> Il existe une forme de violence à l’école, dont on parle trop peu. C’est une violence politique, qui consiste à instrumentaliser l’école, ses personnels, les parents et encore plus les élèves, à des fins politiciennes. Nous en avons aujourd’hui un parfait exemple avec la façon dont le gouvernement traite le mouvement lycéen, dans le but évident d’en limiter l’ampleur. La manipulation politicienne n’est sans doute pas là où l’on veut faire croire qu’elle est.

> De manière manifestement coordonnée, orchestrée, des courriers d’intimidation, toujours dans les mêmes termes, ont été envoyés par les proviseurs aux parents des lycéens; des condamnations de l’irresponsabilité des parents d’élèves se sont fait entendre; des menaces ont été proférées à l’encontre des élèves mobilisés, des sanctions et des exclusions abusives ont été décidées; les cortèges lycéens sont la cibles de violences policières autant que de «casseurs»…

> Le pouvoir politique instrumentalise proviseurs et policiers pour «casser» un mouvement de protestation de la jeunesse. Et lorsque cela passe par l’Education nationale qui a notamment comme mission l’éducation civique des jeunes, c’est inadmissible !

> Mais pendant que l’on s’occupe de sanctionner les lycéens qui veulent manifester, ou qu’on leur ferme les portes de leur internat, alors que des ministres reconnaissent que le droit à manifester est inaliénable, on ne s’occupe pas de ceux qui dans d’autres établissements attendent devant des grilles fermées pour aller en cours. C’est la situation de certains collèges fermés depuis la semaine dernière, parce que des adultes ont renoncé à exercer leur mission d’éducation face à des enfants.

> On a beau jeu d’en appeler à la «responsabilité des familles», là où les pouvoirs publics, depuis des années, ont failli. On a beau jeu d’exiger l’assiduité sans failles des élèves là où le ministère de l’Education nationale n’est pas capable d’assurer la continuité du service public.

> Depuis plusieurs années, la France n’a plus confiance en ses jeunes, elle ne les respecte plus, pas plus que leur parole. En leur déniant le droit de se mobiliser – à coups d’exclusions, de gaz lacrymogènes voire de flash-balls–, en cherchant à les assimiler à des délinquants, on les maintient dans une précarité civique en leur refusant le droit à s’exprimer alors qu’on est prêt à les mettre en garde à vue dès 13 ans.

> Aujourd’hui, de nombreux observateurs décèlent un tournant dans la mobilisation: au-delà des retraites, ce qui s’exprime aujourd’hui, c’est un malaise plus global, traduit par le conflit avec l’institution scolaire et la police, les deux institutions que les jeunes connaissent le mieux…

> Il nous appartient de défendre le droit et la capacité de la jeunesse à regarder avec lucidité ce qui l’attend demain. Les jeunes ne veulent pas que l’avenir qui se construit pour eux se fasse sans eux; la spontanéité de leur mouvement n’est pas une marque d’irresponsabilité, mais l’expression d’une inquiétude grandissante quant à leur devenir.

> Le pouvoir doit mettre tout en œuvre pour assurer la sérénité qui garantit le droit d’expression des jeunes, pour faire respecter l’application du droit au lycée et pour lever toutes les sanctions scolaires.

> Il faut maintenant adopter une attitude d’écoute et de dialogue : ce ne sont pas les menaces et la répression qui rassureront la jeunesse qui nous interpelle.

> Jean-Jacques Hazan, président de la FCPE