Pourquoi nous nous opposons à la guerre et aux sanctions
Catégorie : Global
Thèmes : Répression
Article et analyse d’Afshin Nikouseresht refugié politique irnanien
traduction d’une analyse publié par iran solidarité melbourne
http://iransolidarity.net/?p=1259
iran solidarity melbourne
le 16 février 2010. Cet article explique pourquoi il faut s’opposer à toute guerre ou sanctions économiques contre l’Iran tout en rejetant les principaux arguments d’une certaine « gauche anti-impérialiste » en faveur du régime islamique.
Les gens qui suivent les débats au sein du mouvement pro-démocratique iranien ces derniers mois, ont peut-être eu échos des récentes accusations que certains secteurs et individus de fractions d’orientation réformiste du mouvement ont faites contre les sections les plus révolutionnaires du mouvement. Plus précisément, certains gens qui pensent que le mouvement devrait se restreindre à des réformes dans le cadre de la République Islamique ont lancé une campagne pour discréditer ceux qui demandent la fin du règne de la République Islamique comme condition préalable à des réformes démocratiques en Iran.
Un célèbre penseur religieux nationaliste, Monsieur Sahabi, a le mois dernier réprimandé les iraniens de l’étranger pour leur forte utilisation de slogans contre la République Islamique et on dit qu’Akbar Ganji, un autre célèbre penseur et militant religieux, aurait il y a quelques semaines accusé à Londres les iraniens qui soutiennent le renversement de la République Islamique par des moyens révolutionnaires de soutenir une invasion de l’Iran par des puissances étrangères comme les Etats-Unis ou Israël. A ce jour, la transcription de ce discours n’est pas disponible, et nous ne pouvons pas le vérifier, mais le fait est que résultent des tensions entre les deux courants dans le mouvement toutes sortes d’accusations infondées. Et en plus, ces accusations infondées sont utilisées entre les mains des ennemis du mouvement qui disent que le mouvement serait lié à l’étranger et l’accuse, implicitement ou explicitement, d’être une cinquième colonne américaine ou israélienne pavant la voie à une attaque militaire contre l’Iran.
Cette idée est actuellement plus répandue qu’on ne le pense peut-être, surtout à l’extérieur de l’Iran, et il d’autant plus important pour nous d’engager la discussion sur ce point tant avec les iraniens que les non-iraniens. A part des gens comme Khamenei et Ahmadinejad qui accuse le mouvement populaire d’être un complot étranger, le « mouvement vert » est sous le feu des attaques de toute une sorte de théoriciens loufoques du complot depuis la gauche occidentale à la droite jusqu’aux groupes arabes et islamiques du Moyen-Orient comme le Hezbollah et les « socialistes » tiers-mondistes comme Chavez.
Par exemple, après le déclenchement des protestations suite aux élections truquées, le Cheik Naim Qassem, dirigeant adjoint du Hezbollah, a accusé l’Occident de fomenter les manifestations en Iran lors de l’élection présidentielle. Il a déclaré : « L’étendue de l’intervention occidentale et américaine en Iran est désormais claire ».
Ces analyses ont eu un écho chez le chouchou de la gauche occidentale, Hugo Chavez, qui a aussi dit qu’il croyait que les Etats-Unis et les pays européens ont donné un coup de main pour lancer les protestations en Iran.
Il y a aussi de nombreux journaux, blogs, feuilles de propagande et chaînes de youtube qui se consacrent à attaquer et discréditer le mouvement du peuple pour la démocratie.
L’historien et journaliste William Engdahl, par exemple, auteur de « Le spectre total de la dominance, la démocratie totalitaire dans le nouvel ordre mondial« , a déclaré que ce qui se passait en Iran était une nouvelle révolution colorée comme celle que l’Occident a orchestré en Géorgie, ce qui est exactement ce que Khamenei et les néo-fondamentalistes disent à propos du mouvement.
Et juste pour mettre les choses en perspective, c’est la même personne qui doute aussi que le pétrole est fait de restes fossiles et qui croit que la planète est en train de refroidir plutôt que se réchauffer. C’est peut-être bien d’ajouter ici qu’Engahl n’est pas qualifié pour commenter la géologie, la science du climat ou la politique du Moyen-Orient.
Dans un autre exemple, le World Socialist Website fait écho des mots de Khamenei en appelant le mouvement de protestation « complot impérialiste », alors que le journal auto-proclamé maoïste Free Media Production déclare son « soutien indéfectible et inconditionnelle pour le gouvernement révolutionnaire islamique d’Iran et le président Mahmoud Ahmadinejad ». Il continue en disant : « Dans la République Islamique d’Iran, les masses ouvrières ont montré leur soutien, non pas à un mouvement révolutionnaire insurrectionnel contre le gouvernement islamique, mais au contraire a majoritairement apporté son soutien au président Ahmadinejad récemment réélu ». Et il finit par conclure : « Finalement, considérant que l’Iran a besoin de défendre ses intérêts contre l’impérialisme US et sioniste, les conditions matérielles actuelles (telles qu’elles existent aujourd’hui) indiquent qu’une insurrection révolutionnaire interne ne ferait que déstabiliser et menacer toute la sécurité du peuple iranien. Un tel aventurisme serait facilement exploiter par les ennemis de l’Iran qui attendent du haut de leurs sièges qu’une telle situation se produise ».
Nous pourrions nous contenter du fait que plusieurs de ces publications et analyses de gauche occidentales sont aux marges extrêmes de la scène politique et ne ni suivies par les masses ni n’ont de reconnaissance populaire. Mais le problème est que le genre de gens que ces organisations attirent, c’est-à-dire des gens qui se considèrent comme progressistes et défenseurs des droits et de la liberté, sont les mêmes gens que nous voulons gagner pour le mouvement iranien. Si nous voulons avoir un espoir de travailler avec les organisations politiques progressistes à l’extérieur de l’Iran, cela n’aidera pas si elles pensent que le mouvement contre le régime iranien est orchestré par le Mossad ou la CIA et est un défenseur de l’intervention militaire américaine.
Notre message à ces gens et à tous ceux qui pourraient être attirés par leurs idées et que des accusations sont complètement infondées. Et je crois que cela est évident pour les gens qui lisent cet article. Et pour mémoire, Iran Solidarity peut déclarer que tous ses membres sont à 100% pour soutenir les revendications du peuple iranien et complètement opposés à toute campagne militaire ou l’imposition de sanctions économiques contre l’Iran.
Je vais maintenant diviser le reste de l’article en deux parties, la première pour expliquer pourquoi nous devons nous opposer à la guerre et aux sanctions, et la deuxième pour expliquer pourquoi on trouve tant de soutien à la République Islamique au sein de certains groupes hors de l’Iran.
Vous vous demandez peut-être : si nous sommes contre la République Islamique, pourquoi s’opposer à la guerre et aux sanctions ? Certaines personnes répondrons simplement parce que le prix humain et matériel élevé d’une telle campagne ne peut moralement pas justifier une telle action même si elle mène au renversement de la République Islamique.
Tout en étant d’accord avec ce sentiment, je crois qu’il y a plus à dire sur cette question et je vais tenter d’amener certains aspects moins émotifs et plus politiques de cette question aujourd’hui.
Premièrement, il faut se rappeler que la priorité des Etats-Unis n’est pas l’établissement d’un régime démocratique et humain en Iran. Même si Bush a prétendu et sorti quelques mots ici et là sur l’aspiration démocratique du peuple, Obama a mis de côté de telles prétentions et ne s’inquiète que stopper le programme nucléaire d’enrichissement de l’uranium. Un programme qui tel qu’il se passe est tout à fait légal.
Deuxièmement, le scénario hypothétique qui admet qu’une petite minorité d’iraniens espéreraient que les forces terrestres américaines envahissent et occupent le pays et imposent un gouvernement « démocratique » ou au moins « laïque », n’existe que dans l’esprit imaginatif des individus qui ont de tels souhaits et n’a actuellement rien à voir avec la réalité.
Personne à la droite de l’appareil américain ne défend une telle campagne au lieu de « l’option militaire » que Bush ressortait parmi les options de l’Iran et qui était toujours une opération d’attaque rapide et ciblée par le ciel / les missiles dans le but de détruire des infrastructures nucléaires et militaires iraniennes. Une telle attaque ne viserait pas à débarrasser le peuple d’Iran du régime mais ne ferait qu’apporter la mort et la destruction. Et de la même façon que la guerre du Golfe de 1991 a renforcé le pouvoir de Saddam pour douze autres années et lui a laissé massacrer l’opposition, il est possible que la même chose se passerait en Iran si la République Islamique peut jouer le rôle de la victime d’une agression et rallier à elle un soutien tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Iran. Aussi, une telle attaque militaire serait un revers considérable pour notre mouvement.
Regardons l’histoire, nous pouvons voir que les actes d’agression contre l’Etat iranien ont été contre-productifs et n’ont rendu plus dangereux pour le peuple de résister à la tyrannie du régime. N’oublions pas que c’est l’attaque de l’Irak contre l’Iran qui a donné à la République Islamique la possibilité de stabiliser son pouvoir et de massacrer les restes de l’opposition sur les potences et les lignes du front. En ralliant le peuple contre « l’ennemi extérieur » et en déclarant que toute agitation dans le pays sont des actes de « hautes trahisons » ou dans les termes iraniens de la « guerre contre Dieu », la République Islamique a détruit l’opposition iranienne, un acte qui a encore des conséquences aujourd’hui.
Les postures agressives des Etats-Unis n’ont jamais aidé le peuple d’Iran dans sa lutte contre la dictature. Le discours de 2002 de Bush sur « l’axe du mal » est fortement soupçonné d’avoir scellé le cercueil du gouvernement « réformateur » de l’époque et renforcé la monté des néo-fondamentalistes, l’aile dure s’étant saisi de cette opportunité pour montrer que malgré la coopération de l’Iran avec les Etats-Unis en Afghanistan et la condamnation des attentats du 11 septembre, les Etats-Unis n’avaient pas l’intention de se réconcilier avec l’Iran et que l’Iran avait raison de prendre une posture plus agressive sur la scène internationale. C’est justement ce sabre américain qui a pavé la voie de la monté d’Ahmadinejad. Ne vous trompez pas, Ahmadinejad fut la réponse directe à Bush, et sa négation de l’holocauste une réponse directe à « l’axe du mal » de Georges Bush.
Tout comme pour les sanctions économiques, l’histoire montre qu’imposer des sanctions non seulement ne renverse pas un régime dictatorial, mais au contraire le renforce et appauvrit et démoralise la population. C’est évident en Corée du Nord comme pour l’Irak. Bien qu’elle subissent différentes sanctions depuis un demi-siècle, la dictature nord-coréenne semble renforcée alors que sa population reste une des plus pauvre de la planète avec très peu de volonté ou de possibilité d’affronter le gouvernement. Le fait est qu’une population qui se sent assiégée économiquement est moins capable de trouver le courage de lutter pour ses droits. Le niveau de pauvreté en Iran et les difficultés qui tomberaient sur les sections les plus misérables de la population ne feraient que créer une nouvelle base de gens désespérés que le régime, aujourd’hui discrédité, pourra commencer à utiliser pour se construire une nouvelle base de soutien, la misère et le chômage conduira ces gens dans les rangs des bassidji et le gouvernement pourra avec succès faire diversion de leurs frustrations contre des « ennemis extérieurs ».
C’est pour cela que d’après moi la meilleure chose que l’Occident puisse faire pour aider le peuple d’Iran est de lever ses sanctions sur l’Iran et d’arrêter de menacer le peuple d’Iran de guerre tout en refusant en même temps de reconnaître le gouvernement de Téhéran comme véritable représentant du peuple. Un tel geste retirera l’herbe sous les pieds des idéologues de la République Islamique qui se développent comme des parasites et se nourrissent des menaces extérieures des autres puissances. En absence de telles menaces, la République Islamique ne pourrait plus décrire les Etats-Unis comme une menace pour la sécurité du peuple et se décrire elle-même comme défense des gens contre de telles menaces et perdrait le dernier argument pour légitimer son existence.
Maintenant, je veux brièvement explorer pourquoi existe ce soutien au gouvernement d’Ahmadinejad hors de l’Iran.
Tout d’abord, la question importante qui doit être posée c’est pourquoi des gens qui d’habitude défendent la justice, la liberté et la démocratie se placent du côté du régime le plus anti-humain, anti-démocratique et injuste du monde ?
La réponse se trouve dans la vision simpliste du monde à laquelle ces gens adhèrent. Cette vision du monde leur indique que nous vivons dans un monde à deux dimensions où un groupe de nations « impérialistes » lutteraient entre elles pour dominer et assujettir un groupe de nations « opprimées » dans un grand jeu appelé « impérialisme ».
Et l’argument est que ces puissances impérialistes ont accumulé une telle capacité destructive sans précédent qu’elles amènent une menace pour l’existence même de l’espèce humaine et sont pour cela le problème numéro 1 de l’humanité. Aussi, de cette inquiétude pour la préservation de la vie et de la paix dans le monde, ces gens en viennent à soutenir les nations « opprimées » dans leurs luttes contre les « oppresseurs » ou nations « impérialistes ».
Cette interprétation du monde est ensuite appliquée à l’actuelle opposition entre les Etats-Unis (la plus grande super-puissance mondiale) et l’Iran, qui dans l’esprit de beaucoup de gens, particulièrement dans le monde arabe, incarnerait la « nation opprimée » luttant contre l’empire du mal.
Malheureusement, malgré les bonnes intentions de ces gens, il y a quelques points qui sont faux dans leur vision du monde.
1)Le monde n’est pas seulement divisé entre « nations impérialistes » et « nations opprimées ».
Et
2) Même si c’était le cas, l’Iran n’est clairement pas une nation assujettie ou « anti-impérialiste ».
Et
3) Cette interprétation du monde ne voit que la lutte contre l’impérialisme en tant que lutte de gouvernements contre d’autres gouvernements, d’armées contre d’autres armées, et ne prend pas en compte l’agent humain et les dynamiques de ces sociétés et les impacts que les travailleurs, les étudiants, les mouvements sociaux, etc. peuvent avoir sur la politique mondiale. Cette sorte de regard réduit la sophistication de la société à un jeu informatique ou d’action.
En réponse au premier point, je voudrais offrir un autre cadre pour analyser la situation en Iran. Au lieu de voir le monde divisé entre « nations impérialistes » et « nations opprimées », il est plus utile de prendre en compte que ces Etats-nations peuvent être considérés comme « moins impérialistes », ou ceux qui cherchent activement à dominer et influencer d’autres nations mais qui pour différentes raisons n’ont pas la capacité de leur faire comme ils veulent. Des pays comme l’Iran, la Chine et la Russie entrent parfaitement dans cette catégorie. Le jeu impérialiste est tout aussi important pour des nations moins dominantes ou qui aspirent à devenir les principaux acteurs dominants. Essayer de faire entrer de force cette réalité dans un cadre à deux dimensions c’est forcer le peuple à prendre partie à des conflits où des nations impérialistes « moindres » ou aspirant à le devenir se dressent pour affronter les puissances impérialistes dominantes de leur époque, non pas dans le but de libéré un peuple opprimé, mais dans celui de devenir aussi des pillards. Rétrospectivement, cette thèse pourrait être utilisée pour un pays comme l’Allemagne nazie durant la deuxième guerre mondiale, un conflit où une puissance impérialiste qui était plus faible militairement et économiquement que les autres puissances mondiales de l’époque, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, est entrée en guerre contre ces puissances pour conquérir une part du butin colonial. Comprenez moi bien, je ne considère pas que le régime iranien à d’une façon ou d’autre autre les mêmes capacités militaires que les nazis, mais le fait est qu’il s’agit d’une puissance impérialiste moindre et pour moi la ligne de séparation n’est pas claire entre ce qui serait la « lutte juste d’une nation opprimée » et la « mauvaise guerre d’une puissance impérialiste moindre » sur la scène internationale.
De plus, il n’y a rien « d’anti-impérialiste » dans le régime au pouvoir aujourd’hui en Iran. La fausse notion que l’Iran serait une « nation anti-impérialiste » est liée avec la fausse notion qu’il s’agirait d’un « pays dominé ». La plupart des gens voyaient la révolution de 1979 contre le Shah de la même façon que les autres luttes anti-coloniales du tiers-monde comme celles du Vietnam ou d’Inde qui ont chassé les pouvoirs coloniaux de ces pays qui étaient effectivement des pays dominés. Mais l’Iran n’avait rien à voir avec ces exemples ; l’Iran était un Etat clientéliste avec son propre ordre du jour régional, un ordre du jour qui était le mieux défendu par une alliance militaire renforcée avec les USA. Ce n’était pas une colonie soumise aux désirs d’un colonisateur. Dans les années 1970, le Shah a pu construire sa force armée et sa police secrète avec la hausse des prix du pétrole et les américains l’ont aidé à construire sa propre influence régionale tant que cela suivait leurs propres buts dans la guerre froide, mais, paradoxalement, cette relation a permis au Shah de devenir plus indépendant tant des influences extérieures qu’internes et l’a aidé à se transformer en autocrate qui, à la fin, ne demandait même plus l’avis des américains. Des conseils qui avaient pour but de le maintenir au pouvoir.
Après la chute du Shah, ce statut d’Etat clientéliste fut supprimé, mais les ambitions régionales du nouveau régime étaient tout aussi forte que celles de l’ancien régime. En fait, la nouvelle République Islamique est devenue le régime iranien qui a eu le plus de succès en 300 ans pour promouvoir l’influence politique de l’Iran dans la région.
Le premier de ses succès fut de détruire les aspirations kurdes à l’autonomie par une brutale campagne de terreur au lendemain de la révolution. La deuxième réalisation fut de briser le dos au pan-arabisme avec la défaite de Saddam Hussein lors de la guerre Iran-Irak qui, certes, s’est terminée loin d’avoir atteint les objectifs de prendre Karbala et de renverser le parti Ba’ath. Cela a mené aux événements qui ont mené au renversement du régime Ba’ath en Irak et à la suppression d’un des plus grands obstacles à l’hégémonie iranienne dans la région.
Même aujourd’hui, la République Islamique n’est pas « contre l’impérialisme », elle a des liens économiques et politiques avec la Chine et la Russie, deux des principales puissances impérialistes après les USA. L’Iran a aussi aidé matériellement le gouvernement du Sri Lanka dans sa guerre génocidaire contre les Tamouls, une guerre qui a été largement condamnée par les groupes progressistes et de gauche d’Occident.
Ainsi, les défenseurs du régime peignent une image d’un vaillant Iran opprimé anti-impérialiste se levant face au pouvoir hégémonique de « l’impérialisme ». La réalité, pourtant, d’où que l’on regarde le monde, que l’Iran n’est ni une « nation opprimée » ni une « nation assujettie ». l’Iran a toujours, que ce soit sous le régime Pahlavi ou pendant la République Islamique, eu ses aspirations régionales impériales. Des aspirations qui ont été contrariés lorsque l’Iran n’a pas pu prendre Karbala lors de la guerre Iran-Irak, mais qui ont ressurgi dans le sillage de la guerre contre la terreur.
De plus, la prétention que l’Iran défend les droits des musulmans ne tient pas une seconde. En mettant de côté le fait que les droits des musulmans qui vivent dans le pays sont quotidiennement écrasés, l’Iran n’a pas prononcé un moindre mot de condamnation lorsque les russes menaient une guerre brutale contre les tchétchènes musulmans ou lorsque les chinois ont participé à un pogrom organisé par l’Etat contre les musulmans Ouïghours d’Urumqi. Et dans le sanglant conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie suite à l’éclatement de l’Union Soviétique, l’Iran a ouvertement soutenu les chrétiens arméniens contre les musulmans azéris. Et en interne, l’Iran utilise les terres prises de force aux Arabes iraniens d’Ahvaz pour entrainer les combattants du Hezbollah, une ironie si on considère que cette organisation déclare être engagé pour les droits des arabes.
Mais le plus important peut-être est que l’Iran coopère pleinement avec les USA dans la guerre contre la terreur en Afghanistan pour chasser les talibans, un réalisation qui profite à l’Iran au moins autant qu’aux Etats-Unis. En fait, malgré des récriminations occasionnelles, l’Iran est le principal vainqueur régional de la guerre contre la terreur parce que ses deux principaux rivaux, les régimes Ba’ath et talibans, ont été chassés du pouvoir, ce qui permet à l’Iran d’asseoir son influence tant en Irak qu’en Afghanistan.
Tout cela peint une image d’un Iran qui n’est pas principalement « anti-impérialiste », mais au contraire juste un autre Etat pragmatique qui défend ses propres intérêts régionaux et est prêt à coopérer y compris avec le « grand Satan » lui-même pour y arriver.
Maintenant, pour revenir au troisième point que j’ai avancé tout à l’heure, la plupart des gens qui voient le gouvernement d’Iran comme un gouvernement « anti-impérialiste » qui doit être défendu contre toutes les critiques, ne parviennent pas à reconnaître à la fois les revendications du peuple d’Iran et de le reconnaître comme acteur politique légitime dont les actions peuvent avoir un impact dans la lutte contre l’impérialisme.
Je crois sincèrement que la victoire d’un mouvement populaire et démocratique qui fait tomber la République Islamique est le meilleur espoir que nous puissions avoir pour arrêter une possible guerre future avec l’Iran. Le peuple d’Iran, par les sacrifices faits ces 7 à 8 derniers mois, a pu briser l’image stéréotypée du musulman fanatique et arriéré qui est si diffusée dans l’esprit de l’occidental moyen, bien mieux que la gauche n’a pu le faire pendant des années de campagnes contre la guerre sur les campus. CNN, malgré son agenda néo-conservateur si apparent dans sa couverture zélée du soulèvement post-électorale, est en train de rendre un bien mauvais service aux faucons en montrant au monde que le peuple iranien a les mêmes désirs démocratiques de bases et les mêmes aspirations à la liberté que le reste du monde et est prêt à mener une lutte pour ses droits sans aucune aide des puissances étrangères.
Ce serait maintenant beaucoup plus coûteux politiquement d’attaquer l’Iran et je voudrais ajouter que ce sera beaucoup plus facile de faire des campagnes contre la guerre et les sanctions économiques hors de l’Iran puisque le visage humain de l’Iran a été mis en lumière sous les spots de l’Iran. Et si le mouvement réussi et que l’Iran a un régime plus humain et plus démocratique, une future attaque militaire discréditera complètement les Etats-Unis comme promoteur de la démocratie dans la région, un processus qui a d’ores et déjà commencé après l’échec des campagnes d’Afghanistan et d’Irak.
En plus, la fin de la République Islamique signifiera la fin de la domination de l’Islam politique au Moyen-Orient. Ayant été à la tête d’une tendance politique régionale depuis la révolution islamique, l’Iran a joué un rôle significatif dans l’établissement de l’hégémonie de l’Islam politique sur les courants politiques concurrents au Moyen-Orient. La faillite du républicanisme islamique en Iran ouvrira un espace pour débattre de la future direction politique des autres mouvements de la région aspirant à la justice. Que ce soit les égyptiens luttant pour la démocratie en Egypte ou les palestiniens qui luttent pour leur droit fondamental à l’auto-détermination, la question qui sera sûrement posée sera : « l’Islam politique apporte-t-il une réponse aux problèmes des gens opprimés et brutalisés du Moyen-Orient ? »
Je crois que le succès du mouvement n’est pas seulement la meilleure chance des iraniens pour établir une démocratie, mais aussi la meilleure chance dans la région pour créer de véritables démocraties locales.
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