Les troupes françaises sont engagées dans une guerre, quoi qu’en dise Edgar Morin, ministre de la Défense dans une interview à La Croix, le 22 juillet : « Nous menons des opérations « de guerre » mais nous ne sommes pas « en guerre », au sens constitutionnel du terme. » Morin est nominé pour l’oscar de les catégories « langue de bois » et « foutage de gueule » et a de sérieuses chances dans une compétition pourtant très relevée.

Les médias ne sont pas très empressés pour couvrir le conflit. Tout juste à l’occasion de la mort d’un soldat. Sur les pertes françaises, Morin, dans la même interview : « …je refuse d’entrer dans ces décomptes macabres….Les militaires ne se posent pas ces questions quand ils remplissent leur devoir. Ils considèrent que le don du sang fait partie de leur métier et de l’engagement. Ils en sont fiers. Ils ont envie de partir en Afghanistan »

Côté politique, il y a apparemment aussi d’autres chats à fouetter : « …quand le débat a eu lieu à l’Assemblée nationale, en septembre 2008, l’hémicycle était vide, ou presque !  » a répondu Morin à la question de savoir pourquoi la guerre suscitait moins de débat en France qu’à l’étranger.

Etre contre la guerre en Afghanistan, si ce n’est par principe viscéral, n’est peut-être pas facile. La propagande officielle présente le conflit comme une guerre contre les talibans et Al qaïda et le critiquer reviendrait à soutenir l’un ou l’autre. Une guerre entre « méchants », en quelque sorte.

Sauf qu’entre les deux, comme d’habitude, il y a ceux, la majorité, qui n’ont rien demandé et qui se trouvent sous les feux croisés. En langage militaire, les « dommages collatéraux ».

Parmi ceux qui n’étaient pas au bon endroit au bon moment, 11 civils à Bagdad mitraillé par un hélicoptère de l’armée US en 2007. Bradley Manning, un analyste du renseignement, a fait parvenir la vidéo de la tuerie à WikiLeaks. Arrêté, il risque 52 ans de prison devant une cour martiale.

Ce même WikiLeaks a publié cette semaine les war logs, 91 000 documents classifiés sur les opérations et les coulisses diplomatiques de la guerre en Afghanistan. Un gros pavé dans la mare de types comme Morin et leurs gros mensonges, qu’il serait long trop long de détailler ici, mais qui tend à prouver que la guerre sera perdue et que des milliers de personnes mourront pour rien dans les prochaines années. Ces « carnets de guerre » démontrent la corruption à tous les niveaux de l’administration afghane, du simple flic à l’entourage présidentielle, la sale guerre menée par les Forces Spéciales US et la CIA, l’ampleur des « dommages collatéraux », etc…

Bien sûr, la « source » est activement recherchée, et Manning est le suspect idéal.

Le coup de pied dans la fourmilière commence à produire quelques effets. En Grande Bretagne une commission de la Chambre des Communes va ouvrir une enquête pour déterminer la situation en Afghanistan et examiner, entre autre, les possibilités d’un retrait des forces britanniques, fortement encouragée par une opinion publique de plus en plus opposée à leur maintien.

Aux Etats-Unis, si le Congrès a voté une rallonge de 59 milliards de dollars pour les guerres d’Irak et d’Afghanistan, 102 élus démocrates ont voté contre et le texte n’est passé que grâce aux voix républicaines. Obama n’a plus qu’une faible majorité dans son propre parti pour le suivre, pour la première fois depuis son élection.

Les war logs pourraient constituer un tournant comme le furent en 1971 la publication des Documents du Pentagone par Daniel Ellsberg. Les révélations des « carnets » s’illustreront dans les prochains mois. La résistance afghane est mieux armée que ce qui a été présenté jusqu’alors par la propagande militaire. Elle dispose notamment de missiles sol-air à têtes chercheuses. Les pertes des forces de l’OTAN vont continuer à s’accroître. Il n’y a pas « d’afghanisation » possible du conflit, permettant un retrait à court ou moyen terme, sous couvert de formation d’une police et d’une armée, sans moyens, avec de nombreuses défections, prêtes à vendre leurs armes pour quelques sous.

Il n’y a qu’une solution : Le retrait immédiat. Et une priorité. Il faut sauver le soldat Manning, pour services rendus.