuis plus de 30 ans ? Ou est-elle la nécessaire organisation par les Communistes des” trois armes magiques de la revolution”- cest à dire – le parti communiste, le front populaire et l’armée rouge afin d’affronter politiquement, militairement et ideologiquement, toutes les forces coalisées de la bourgeoisie imperialiste ?L’histoire des expériences révolutionnaires réelles a répondu à cette question. La stérilité complète des « petits partis anticapitalistes » et électoraux donne à sa mesure une autre réponse éloquente.

Reconstruire le camp révolutionnaire, c’est refuser l’électoralisme !

Participer à l’élection du président de l’impérialisme français, c’est renforcer l’impérialisme !

Avril 2012

AGEN – Comité anti-impérialiste

1. En réalité en 2009 les immigrés ont reçu 47,9 milliards d’euros en retraites, santé, allocations chômage et familiale, édu­cation. Par contre, ils ont alimenté à hauteur de 60,2 milliards le budget de l’Etat et de la Sécurité sociale. Soit un solde positif de 12,4 milliards. 2. Les organisations ont appelé au « vote » et au « soutien critique « à tous les gouvernement de la gauche réformiste. La LCR et l’OCI ont été des pépinières de cadres de la social-démocratie : Jospin,, Cambadélis, Mélenchon, David Assouline, Benjamin Stora, pour l’OCI ; Jullien Dray, Edwy Plenel, Michel Field, Henri Weber pour la LCR. 3RMC-BFM TV le 6 mars 2012, Philippe Poutou interrogé par J.J Bourdin

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