Pourquoi crier « Nous sommes tous des gazaouis » ?

Dans sa lettre adressée au pays Macron nous interpelle : il ne faut pas importer la guerre de Gaza en France. Désolé, c’est trop tard. Si des dizaines de milliers de manifestants ont crié avec une rage inédite, dans des rassemblements interdits ou pas, qu’ils se sentaient solidaires du sort des gazaouis, c’est aussi parce qu’ils se considéraient victimes de la même logique oppressive en France. Bien sur, ce n’est pas Gaza chez nous, ce n’est pas un génocide ici. Les bombes ne tombent pas sur les hôpitaux, il n’y a pas plus de 12 000 civils, écrasés sous les ruines, la France n’est pas un « cimetière des enfants » (UNICEF), les prématurés ne meurent pas dans les couveuses faute d’électricité et d’eau… Mais, suite au meurtre de Nahel des exécutions, des mutilations, des centaines de condamnations, ont répondu aux révoltes légitimes de la jeunesse. La propagande étatique marche à coup de censure et d’atteintes aux libertés publiques, les manifestations de solidarité avec Gaza ont été interdites et criminalisées : 1 400 amendes de 135 euros, un responsable de la CGT arrêté, une miltante palestinienne de 72 ans, enlevée par la police en civil en plein Paris et expulsée vers le Caire manu militari, le pouvoir a dissout des associations antifasciste ou contre l’islamophobie (voir article ci-dessous). Alors qu’à Lyon les gangs fascistes attaquent impunément à coup de barres de fer et mortiers une réunion de solidarité avec Gaza et que le maire socialiste de Saint Denis menace d’expulser de ses locaux la Compagnie Joli Môme pour avoir organisé une soirée pro-Palestine, le projet de loi Darmanin sur l’immigration a mijoté dans les caves nauséabondes du Sénat (voir article ci-dessous). Alors, confrontés à ce régime raciste et autoritaire n’est-il pas naturel que les plus opprimés et exploités, le « sel de la terre », puisent des forces de résistance dans la luttes des Palestiniens ? Comme une couche de chantilly d’un blanc aveuglant qui servirait à camoufler un gâteau faisandé, l’actuelle agitation du gouvernement a le même effet sur l’antisémitisme . C’est le pouvoir qui génère l’antisémitisme en accusant la lutte contre l’État sioniste d’être antisémite. Comme Israël, le pouvoir en France utilise l’actualité à des fins idéologiques : comment prétendre lutter contre l’antisémitisme en marchant, comme le 12 novembre, avec la droite et l’extrême droite antisémite et islamophobe ? Si l’objectif est de faire voir la vérité, pourquoi Macron et les forces dites « démocratiques » ne demandent – ils pas l’envoi d’une commission d’enquête internationale et indépendante sur les tueries de civils perpétuées le 7 octobre par le Hamas ? Parce que le pouvoir Israélien n’en veut pas ? Manifester, bien sûr, mais pour faire mal aux agresseurs sionistes et à leurs soutiens ultra-libéraux il y a plus : Boycott des profiteurs de la colonisation ! Infos pour l’action : https://europalestine.com/ et https://www.bdsfrance.org/

 

> [ C H R O N I Q U E   D E   L ’ A R B I T R A I R E ]

Propalestiniens = criminels ? Jusqu’à début novembre, toutes (ou presque) les manifestations pro-palestiniennes ont été interdites en France, seul pays d’Europe à part l’Allemagne, où cela a été le cas. Le 12 octobre, le ministre de l’intérieur a d’abord demandé qu’elles le soient systématiquement sans que les préfets n’aient à apprécier le risque au cas par cas comme le prévoit la loi mais le Conseil d’Etat a remis en cause cette demande le 18 octobre. Les préfectures se sont alors empressées de déverser sur des pages et des pages les motifs de considérer ces manifestations comme dangereuses (une « note blanche » qui a servi au TA pour confirmer une interdiction évoque pêle-mêle le risque de slogans antisémites – en se fondant sur une manif qui a eu lieu à Sydney en Australie – comme celui de la « présence de jeunes des quartiers sensibles »). Malgré cette offensive liberticide, les manifestations et rassemblements ont bien eu lieu. Elles ont parfois été dispersées à coup de canon à eau et de gaz lacrymos, elles ont donné lieu à des nasses, des interpellations et des verbalisations : au moins 1400 amendes de 135 euros. Les militants qui en ont été victimes commencent à s’organiser pour les contester collectivement (infos https://paris-luttes.info/contre-la-matraque-financiere-15653). L’Etat français s’en prend également aux palestiniens présents en France . Après Mariam Abou Daqqa militante du FPLP présente légalement en France pour une tournée militante qui a été kidnappée à la sortie d’un cinéma du Quartier Latin par des flics en civil et expulsée vers le Caire aux frais de l’Etat alors même qu’elle avait en poche son billet d’avion pour le lendemain, c’est au tour de Waleed, un enseignant de français palestinien fondateur de la première école francophone dans la bande de Gaza venu à Lille il y a quatre ans étudier la linguistique française de recevoir une OQTF (obligation de quitter le territoire français) signer la pétition sur leslignesbougent.org.

Loi Darmanin : de cette société-là, on n’en veut pas ! Début octobre le ministre de l’intérieur promettait le doublement des places dans les centres de rétention administrative (CRA), objectif 3 000 places d’ici 2027 et continue en portant un projet de loi très hostile aux immigrés. Son passage au sénat début novembre n’a fait que le durcir encore : criminalisation des sans papiers, facilitation de leur expulsion et de leur exploitation par les patrons, suppression des allocations familiales et de logement, restriction radicale du droit de sol… La seule mesure qui servait d’alibi à une pseudo humanité, l’article 3 portant sur « la régularisation dans les métiers en tension », a été remplacé par un durcissement des critères actuels déjà drastiques de régularisation par le travail. Et l’AME (Aide médicale d’Etat) serait supprimée, privant de droit à la santé une partie de la population. De nombreuses voix dénoncent une aberration sanitaire et économique, mais alors quelle est la logique si ce n’est celle d’achever de déshumaniser les étrangers ? Cette loi organise l’« hostilité systématique manifestée à l’égard des étrangers » définition même de la xénophobie selon le Larousse , en voilà un projet de société… Après l’occupation du plus important chantier des JO à Paris, à l’Arena porte de la Chapelle le 17 octobre par des sans papiers en lutte, manifestons le 3 décembre pour commémorer l’arrivée de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983 et contre la loi Darmanin et participons à la journée nationale le 18 décembre contre la loi Darmanin à l’occasion de la Journée internationale des Migrant.es. Infos : https://antiracisme-solidarite.org/

Reconnu innocent, mais toujours en bas de l’échelle Dans l’affaire de Viry-Châtillon voir (RE 198 ou 204) les tricheries policières avaient conduit de jeunes hommes en prison, innocentés par la suite. Début octobre la cours d’appel de Paris rendait son dernier jugement concernant l’un d’eux, détenu à Fleury-Mérogis de ses 18 à ses 22 ans :185 000 euros (les autres jugements allaient de 16 000 et 245 000 euros, pour des détentions jusqu’à plus de quatre ans de prison). Dans son calcul la justice a refusé de prendre en compte le préjudice moral et physique tout en reconnaissant « l’existence d’un état de stress post-traumatique, d’un état dépressif important et de troubles de l’attention trouvant une origine certaine dans la détention subie »… Concernant le préjudice matériel, son milieu social ne mérite pas mieux que 15 000 euros car pour la justice son profil ne le prédestinait pas à un avenir brillant… « C’est dérisoire, même rabaissant, que la justice considère ainsi ma vie. Ma jeunesse m’a été volée et j’ai l’impression d’être mort en prison. Je suis noir de peau, j’ai grandi et j’habite en banlieue. J’ai l’impression que ma vie ne vaut rien pour les magistrats. Mais je vais continuer à me battre. Je n’ai plus rien à perdre. »

La dissolution d’associations devenue une arme banale pour l’Etat macroniste Le 9 novembre le Conseil d’Etat lors a examiné sur le fond le recours contre la décision de dissolution des Soulèvements de la Terre de juin dernier en conseil des ministres mais a confirmé, lors de cette même audience, celle de 3 autres associations, la GALE, groupe antifasciste lyonnais, le CRI coordination contre le racisme et l’islamophobie et un groupe néo fasciste l’Alvarium. Cette arme législative datant de 1936 a été renforcée par la loi sur le séparatisme de 2021 : l’Etat macroniste a ajouté des motifs de dissolution dont celui de « provocation à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens » (motif invoqué contre les ST et la GALE) et de « menaces à la forme républicaine du gouvernement ». Il s’en est servi 34 fois depuis 2017. Cette possibilité légale de dissoudre des associations et des groupements de fait avait été utilisée près de 25 fois par De Gaulle contre des groupes communistes en 1968, elle a été réactivée sous Hollande contre l’extrême droite et des associations musulmanes et a été étendue depuis Macron à des groupes d’extrême gauche, écologistes mais aussi des collectifs pro-palestiniens.

Justice pour Nahel ! C’est sous ce mot d’ordre que se sont réuni un millier de personnes le 19 novembre à Nanterre. Ils ont répondu à l’appel de la maman de Nahel apprenant la libération, après quatre mois et demi de détention provisoire, du policier qui a tué le jeune homme de 17 ans. Et cerise sur le gâteau le flic tueur devrait toucher sa cagnotte de plus d’un million d’euros. En voilà une recette pour devenir riche.

Un mariage gazé à Gennevilliers (92) Le 19 octobre, les mariés et leurs amis, joyeux, sortent de la mairie. Deux copains lancent deux feux d’artifices mortier. Ça ne rate pas. Contrôle d’identité, la foule de 50 convives s’y oppose. Gazée elle est aussi bombardée de grenades de désencerclement. Deux personnes en GAV, une autre blessée à l’oeil.

Education nationale macroniste c’est l’armée Après la mort de Dominique Bernard tué d’un coup de couteau devant son lycée d’Arras par un ancien élève venu dans l’intention de s’en prendre à un prof d’histoire en écho à l’assassinat de Samuel Paty en 2020, la seule réaction du ministère de l’éducation nationale a été, dans un discours aux accents violemment militaristes, d’en appeler à l’engagement des professeurs pour soi-disant défendre la République : deux heures de concertation ont été accordées à contre cœur et puis il fallait que le personnel éducatif, définitivement désigné comme cible, se tienne « debout » et reprenne les cours illico après avoir au passage signalé tous les élèves qui auraient ne serait-ce que ricané lors de la minute de silence décrétée pour marquer l’événement. Et sinon ? Pour tous ceux qui ne s’engagent pas de la bonne manière, dénonçant les réformes anti-éducatives du ministère ou encore le management brutal de leurs chefs d’établissement, la répression continue : en novembre c’était au tour d’Aude Marécaille, enseignante à Amiens dont le TA a pourtant annulé cet été la mutation forcée, de repasser en conseil de discipline pour les mêmes faits, même procédure menée contre Hanane Amoqrane documentaliste du lycée Angela Davis de La Plaine à Saint Denis. Et la militarisation forcée touche aussi les élèves avec le projet de généralisation du SNU ( voir RE 213).

Un flic d’Aulnay condamné le 2 novembre à 7 mois de prison avec sursis et 3 000 euros de préjudices à verser à la victime de ses coups de poings et de ses insultes, Lamine Ba. Les faits ont eu lieu en septembre 2019 près de la gare de Sevran alors qu’une patrouille de flics a provoqué un embouteillage contre lequel Lamine, médiateur à Sevran, a protesté : refusant toute discussion, le flic lui asséne des coups de poings, l’interpelle et l’accuse d’outrage .La scène a été filmée, Lamine Ba n’a rien lâché et a obtenu 4 ans plus tard cette condamnation. Rare.

« Ne nous laissons pas anti-terroriser ! » Le 8 décembre 2020, 9 personnes, qui pour certaines ne se connaissent pas, sont interpellées partout en France dans le cadre d’une enquête pour « association de malfaiteurs terroristes ». Après 3 années d’instruction, et malgré le fait qu’aucun projet d’action violente ne peut leur être reproché de l’aveu même de la DGSI, 7 co-accusés comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Paris du 3 au 27 octobre. Les médias parlent de « contradictions fondamentales du dossier », de « preuves évanescentes » et d’éléments « particulièrement fragiles »… pour cause, il n’y a jamais eu de projet d’attentat. Des lectures, des modes de vie, la présence sur des ZAD, la critique des institutions étatiques et des violences policières, un militantisme écologiste contre le barrage de Sivens, l’utilisation de l’application « Signal » ou encore leur végétarisme, voilà les preuves brandies par la DGSI. Pas d’erreur ce sont bien les convictions politiques qui sont visées là. Brandissant l’épouvantail terroriste l’Etat distille la peur, menace, cherche à criminaliser, disqualifier toute opposition politique. Délibéré le vendredi 22 décembre à 10h. Infos https://soutien812.net

Les armes de la répression Le nouveau blindé de la gendarmerie appelé Centaure, récemment aperçu face aux jeunes révoltés des quartiers populaires suivant la mort de Nahel, va se généraliser. 90 exemplaires prévus, équipées de caméras à 360°, lance-grenades… Le lanceur de balle de défense LBD voit son utilisation évoluer. Après Hédi à Marseille, Virgil à Nanterre, Nathaniel à Montreuil, Mehdi à Saint-Denis, Abdel à Angers… tous grièvement touchés par un tir de LBD après les révoltes, le ministère de l’intérieur choisi d’abaisser sa distance réglementaire d’utilisation, qui passe désormais à 3 mètres…

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source : https://resistons.lautre.net/spip.php?article644

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