Le mercredi 11 mars, le collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes a lancé un mouvement d’occupations nuit et jour sur la base du droit au logement pour toutes et tous, français-es ou étranger-e-s, avec ou sans papiers. Ce mouvement faisait suite à la hausse du nombre de personnes laissées à la rue dans le département, notamment des demandeurs d’asile politique et des enfants.

Cette situation de crise est directement liée à la décision de l’Etat de diminuer le nombre de places d’hébergement temporaire pour les personnes étrangères qui demandent des papiers. Ces places, qui étaient au nombre de 650 en Ille-et-Vilaine en 2004, doivent passer de 400 en 2008 à une centaine d’ici le 1er juin 2009.
Des suppressions d’emploi sont aussi prévues dans le service d’hébergement temporaire (SHT) du département. D’ailleurs, le mardi 7 avril, une grève a été organisée par les syndicats du SHT pour dénoncer à la fois la situation faite aux étranger-e-s et les conséquences sur l’emploi.

En un mois, notre collectif a occupé nuit et jour 5 lieux différents : le centre social Carrefour 18 (13 jours), le syndicat CGT (9 jours), la maison de quartier Renée Prévert (3 jours), le centre culturel Triangle (11 jours) et la maison des squares (6 jours). Ces « occupations longues amies » avaient pour double objectif d’héberger directement sur les lieux occupés les personnes laissées à la rue et de construire une mobilisation sur la question du logement. Pendant plusieurs jours, nous avons dû gérer deux occupations simultanées car nous ne voulions pas qu’il y ait plus de 10 personnes hébergées par lieu occupé.

Notre collectif a aussi occupé la DDASS, responsable du financement de l’hébergement temporaire, mais nous avons été évacué-e-s par la police.

Par ailleurs, une occupation du Conseil général a été lancée mais elle n’a pu se terminer en « occupation longue amie » (menace d’évacuation policière).

Les occupations longues amies ont suscité de multiples gestes de solidarité : accueil souvent chaleureux du côté des personnels et bénévoles des lieux occupés, interpellation des pouvoirs publics parfois relayée, ravitaillements de toutes natures, présences, communiqués de soutien de la part de plusieurs organisations, démarches de quelques élu-e-s…
Nous tenons à affirmer que ces occupations n’auraient jamais pu tenir sans ces gestes de solidarité, notamment ceux des dizaines de personnes qui ont participé à la mobilisation en donnant du temps pour la prise en charge de toutes ces tâches que l’on ne voit pas toujours. Tâches culinaires, tâches de nettoyage, tâches médicales, tâches juridiques, tâches de transport, cours d’apprentissage du français, jeux de cartes, réalisation d’un film, venue de musicien-ne-s…
Il est impossible d’énumérer toutes les tâches qui ont contribué à faire tenir ce mouvement d’occupations, à le rendre joyeux même parfois.

Après un mois de lutte, qu’avons-nous obtenu ?

Après que nous ayons menacé de réquisitionner des logements vides, toutes les personnes nous ayant contacté-e-s et ayant accepté notre mode de mobilisation sont aujourd’hui logées de manière durable.
L’Etat a fini par prendre en charge l’hébergement de certain-e-s demandeurs d’asile. Pour les autres personnes, le refus de l’Etat de les héberger – sous prétexte que ces personnes, durant le mouvement d’occupations, n’auraient pas accepté des propositions d’hébergement de quelques nuits – a débouché sur une solution durable proposée par la mairie de Rennes.
Autrement dit, une collectivité locale a dû remplacer l’Etat dans sa responsabilité de l’hébergement de tou-te-s les demandeurs d’asile.

Quelle est la situation actuelle ?

Le 5 avril 2009, le secrétaire général de la préfecture d’Ille-et-Vilaine a déclaré : « La République doit un hébergement aux demandeurs d’asile. Ce droit existe à partir du moment où le dossier de demande d’asile est enregistré. » (Ouest France). L’Etat a donc reconnu par voie de presse qu’il était responsable de toute nouvelle personne demandeuse d’asile politique qui sollicitera un hébergement en Ille-et-Vilaine. La mairie de Rennes affirme qu’elle n’ira pas plus loin puisque l’hébergement de ces personnes n’est pas de sa compétence.

Notre ultimatum adressé aux pouvoirs publics

Nous avons décidé de suspendre notre mouvement d’occupations nuit et jour jusqu’au mercredi 29 avril. Durant cette période de trois semaines, nous voulons voir si des personnes continuent d’être laissées à la rue et nous sollicitent, en particulier des personnes demandeuses d’asile politique. Il s’agira notamment d’évaluer si la préfecture assume ses responsabilités en matière d’hébergement.
Mais nous informons clairement les pouvoirs publics : le mercredi 29 avril, si nous jugeons la situation à nouveau intolérable, alors le mouvement repartira et un passage à la réquisition de logements vides sera immédiatement discuté.

Nous ne tolérons pas que l’engagement de l’Etat à prendre ses responsabilités au niveau de l’hébergement des demandeurs d’asile ne soit pas suivi d’effet réel.
Nous ne tolérons pas que des gens, avec ou sans papiers, soient laissé-e-s à la rue, y compris des enfants comme fin février.
Nous ne tolérons pas que des gens viennent nous solliciter sans que nous ayons d’autre solution à leur proposer que de rester encore à la rue.
Nous avons conscience que la lutte que nous venons de mener n’est pas restée vaine. Cependant, ne croyez pas que les logements obtenus suffisent à nous faire oublier que le droit au logement, pour toutes et tous, reste à conquérir !

Collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes